Protéger les lanceurs d’alerte rapporte plus que négocier avec les fraudeurs

En écho à la hausse de la lutte contre la fraude hissée parmi les revendications du Grand débat national, Maître Pierre Farge, spécialisé dans la cause des lanceurs d’alerte, témoigne du recouvrement sans précédent des fonds que leur protection effective permettrait aux caisses de l’État.

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Protéger les lanceurs d’alerte rapporte plus que négocier avec les fraudeurs

Publié le 8 septembre 2019
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Par Pierre Farge.

En écho à la hausse de la lutte contre la fraude hissée parmi les revendications du Grand débat national, Maître Pierre Farge, spécialisé dans la cause des lanceurs d’alerte, témoigne du recouvrement sans précédent des fonds que leur protection effective permettrait aux caisses de l’État.

Ses propositions prennent ici la forme d’une note aussi didactique que technique à l’attention du Ministre du Budget, et du nouveau nommé Procureur de la République financier, Jean-François Bohnert.

Sur fond de course présidentielle américaine, et notamment démocrate, l’appel de Georges Soros et dix-sept milliardaires américains s’opposant à Donald Trump pour réclamer une plus forte taxation des très hauts revenus, se lit en ces termes :

« L’Amérique a la responsabilité morale, éthique et économique de taxer plus notre richesse. Une taxe sur les très riches pourrait aider à résoudre la crise climatique, améliorer l’économie, améliorer la santé, créer des opportunités et renforcer nos libertés démocratiques. »

En France, une mobilisation aussi audacieuse se limite à la toiture de Notre-Dame, plutôt qu’au sauvetage de l’Amazonie, ou la protection des lanceurs d’alerte, annoncée à grand renfort de loi Sapin 2, dont les dispositions sont en contradiction les unes avec les autres, et toujours pas effectivement appliquées.

Cette loi prévoit en effet la création de la convention judiciaire d’intérêt public, et définie ce qu’est un lanceur d’alerte.

La pratique oblige néanmoins à constater que le premier dispositif encourage les fraudeurs à la négociation d’amendes, témoignant d’un recouvrement relatif de 440 millions d’euros en trois ans et demi ; et le second dispositif décourage les lanceurs d’alerte au partage d’informations, en dépit d’un potentiel de recouvrement pourtant sans précédent de 8 à 10 milliards d’euros dans un moindre temps.

Négociation avec les fraudeurs pour un recouvrement relatif

La création issue de la Loi Sapin 2, inspirée des mécanismes américain et anglais de transaction pénale, a fourni un outil permettant au Procureur de la République de renoncer à la poursuite des personnes morales mises en cause pour corruption, trafic d’influence, fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale.

Pour ce faire, trois conditions cardinales à remplir afin de bénéficier d’un abandon des poursuites, à savoir auto-dénonciation, coopération et mesures correctrices appropriées.

Depuis son entrée en vigueur en 2017, et ses mesures directrices précisées le 27 juin 2019, six conventions judiciaires d’intérêt public ont été conclues et près de 440 millions d’euros versés au Trésor public français après reconnaissance des faits, collaboration étroite avec l’autorité judiciaire, mise en vigueur d’un programme de conformité, et indemnisation des victimes.

Si cette avancée parait louable, force est néanmoins de constater qu’un dispositif beaucoup plus rapide en termes de recouvrement de deniers publics serait possible, à savoir protéger les lanceurs d’alerte.

Découragement des lanceurs d’alerte en dépit d’un potentiel de recouvrement sans précédent

Conformément à la Loi Sapin 2, un lanceur d’alerte est un individu désintéressé faisant un signalement dans l’intérêt général, permettant la prévention ou la révélation des failles et dysfonctionnements de nos États, nos économies, nos systèmes politiques et financiers, et à ce jour ayant déjà permis un recouvrement considérable de fonds publics.

Ce désintéressement du lanceur d’alerte exclut donc une aide financière.

Issue d’une décision du Conseil constitutionnel de 2016, cette interdiction est tout à fait contestable puisqu’elle ne concerne que la compétence attribuée au Défenseur des droits pour procéder lui-même à l’indemnisation. Autrement dit, en attribuant cette compétence à une autre institution, le secours financier au lanceur d’alerte serait donc tout à fait possible.

Force est donc de constater que le potentiel de révélations, et donc de recouvrement de fonds éludés à l’État, serait estimé entre 8 et 10 milliards d’euros si les lanceurs d’alerte venaient à être effectivement protégés par la Loi Sapin 2 ; donnant ainsi un caractère très relatif aux 440 millions d’euros recouvrés en trois ans par la CJIP.

Légiférer d’urgence : des rentrées immédiates dans les caisses de l’État

Trois mesures pourraient donc être prises sans délai par le ministre du Budget pour pallier ces contradictions issues du même texte de loi.

1) Le ministre du Budget a d’abord les moyens, quasiment du jour au lendemain, de rédiger un nouvel arrêté définissant les critères d’indemnisation chiffrée des aviseurs fiscaux, soit, en quelques lignes, préciser les seuils en pourcentage à concurrence des sommes recouvrées.

