Donald Trump limoge John Bolton : un revers pour les néoconservateurs ?

Aujourd’hui, Donald Trump renvoie John Bolton, ce qui peut apparaître comme un camouflet public à l’endroit des plus rigides des néoconservateurs.

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Donald Trump limoge John Bolton : un revers pour les néoconservateurs ?

Publié le 12 septembre 2019
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Par Frédéric Mas.

Donald Trump a congédié son conseiller à la sécurité nationale John Bolton mardi. Il a déclaré sur twitter : « J’ai informé John Bolton hier soir que ses services ne sont plus nécessaires à la Maison Blanche. Je n’étais pas du tout d’accord avec bon nombre de ses suggestions, comme l’ont été d’autres membres de l’administration, et par conséquent… J’ai demandé à John sa démission, qui m’a été donnée ce matin. Je remercie John pour ses services. »

Réaction assez inédite en politique américaine, au moins depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, John Bolton s’est empressé de répondre au président des États-Unis en le contredisant.

Faut-il voir ici un signe du chaos qui règne au sommet de l’État américain, ou plus sûrement, une démonstration supplémentaire de l’extraordinaire rigidité idéologique du néoconservateur Bolton face à un Donald Trump toujours prêt à négocier pour arriver à ses fins ?

La guerre partout

Ce n’est vraisemblablement pas une question de fond qui a séparé les deux hommes, puisque Bolton a été immédiatement remplacé par son second, Charlie Kupperman. Les deux hommes s’inscrivent dans la même nébuleuse qui a eu son heure de gloire sous la présidence de George Bush Jr après les attentats du 11 septembre. Face à la nouvelle situation internationale créée par le terrorisme, les néoconservateurs pensaient pouvoir utiliser l’hégémonie politique, militaire et diplomatique américaine pour façonner un monde à leur convenance, le tout sous couvert de « démocratisation ».

En pratique, ses défenseurs les plus radicaux, dont John Bolton, défendaient la guerre permanente pour défendre les intérêts américains, encourageant les interventions militaires en Afghanistan ou au Proche-Orient, avec les succès qu’on connait. Le point culminant de ce désastre fut la guerre en Irak, qui, au lieu d’endiguer le terrorisme, le fit exploser, déstabilisa une région entière, fit reculer durablement l’influence américaine au profit de ses adversaires stratégiques et engendra un coût humain et matériel immense.

Toujours la guerre

Pour John Bolton, les 20 dernières années de recul des États-Unis au Proche-Orient n’ont pas servi de leçon, et la solution reste la même là où les intérêts américains, ou de ses alliés, sont en jeu : il faut bombarder l’Iran, comme il faut changer le régime nord-coréen par la force, ou intervenir au Venezuela, en Syrie, en Lybie en y envoyant des Marines, dont la vie ne semble pas coûter trop cher comparée aux bénéfices « démocratiques » espérés.

Les trois erreurs des interventionnistes

L’ancien conseiller du président Trump représente à merveille ce que Nassim Taleb nomme les interventionistas, ces élites occidentales qui soutiennent l’intervention militaire partout dans le monde sans avoir à en payer les conséquences.

Pour Taleb, ces interventionistas, en en appelant à la guerre permanente et au changement de régime, font trois erreurs constantes : premièrement, ils pensent en termes statiques, et sont donc incapables de comprendre les étapes qui suivent l’intervention militaire. Deuxièmement, ils ne comprennent pas que les systèmes complexes n’ont pas d’effets unidimensionnels évidents. Troisièmement, les interventionistas sont incapables de prévoir ceux qu’ils aident en intervenant1.

Concrètement, quand les bureaucrates du département d’État américain ont armé les Talibans pour endiguer l’expansion soviétique en Afghanistan, ils n’ont jamais envisagé les conséquences de leurs actes, tout comme les faucons n’envisagent en aucun cas les conséquences désastreuses sur le plan humain de leur propagande en Lybie, en Syrie, en Irak, en Iran, en Ukraine etc.

