Rester pauvres ou le devenir, au nom de l’écologie ?

La gauche semble de moins en moins complexée à l’idée de se définir comme le parti de la pauvreté en lieu et place du parti des pauvres.

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Rester pauvres ou le devenir, au nom de l’écologie ?

Publié le 15 septembre 2019
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Par Serge Rouleau.

L’irruption de l’idéologie écologiste redéfinit les clivages et les préoccupations des figures intellectuelles des factions politiques de gauche et de droite. Côté gauche, on regretterait presque le remplacement du discours marxiste par le discours écologiste tant ce dernier atteint les sommets du cynisme. La proposition de Jean-Marc Jancovici de cesser de soigner les personnes âgées au nom du culte de Gaïa n’est que la partie émergée de l’iceberg.

Bien que le marxisme ait péché par nihilisme, par ressentiments envieux et par inculture économique, il avait – officiellement – le souci de la prospérité matérielle des classes laborieuses et indigentes. C’est d’ailleurs parce que le capitalisme libéral et le socialisme marxiste partageaient ce critère de prospérité matérielle qu’on a pu attester la supériorité du premier système sur le second à la suite de la chute du mur de Berlin et de la dislocation de l’URSS.

Le débat public est autrement plus compliqué lorsque le critère de la prospérité n’est plus partagé par la gauche contemporaine. Inspirée par la nouvelle religion écologiste, celle-ci conçoit désormais l’enrichissement de l’humanité comme un fardeau à tempérer. Les propos de l’économiste Daniel Cohen sur le libre-échange et le Mercosur sont à cet égard révélateurs.

Invité sur France Inter le mardi 9 juillet, l’économiste proche de la gauche de gouvernement exprime sa « honte » à l’égard du projet d’accord dit de « libre-échange » avec les pays d’Amérique latine :

« Je n’ai rien contre le commerce international. Je pense que ça a sorti de la misère plusieurs centaines de millions de Chinois, d’Indiens etc. Mais là maintenant, il faut faire une pause. Il faut réfléchir à où on veut aller dans les cinquante prochaines années. Très bien, dont acte, les trente dernières années ont été favorables aux pays émergents – peut-être un peu moins aux pays avancés – mais disons que la balance est globalement positive en quantum de pauvres qui ont été soulagées, mais là maintenant il faut réfléchir à la planète. Donc, non, il faut que lorsqu’on dit veto climatique, ce soit un vrai veto ».

Par ces propos, Daniel Cohen incarne parfaitement le cynisme de l’écologie politique contemporaine. Certes, l’économiste ne partage pas la mauvaise foi de nombreux intellectuels de son camp qui diffusent la vulgate anticapitaliste selon laquelle l’expansion de l’économie de marché aurait répandu la misère quand elle a au contraire été l’un des programmes de réduction de la pauvreté les plus puissants que l’humanité ait jamais connu.

Toutefois, sa connaissance des bienfaits économiques de la mondialisation rend son discours encore plus douteux lorsqu’il appelle à une « pause » ou un ralentissement du seul processus capable d’améliorer la condition des masses aux quatre coins du globe. Le ton employé n’est pas dénué d’une injonction qui transpire le néo-colonialisme. Il semble que monsieur Cohen se considère plus qualifié que les indigents de la planète pour déterminer ce que doit être leur niveau de vie.

Ces deux derniers siècles ont vu la pauvreté, l’illettrisme, la mortalité infantile, la famine, le travail des enfants et de multiples autres fléaux associés à la pauvreté reculer significativement. S’il faut se réjouir de cette évolution, il serait malvenu de se satisfaire de la situation existante.

Un peu plus de 10 % de la population mondiale est encore sous-alimentée. Un peu plus de 700 millions d’êtres humains attendent encore d’être sortis de l’extrême pauvreté. Le sens des flux migratoires atteste que la préférence pour les standards économiques occidentaux ne relève pas d’un caprice de « petit Blanc ». Il s’agit là d’une aspiration humaine universelle. Enjoindre les miséreux qui subsistent à patienter dans l’indigence au motif que la croissance de leur niveau de vie pourrait accroître les émissions de CO2 est donc tout à fait indécent.