2) Le ministre du Budget a également le pouvoir de faire amender l’article 6 de la Loi Sapin 2 en ajoutant la possibilité d’une indemnisation du lanceur d’alerte à un autre organe que le Défenseur des droits, comme par exemple le PNF.

3) Le ministre du Budget a enfin le pouvoir d’impulser l’initiative au PNF et à l’AFA de préciser les conditions dans lesquelles ces derniers pourraient indemniser le lanceur d’alerte sur le modèle américain, comme cela vient d’être fait en juin pour la CJIP s’inspirant des dispositions du DoJ.

Une impulsion d’autant plus possible que le nouveau Procureur de la République financier succédant à madame Eliane Houlette, monsieur Jean-François Bohnert, est désormais connu, et qu’il peut décider dès son entrée en fonction de faire de cela un marqueur de son mandat.

Le problème de la délation ?

Pour appuyer cette politique, il reste encore à répondre à l’argument trop souvent entendu pour s’opposer à la protection des lanceurs d’alerte, à savoir du délateur renvoyant à la plus sombre histoire de la France, et la capacité proverbiale à dénoncer son voisin.

Cet argument est faux et malhonnête. Il met au même niveau les lettres anonymes de dénonciation, courrier nauséabond animé de l’esprit de vengeance, ou de jalousie, telles que reçues quotidiennement par le ministère des Finances ; alors que les lanceurs d’alerte font un signalement dans l’intérêt général, permettant la prévention ou la révélation des failles et dysfonctionnements de nos États, nos économies, nos systèmes politiques et financiers, et à ce titre un recouvrement considérable de deniers publics.

Loin de la dénonciation anonyme, le lancement d’une alerte ne consiste donc pas à se poser la question dérangeante de savoir s’il vaut mieux résister ou collaborer. Mais donne plutôt la possibilité à chacun de pouvoir protéger la spoliation organisée du bien public, et ainsi contribuer à l’intérêt général, renforcer l’égalité, et encourager la conscience démocratique.

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  • « de pouvoir protéger la spoliation organisée du bien public »
    Je ne sais pas comment il faut comprendre cette phrase.

  • Aider un etat obese a remplir sa caisse ne semble pas un but honorable bien au contraire ,le fraudeurs sont les lanceurs d’alerte sur l’incompetence des etats a legiferer .
    Et ces milliardaires voulant payer plus d’impots au lieu de choisir grace a leur grande intelligence de placer leur argent là où il faut , hypocrites !

    • Au nombre de ceux-ci il y a quand même WARREN BUFFET mais pas pour gaver l’état dépensier; il s’agit à ce niveau de fortune de préparer leur progéniture à la création plutôt qu’à la gestion de leur fortune, bien que dans le cas de WARREN BUFFET que j’ai cité j’avais lu qu’il avait quand ême prévu de léguer quelques milliards de dollars à ses enfants

      • Il s’agit surtout de soutenir leurs amis politiques. Préparer leur progéniture à la création, comme WB pour des enfants nés en 52, 54 et 58, laissez-moi rire !

    • Pour ces milliardaires, cet argent imposé est un investissement ou un droit à exister.

    • Ces milliatdaires voulant payer plus d’impôts…
      Je ne crois pas.
      La demande d’une plus forte taxation des très hauts revenus, par des mondialistes comme Soros, doit se comprendre comme une taxation des riches entrepreneurs qui ont réussi de manière tout à fait légale. Il y a riches et riches…

      Avec un parfait cynisme, les riches crapuleux mettent en avant la possibilité de « résoudre la crise climatique, améliorer l’économie, améliorer la santé, créer des opportunités et renforcer nos libertés démocratiques. »
      Sur le fond, ils ont une vision collectiviste: hormis la super classe à laquelle ils appartiennent, tout le reste doit être égalitaire…

    • Il faut pas être ridicule. Vous tombez dans l’excès inverse de cet article: les fraudeurs agissent non pas dans l’intérêt général mais pour leurs propres intérêts. Vous pensez réellement que les fraudeurs le font par motivation idéologique ?? Non c’est juste pour garder leurs frics pour eux.
      Tout comme les lanceurs d’alerte n’agissent pas pour remplir les caisses de l’état mais le plus souvent dans leurs intérêts. Typiquement soit pour se venger (un ancien salarié qui se fait virer) soit par jalouisie

      • Quel épouvantable crime, agir dans son intérêt, alors que l’état sait mieux qu’eux ce qui leur convient le mieux . Salauds ….vouloir garder ce qu’ils gagnent, c’est insupportable, comment survivront les parasites, politiques, syndicats et autres?

  • « un signalement dans l’intérêt général… »
    L’intérêt général, celui qu’une petite minorité parvient à faire graver dans la Loi… Pour être crédible, il faudrait d’abord montrer comment chaque particulier, et non seulement le dénonciateur, le législateur et leurs copains, bénéficierait de ces alertes. De mon passage au service national, j’ai retenu que l’intérêt du général et celui de l’homme du rang sont systématiquement opposés, sauf en de très rares occasions dans lesquelles il n’y a pas besoin alors de la Loi pour le rappeler.