Aujourd’hui, Donald Trump renvoie John Bolton, ce qui peut apparaître comme un camouflet public à l’endroit des plus rigides des néoconservateurs. Cela augure-t-il pourtant un changement de conduite en politique étrangère ? Il semblerait en tout cas que le locataire de la Maison Blanche se fasse pragmatique et ouvert au dialogue avec ses homologues du Kremlin, d’Afghanistan ou même de Pongyang. Sans doute faut-il aussi voir ici une sorte de recentrage américain sur la Chine, faisant des autres puissances concurrentes des menaces de moindre envergure comparées au géant asiatique. En tout cas, une chose est sûre, le monde d’aujourd’hui ne se prête plus aux lectures manichéennes proposées par les néoconservateurs.

  1. Nassim Nicholas Taleb, Jouer sa peau, Les belles lettres, 2017, p. 20, trad. C. Rimoldy.
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  • Et « en même temps », Macron commence à parler de l’ «Etat profond» français…

  • Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’élection de D. Trump a fait apparaître au grand jour la dyarchie qui est à la tête des Etats-Unis, une dyarchie non seulement politique, mais aussi économique et financière: capitalisme des entrepreneurs orienté vers les intérêts nationaux vs capitalisme financier mondialiste, en lien avec les grandes banques de la City qui a opéré un hold up sur la démocratie américaine au moment de la création de la FED en 1913.
    Ce capitalisme financier, aux mains des grands détenteurs de capitaux, en particulier bancaires, s’est appuyé sur l’hégémonie militaire des Etats-Unis (que le peuple finance) pour faire avancer un projet géopolitique de domination globale. Il a acquis la haute main sur la plupart des médias occidentaux.
    Ces derniers ont donc soutenu la politique américaine tant qu’elle servait leurs intérêts, quand bien même elle violait le droit international.
    C’est à cause de l’élection de Trump, tenant du capitalisme des entrepreneurs que la critique de la politique expansionniste américaine passe le filtre des médias.
    Mais ne nous leurrons pas: c’est pour préparer une démolition contrôlée du dollar au profit d’une monnaie mondiale qui d’inscrit dans le projet des mondialistes. Et celui qui détient le pouvoir monétaire détient de fait, le pouvoir politique. L’euro est un galop d’essai au niveau européen…

  • Et ?…
    J’aurais aimé savoir ce que préconise Frédéric Mas, dont je constate qu’il se borne ici à critiquer les néoconservateurs, mais comme souvent, sans rien préconiser à la place, sinon les platitudes du style « vive le monde multipolaire ! À bas l’hégémonie américaine ! » tant prisées par les Macron, Obama (mais oui) et cie.
    Comme dit le proverbe, la critique est aisée, mais l’art est difficile.

    • Il cite Taleb, il tape sur les interventionnistes, et vous voulez quoi encore ? Qu’on vous fasse un dessin ? A l’instar de tous les vrais libéraux, M. Mas est pour le « chacun chez soi » et surtout pour que chacun soit responsable de ses actes.
      On se plaint de la Russie, qui malmène la Géorgie et l’Ukraine, qui a occupé la Crimée, mais on oublie (trop) facilement l’épisode Kosovo (et guerres en Yougoslavie de manière plus générale) qui a rendu tout cela possible. Et on oublie également ceux qui ont pris ces décisions.
      Et on peut continuer les exemples…

      • C’est un peu facile, et j’aime bien l’expression « les vrais libéraux » : chimiquement purs, vous voulez dire ?
        Les « vrais libéraux », ils auraient fait quoi en 36, 38, 39 et 40 ? Ils seraient restés chacun chez soi, en attendant de devenir allemands, puis rouges (pendant la guerre froide), puis… on peut continuer longtemps.
        Le dogme chimiquement pur, très peu pour moi, quand on ne propose rien d’un peu plus élaboré que « le vrai libéral reste tranquillement chez lui ». Vous semblez oublier que le monde est juste un peu plus complexe que cela.

  • L’auteur omet deux points importants pour analyser cet événement, la lutte contre le marécage (« Drain the swamp ! ») et la campagne pour la présidentielle de 2020. Dans cette optique, vu le niveau de ses adversaires et à moins d’une candidature surprise toujours possible, Trump ne peut plus être battu que par lui-même. Pour éviter la moindre erreur qui pourrait effrayer les électeurs indépendants, il nettoie la Maison blanche de ses éléments les plus risqués, les plus perturbateurs. Le caractère étonnamment conciliant de Trump, pour ne pas dire placide voire apathique, à l’égard d’un Macron pourtant surexcité, insolent et agressif lors du dernier G7 relevait du même objectif.

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