Ce discours est d’autant plus douteux que les données communiquées par l’IREF attestent que la croissance économique n’est en rien l’ennemie de la sécurité environnementale. Au contraire, les pays riches sont précisément les sociétés les plus résiliantes face aux catastrophes environnementales. En outre, les fléaux environnementaux propres aux sociétés pré-industrielles sont autrement plus dévastateurs que les inconvénients environnementaux générés par les pays développés.

La prospérité matérielle et la sécurité environnementale ne justifient donc en rien le fait de contrarier la production globale de richesses. N’en déplaise à une gauche de moins en moins complexée à l’idée de se définir comme le parti de la pauvreté en lieu et place du parti des pauvres.


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  • « le parti de la pauvreté en lieu et place du parti des pauvres » : cent expériences de socialisme et cent pays ruinés, ça a toujours été le parti de la pauvreté – le justificatif change du social à l’écologie, mais le but reste la pauvreté ( sauf pour les élites éclairées qui conduisent le peuple, bien sûr )

    • non ça change la moindre richesse était au final le critère que le marxisme marchait mal .eu égard aux buts espérés…

      ici..avoir pour but l’appauvrissement est un gage de succès.. c’est une idéologie qui peut en ce sens « réussir »..

      c’est assez amusant en un sens..quand il y a quelques années, pour contrer la montée de cette idéologie, on rappelait ce que ça impliquait..en donnant des exemples horribles eh bien maintenant , c’est leur « programme « affiché…qui n’est pas un programme politique…

      ceci dit, ces propositions horribles sont tactiques de leur part, pour insister sur l’horreur à venir…ça fait apparaître le programme politique comme « modéré ».

      ils se contenteront de taxer et d’interdire au max..d’ imposer leur trucs.. et il y a fort à parier que tant que nous sommes en démocratie, il ne pourront faire passer des mesures contre productives concernant les fossiles..

      ils ne réussiront à appauvrir que par le biais de malinvestissement massifs..

      ça reste très distrayant de voir des gens aisés s’amuser à vivre comme des pauvres supposés..
      rouler en vélo..ne pas se laver, ne pas se chauffer… mais comme il faut bien dépenser ce qu’on gagne…
      amusant…

      je vois assez mal un parti proposant d’arrêter de soigner les vieux..

      • une remarque les anciens militants tant maoistes que contestataires capitalistes ou anticonsuméristes ont finit par devenir des consommateurs effrénés avides d’argent facile.

        c’est pour cette catégorie une espece de retour de flamme permettant d’assumer ce qu » a été leur vie en totale contradiction avec leurs convivtiopns de jeunesse..

        • @jacques lemiere :
          « permettant d’assumer ce qu » a été leur vie en totale contradiction avec leurs convivtiopns de jeunesse.. »

          Pas con cette theorie

      • @jacques lemiere. Bonjour, avez-vous lu mon message , hier ? (article concernant le Pape)

  • La planète n’est qu’un prétexte. L’écologisme est dans la droite ligne des idéologies anti-humanistes du siècle dernier qui, elles, prenaient comme prétexte l’amélioration de la race humaine.
    On sait où cela a mené.
    Et les idéologues en question ne sont pas morts, ni leurs idées, en 1945.

    • autoritarisme en général…dominer diriger, un trait humain de tous les temps..
      l’idéologique n’est qu’un vernis pour dissimuler cette soif de pouvoir.

    • L’écologisme a pour but revendiqué de détruire le capitalisme, déclaration faite il y a quelques années à l’ONU. Toutes les discussions et les gloses autour de « l’écologie » ne sont que du vent et montrent que leurs auteurs ne se sont pas renseignés sur la vraie nature de ce mouvement qui n’est que politique.