    • « Lorsqu’un politicien invoque les termes « intérêt général », « justice sociale » ou « solidarité », c’est probablement parce qu’il veut mettre sa main dans nos portefeuilles » citation que je ne sais plus à qui l’attribuer

  • @gillib, cet avocat a une sensibilité gouvernementale prononcée. J’avais aussi relevé « recouvrement considérable de deniers publics », ce que j’en sais c’est que les deniers publics sont l’argent du contribuable, l’état étant un improductif économique voir destructeur de richesses au moins égal au montant des impôts prélevés qui ne se retrouvent pas dans l’investissement productif à titre de rappel 1.050 milliards de prélèvements obligatoires représentent 46 % du PIB. Et nous savons que nombre d’avocats finissent en politique et que l’argent des autres leur est agréable tout en observant que ce sont de piètres entrepreneurs, économistes, financiers car ce n’est pas avec des lois que l’on crée la richesse.

  • nous avons eu , dernièrement, deux députés qui en ont lancé une belle d’alerte , concernant le nombre de citoyens en France ( 84 millions je crois ) dont quelques millions reviennent du royaume des morts pour toucher des allocs et se faire soigner gratis …..avez vous remarquer la vitesse à laquelle cette alerte a disparu des infos ? ….à mon humble avis , l’état a une sainte horreur des lanceurs d’alerte et tout le monde sait pourquoi ;

  • Le jour où nous verrons un lanceur d’alerte sur la gabegie collectiviste rémunéré par un % nous serons sauvés. Cela pourrait être la part variable de la rémunération de nos élus et dirigeants.

  • définit lanceur d’alerte de façon générale..sinon c’est de protéger les gens qui crient au loup ou au feu.. ce qui passe encore à force ils lassent , mais ensuite de protéger celui qui dénonce des pyromanes imaginaires…ce qui est diffamatoire.

  • Cet article est complètement ridicule.
    1 Il n’y a aucun rapport entre l’appel des milliardaires à être plus taxé et le reste sur les lanceurs d’alerte. Soi dit passant, rien n’empêche ces milliardaires de faire don de leurs fortunes pour le climat. Balancer dans la presse « oh il faudrait plus nous taxer » c’est juste un signalement de vertu.
    2 Franchement, c’est ridicule. J’attends des études sérieuses montrant que le fait de mieux protéger les lanceurs d’alerte va plus rapporter que négocier avec les fraudeurs. D’où vient l’estimation  » 8 et 10 milliards d’euros » ???
    3 Il faut arrêter de vivre dans le monde des bisounours. L’immense majorité des lanceurs d’alerte ne le font pas dans un but désintéressé ou par intérêt général mais pour leurs propres intérêts. Typiquement un ancien salarié voulant se venger de son entreprise qui l’a viré.
    Les lanceurs d’alerte s’ils sont lanceurs d’alerte c’est parce qu’ils sont au courant de choses. Et comme ce se fait t il qu’ils soient au courant de ces choses ?? Car le plus souvent c’est qu’ils ont eux mêmes participé aux actes illégaux. Alors comment expliquez que quelqu’un qui a participé à des choses illégales (parfois pendant des années) se retrouve tout d’un coup à les dénoncer ??? Parce que soudain, il s’est découvert une morale ?? Non en général c’est juste pour baiser les gens qu’il dénonce.
    C’est notamment ce que dit le journaliste indépendant, Romain Molina qui dénonce les magouilles liés au football: l’immense majorité quand on lui donne une info c’est un mec voulant baiser un autre mec. Et le journaliste doit faire attention à ne pas se faire manipuler?
    Honnêtement, autoriser et même encourager la délation d’actes illégaux est tout à fait défendable d’un point de vue utilitariste. C’est utile pour lutter contre le crime. Donc pourquoi s’en priver ??
    Mais après, il faut pas se mentir: les lanceurs d’alerte sont mués par les mêmes intérêts que les délateurs de la Seconde guerre mondiale.
    Vous savez les délateurs lors de la Seconde guerre mondiale, ils n’écrivaient pas des lettres en disant: « je dénonce tel personne parce que je suis jaloux d’elle » mais ils invoquaient aussi le fait de faire cela au nom de leur devoir patriotique.

  • « Cette loi prévoit …, et définiT ce qu’est un lanceur d’alerte. »
    De rien.

  • Un autre cas typique dans la délation entre particuliers c’est les divorces.
    Un couple divorce et l’un des deux dénonce de dénoncer l’autre pour se venger.
    Désolé mais il faut vraiment être très naif pour croire réellement que ce qui guide les lanceurs d’alerte c’est l’intérêt général le plus souvent c’est soit la vengeance soit la jalouisie

  • Que vient faire cet article sur Contrepoints ? Protéger la dénonciation anonyme dans «l’intérêt général » mesuré à l’aune des rentrées fiscales ! Toute entreprise va expliquer que son concurrent fraude le fisc….

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