Jacques Chirac en 5 expressions

Ce que l’on peut retenir de la vie politique de Jacques Chirac en quelques citations.

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Jacques Chirac en 5 expressions

Publié le 26 septembre 2019
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Par Frédéric Mas.

Il est possible de comprendre le parcours et l’héritage politique de Jacques Chirac en le résumant en quelques citations emblématiques.

Le parti de l’étranger

Quand Jacques Chirac se fait hospitaliser pour un accident de la route en 1978, il est alors maire de Paris, ancien ministre et président d’un parti en pré-campagne, le RPR, pour les européennes. Dans un communiqué inspiré par ses deux proches conseillers d’alors, Pierre Juillet et Marie-France Garaud, il dénonce le caractère « anti-national » de l’Europe fédérale soutenu par le « parti de l’étranger » que serait l’UDF, c’est-à-dire la formation politique du président de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing.

Si la harangue se veut gaulliste, avec le recul, elle sonne très souverainiste, voire nationaliste. Il faudra attendre quelques années pour que Jacques Chirac fasse volte-face et embrasse le projet européen avec un enthousiasme de circonstance.

Le bruit et l’odeur

Au début des années 1990, le RPR est contraint de se positionner clairement face à un concurrent inattendu, apparu sur sa droite, le Front national. La question migratoire, qui jusque dans les années 1980, était considérée comme mineure au sein du débat public, devient centrale. En tant que Premier ministre, Jacques Chirac avait déclaré par le passé qu’il adhérait à une vision du pays pluraliste et multiraciale.

Seulement, en 1991, à Orléans, face à un parterre de militants, J. Chirac recadre le discours de la droite parlementaire en empruntant au lexique de l’extrême droite populiste. L’intention est claire, il s’agit de reconquérir les voix du FN. Ainsi, il déclare :

… Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d’or […] qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur [rires nourris], eh bien le travailleur français sur le palier devient fou.

L’opération est pourtant peu efficace, et conduit surtout à coller à Jacques Chirac une réputation de raciste (« facho Chirac ») dont il ne se défera que quelques années plus tard en retournant une nouvelle fois sa veste.

La fracture sociale

En 1995, Jacques Chirac entre en campagne pour l’élection présidentielle. Il l’inaugure par un discours signé Henri Guaino, qui évoque la « fracture sociale », c’est-à-dire la stratification de la société française et sa polarisation entre une classe protégée des aléas de l’économie et une classe assignée aux emplois précaires et au chômage. Pour rassembler autour de sa personne et pour faire oublier ses écarts droitiers antérieurs, ses velléités de réforme ou encore les « affaires », Jacques Chirac « gauchise » son discours en empruntant aux réflexions de la gauche, parfois même de la gauche de la gauche.

Pour l’historien Timothy Smith, c’est aussi à cette période que se popularise dans le discours politique français l’antilibéralisme et l’hostilité à la mondialisation. Pour faire oublier l’échec des réformes de l’État-providence et des retraites, le personnel politique, Chirac en tête, trouvera plus commode d’accuser la mondialisation plutôt que les faiblesses d’une classe politique incapable de réformer.

Mangez des pommes

Jacques Chirac lance sa campagne de 1995 en publiant un essai en forme de programme intitulé La France pour tous. Sur la couverture, un pommier, bientôt repris dans les campagnes de communication et d’affichage comme un élément visuel symbolique de l’ambition du candidat.

Les Guignols de l’info, émission satirique de Canal+ alors au sommet de sa gloire médiatique, se saisit de ce détail pour caricaturer le slogan du candidat Chirac : « mangez des pommes ! » L’émission de marionnettes fait beaucoup pour rendre le personnage de Chirac sympathique et effacer son ardoise. Dans la culture populaire et télévisuelle, Chirac devient ce qu’il reste aujourd’hui pour beaucoup de Français, quelqu’un de sympa et popu, amateur de charcuteries et de Corona, peut-être un peu simple mais pas méchant. À l’époque, les auteurs des Guignols cherchaient aussi à jouer Chirac contre Balladur, jugé trop bourgeois et trop droitier.

J’ai décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale

Le 21 avril 1997, soit deux ans après son élection en tant que président de la République, Jacques Chirac décide de dissoudre l’Assemblée nationale. La manœuvre est inhabituelle, puisqu’en règle générale, celle-ci intervient au moment de l’élection présidentielle afin de consolider la légitimité de l’exécutif et lui donner le pouvoir de gouverner. Autant politiquement que stratégiquement, c’est un ratage complet, puisque la gauche redevient majoritaire à l’Assemblée et conduit à une nouvelle cohabitation. Lionel Jospin devient Premier ministre, et constitue un gouvernement de « gauche plurielle », c’est-à-dire alliant socialistes, écologistes et communistes.

C’est aussi, en quelque sorte, le troisième moment de la longue vie politique de Jacques Chirac : après le Chirac droitier, le Chirac gauchiste, vient le Chirac immobiliste : la cohabitation lui permet de reconstruire son image en père de la nation « au-dessus des partis » sans prendre le risque de l’engagement ou de la responsabilité, laissés aux mains du véritable chef de l’exécutif de l’époque, Lionel Jospin.