      • non on ne peut pas dire ça…ce n’est pas le but de l’ecologie..que je serais heureux de connaitre…

        mais par contre…leur pseudo solution passe par la chute du « capitalisme »..entendez par là liberté économique..

  • La gauche en particulier, mais pas seulement, ne fait qu’appauvrir la classe moyenne, classe qui risque de s’éloigner d’elle, plus de pauvres, plus d’électeurs. Récemment, les 35 heures avec finalement interdiction de faire beaucoup d’heures sup, voilà un bel exemple d’empêcher un enrichissement des pauvres.

  • Excellent article, sauf : résilient, pas « résiliant ».

  • c’est l’écologie qui va faire s’écrouler la social democratie en europe
    toujours plus cher pour beaucoup moins va lui etre fatale

  • Quand quelqu’un commence un discours avec « Je n’ai rien contre xxx », c’est qu’il est religieusement contre xxx. Il n’a aucun argument réel, mais son idéologie doit gagner, et donc il va attaquer ce xxx sous n’importe quel prétexte.

  • qui paye ce monsieur Cohen ? Qu’il nous donne l’exemple de la diminution de son train de vie (on va attendre longtemps) et des efforts qu’il fournit pour cela.

    pour le reste, l’écologie (isme) n’est qu’une renaissance du collectivisme/socialisme/communisme.

  • Heureusement qu’on a l’ecologie pour oublier que nous ne sommes rien entre les mains des puissants .puissants qui se foutent royalement de l’ecologie ou de votre devenir…mais a quoi se rattacher alors que dieu n’a pas resiste a la science sauf dans des cultures non evolutives…vous aurez Gaïa la terre dite nourrisiere …qui n’a jamais nourrit personne sans effort ,effort oublié depuis longtemps.

  • Bon, je n’arrive pas à contacter la Rédaction car le lien de contact ne semble pas fonctionner MAIS :
    Attention, il y a une erreur qui fait tache : EXACTEMENT le même article est paru le 12 Juillet signé Ferghane Azihari.
    Je ne pense pas qu’il y ait plagiat, mais plutôt une grossière erreur sur l’auteur indiqué pour l’un des 2 articles ?
    Merci de rectifier très vite, cela fait vraiment pas très sérieux…!!

    • @alb: En effet, le même article est diffusé en peu de temps sous 2 signatures différentes.
      Honte aux commentateurs « poissons rouge » :)) !
      PS: Je crois qu’il y a eu confusion entre auteur et éditeur du site source.

    • pour être honnête…m^me si les articles sur le sujet ne sont pas les m^mes, ils se ressemblent forcement…
      j’ai souvent l’impression d’avoir déjà lu …la même chose..et forcement les commentaires se ressemblent aussi..

      c’estun peu comme pour l’énergie renouvelable ou la transition énergetique…

  • La gauche a toujours été hypocrite. Sa lutte contre la pauvreté n’était qu’un prétexte pour s’attirer les votes des idiots, mais une fois au pouvoir elle imposait la pauvreté, sauf pour sa nomenklatura. Il fallait voir les conditions de vie dans les pays de l’est communistes où trouver de la viande relevait de l’exploit. Les membres du Parti pouvaient en acheter à profusion dans les magasins réservés à eux!

  • La gauche a toujours été la partie de la pauvreté. les pauvre sont son fond de commerce, plus il y en a mieux c’est.

  • Les commentaires sont fermés.

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Xavier Hollandts est professeur associé à la KEDGE Business School. Docteur et HDR en sciences de gestion, il enseigne l’entrepreneuriat et la stratégie. Spécialiste des questions agricoles, il intervient régulièrement sur ces sujets dans les médias. Ses travaux académiques ont notamment été publiés dans Corporate Governance, Journal of Institutional Economics, Managerial and Decision Economics, ou la Revue Économique.

 

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