C’est ainsi auréolé de sa gloire de rassembleur pragmatique et sans idéologie fixe qu’il pourra facilement se positionner comme rempart antifasciste contre l’extrême droite lors des élections présidentielles de 2002. La droite qu’il rassemblera autour de lui après sa victoire en forme de plébiscite sera d’ailleurs à son image : conservatrice, peu portée sur la réforme et les idées, mais soucieuse de coller à l’air du temps.

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  • Certes, mais le temps a passé. Nous savons maintenant que la politique française n’est pas toujours dirigée par ceux que nous avons élus.
    Finalement le premier Chirac était lucide: le parti de l’étranger…

  • Très bon politicien, mais un bilan particulièrement pitoyable en ce qui concerne l’évolution de la France

  • L’archetype du politicien sans scrupule passant sa vie entière à la conquête du pouvoir pour le pouvoir.
    Une fois arrivé en haut de la pyramide il en a fait…rien.

  • La dissolution a eu lieu en 1997, les Législatives devaient survenir en 1998 avec de bonnes chances de gain (septennat à 7 ans 1995-2002, Législatures de 5 ans donc 1993-1998 cohabitation avec Mitterand puis Juppé premier ministre). Le ratage total…

  • Chirac, une bête de guerre pour prendre le pouvoir, incapable de savoir quoi en faire après la victoire, mis à part pour trahir ses adversaires et ses promesses électorales. Le premier des présidents fainéants. Trois autres ont suivi depuis.

    Ses grandes fautes : avoir trahi Giscard puis Balladur, avoir accepté la première cohabitation au lieu d’achever Mitterrand, avoir consolidé les réformes socialistes de 1981 au lieu de les abroger purement et simplement.

    Paix à son âme.

  • Le gars était sympathique, mais de là à dire qu’il fût un grand président à part quelques citations : »Ça m’en touche une sans faire bouger l’autre », je ne vois pas son action politique en France. Il fût un roi fainéant mais sans plus.
    Donc en conclusion, Chrirac fût un animal politique toujours prêt à se battre pour le pouvoir, mais après….

  • Malheureusement Cavaignac a bien résumé les choses,pendant ce temps là en Allemagne un certain Schröder réformait dans la difficulté et Merkel en a ramassé les fruits.

  • En 1 mot : « traître » envers ses électeurs…

  • Jacques Chirac est mort paix a son âme..
    Mais au delà de la mort d’un homme se trouve les résultats politiques qui nous affectent aujourd’hui encore..
    JC a été ‘inventeur de la Drauche, c’est a dire de la droite qui fait une politique de gauche..
    Tombeur de Giscard il a favorisé la victoire de Mitterrand en sous main ( rappelez vous l’affaire des diamants qui n’ont jamais existé on le sait aujourd’hui)
    La transformation du septennat en quinquennat , qui empêché toute cohabitation et toute reelection a un 2 eme mandat jusqu’à aujourd’hui
    La fin du service militaire qui a tué la cohésion sociale.
    Le front republicain qui permet a tout candidat devant le FN au 2 eme tour d’être réélu quels que soient les ressauts du premier
    L’élection législative placée apres la présidentielle organisée par jospin, qui permet a un president mal elu d’avoir quand meme une majorité etc..
    Ce sont ces actions qui on fait que nous soyons dans une telle merde sur tout les plans, dans une pseudo democratie institutionnalisée qui doit vivre avec le peuple qui gronde , l’administration qui gouverne dans le nepotisme éclairé largement incestueux du « en meme temps ».
    le « en meme temps  » c’est l’invention de J Chirac..
    sur ses traces Macron fera un deuxième mandat , que vous le vouliez ou pas, grâce a la manipulation constitutionnelle florentine de J Chirac digne de machiavel ou des Borgias

    • En somme, le traditionnel « paix à ses cendres » n’implique pas l’oubli des vivantes saloperies défuntes comme le disait l’autre PD.

    • 40 années d’empêchement de la France d’avancéer sauf vers le socialisme, M. Rocard ne disait-il pas que J. Chirac était plus à gauche que lui et souvenez vous de « L’inconnu de l’Elysée ». Sans oubliez les 500 milliards de dettes pour acheter la « paix sociale » et l’avènement du »meilleur ou du pire d’entre nous » au moins égal dans la traîtrise que son mentor

    • 2e mandat Macron ? Pourquoi se représenterait-il ?

  • J’ai lu l’article de monsieur Thermeau avant celui-ci et je suis agréablement surpris par vos commentaires lucides.
    Nous sommes donc nombreux à lui tailler un costard.

  • « Je suis convaincu que le libéralisme est voué au même échec que le communisme, et qu’il conduira aux mêmes excès. L’un comme l’autre sont des perversions de la pensée humaine » (dans Chirac, l’inconnu de l’Élysée de Pierre Péan, éditions Fayard, cité dans Chevènement.fr).

  • Vous pouvez ajouter au tableau de J. Chirac, le regroupement familial, décidé en 1976 par Jacques Chirac, alors Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing, le regroupement familial serait l’un des actes politiques que l’ex-président centriste regretterait le plus, selon une biographie sortie le 10 octobre.

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