Droits de propriété et gaz de schiste au secours de la transition énergétique

Pourquoi la transition énergétique en Europe se refuse à recourir au gaz de schiste alors qu’elle est soumise à un chantage économique et politique des producteurs ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Oilfield Pumpjack in West Texas #jcutrer By: Jonathan Cutrer - CC BY 2.0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Droits de propriété et gaz de schiste au secours de la transition énergétique

Publié le 3 septembre 2019
- A +

Par Max Falque.

À juste titre, les pouvoirs publics cherchent des solutions pour faire face au risque de pénurie d’énergie. Mais désormais on sait, contrairement aux prévisions de Stanley Jevons, du Club de Rome et des innombrables prophètes de malheur toujours démentis par les faits que les énergies carbonées (hydrocarbures et charbon) sont abondantes et assurent à l’humanité des ressources pour au moins une centaine d’années.

Mais cette abondance rassurante irrite l’idéologie écologiste car précisément, prêchant la décroissance et rendant seul responsable le CO2 du réchauffement climatique, elle s’efforce d’interdire leur utilisation et a réussi à persuader le gouvernement français de les éliminer d’ici 2050 ; en clair une promesse d’ivrognes et/ou de démagogues !

Ceci explique la recherche désespérée d’énergies renouvelables notamment éolien et solaire, qui certes n’émettent pas de CO2 mais sont coûteuses, intermittentes, destructrices des paysages terrestres et marins et de l’avifaune sans oublier l’indispensable modification du réseau de transport de l’énergie électrique.

Il existe pourtant une solution : l’extraction du gaz de schiste par la technique du fracking.

Les avantages sont évidents :

  • présent quasiment partout sur la planète, il supprime donc le chantage des producteurs classiques dont le Moyen-Orient et la Russie ;
  • coûts d’extraction compétitifs pour autant que le baril de pétrole ne descende pas en dessous de 50 dollars ;
  • techniques désormais au point après 15 années de pratique aux États-Unis ;
  • permet de relocaliser les industries grosses consommatrices d’énergies.

 

Il présente aussi des inconvénients :

  • sa combustion émet du CO2 mais environ 30 % moins que le charbon ;
  • il impacte localement le paysage, consomme et risque de polluer les ressources en eau et peut entraîner de mini tremblements de terre.

 

On peut évaluer le bilan avantages/inconvénients en observant l’expérience des États-Unis désormais devenus exportateurs net de gaz dont le prix a été divisé par deux et créé près d’un million d’emplois.

En définitive les États-Unis n’ont pas été défigurés par ces nouvelles exploitations, certainement beaucoup moins que par les immenses exploitations de charbon à ciel ouvert, les fermes éoliennes et solaires… Il convient de se demander pourquoi la transition énergétique en Europe se refuse à recourir au gaz de schiste alors qu’elle est soumise à un chantage économique et politique des producteurs.

À mon sens la raison est d’ordre juridique, à savoir la structure des droits de propriété aux États-Unis et en Grande-Bretagne, pays de common law et en France de tradition romano-germanique avec un quasi monopole du droit public et de la réglementation réduisant le champ de la contractualisation et ses droits de propriété.

 

Le cas des États-Unis

La common law est issue des principes de la Magna Carta :

« Whoever’s in the soil, it is theirs all the way to heaven and all the way to hell »

Autrement dit le propriétaire du sol possède également l’espace jusqu’au ciel et jusqu’à l’enfer. Ce principe absolu n’a pas résisté au développement de l’aviation civile ni à la nécessité de certains travaux souterrains mais il demeure inscrit dans la mentalité, peut être invoqué en cas de litige et donner lieu à indemnisation.

En ce qui concerne l’extraction du gaz de schiste le propriétaire peut vendre ou louer à long terme son terrain et bien entendu être indemnisé au titre de la responsabilité civile pour les diverses nuisances liées aux travaux puis à l’exploitation. Il en est de même pour les propriétaires et occupants voisins.

Pour l’essentiel ces problèmes sont résolus par la libre contractualisation régissant la responsabilité, la réglementation ne jouant qu’un rôle pour la protection de l’intérêt public. Bien entendu la plupart des agriculteurs sont favorable au fracking qui leur apporte des revenus bien supérieurs à ceux de la production agricole. Par ailleurs, aucune réglementation, de type déclaration d’utilité publique, ne les oblige à accepter.

La situation est plus complexe notamment en fonction des États, des espaces protégés (parcs et réserves naturelles, législation fédérale) mais en définitive les citoyens y sont plutôt favorables, ce qui explique le remarquable développement du fracking aux États-Unis.

 

Le cas de la Grande-Bretagne

Bien que rattachée à la tradition de la common law, les divers gouvernements ont adopté des politiques différentes via des réglementations plus ou moins socialisantes en limitant ou augmentant la liberté contractuelle des parties prenantes. En 2018 les Conservateurs ont introduit une clause d’indemnisation obligatoire dans les zones où l’exploitation est autorisée. Cette indemnisation est à la charge de l’entreprise de fracking pour :

  • les voisins situés dans un rayon d’un mile,
  • les communes concernées,
  • le propriétaire et par contrat librement négocié.

 

Il semble qu’en combinant sécurité juridique et juste compensation pour les propriétaires, leurs voisins et les collectivités locales cette mesure permet de relancer l’exploitation du gaz de schiste abondant, surtout dans le nord de l’Angleterre.

 

Le cas de la France

En 1810 Napoléon a nationalisé de fait le sous-sol au profit de grandes compagnies concessionnaires et depuis une cinquantaine d’années, via la folie réglementaire, la quasi-totalité des ressources environnementales a été nationalisée de facto sans indemnisation en application de l’Ordonnance du 5 juin 1943 généralisant le principe de non indemnisation des servitudes réglementaires au nom de l’intérêt général introduisant ainsi une « expropriation réglementaire ». Ce principe parfois spoliateur ne pose pas de limites à l’activisme de la puissance publique et interdit en principe toute indemnisation par voie judiciaire des habitants de la zone définie par les autorités administratives.

On comprend mieux alors la résistance des populations au fracking dont elles ne tireront aucun avantage personnel mais en subiront les inconvénients. Face à ces difficultés, et indépendamment de leur couleur politique, les gouvernements ont interdit non seulement l’exploitation mais aussi l’exploration de toute énergie carbonée dans le sous-sol renonçant donc à l’autonomie énergétique mais en conformité avec l’objectif d’abandon de toute émission de CO2 en 2050. La plupart des pays d’Europe continentale rattachés à la tradition juridique romano-germanique se sont ralliés à la position de la France mais en recourant prudemment à la notion de « moratoire » plutôt qu’à celle d’interdiction.

 

Conclusion

Le rôle et la mise en œuvre des droits de propriétés privés commandent aussi la gestion de nombreuses ressources environnementales. Il n’est pas d’exemple dans l’histoire qu’un pays assis sur de l’or s’abstienne de l’exploiter. Imaginons qu’au XIXe siècle notre pays ait interdit l’exploitation du charbon de terre pour des raisons de santé publique, de transformation des paysages, des risques d’effondrements…

En France, il faut modifier les institutions notamment celles qui concernent les droits de propriété au regard des ressources environnementales ; mission indispensable mais possible sous réserve de mobiliser juristes et politistes ?! Les hésitations et les lenteurs de la réforme du Code minier témoignent de la tyrannie du statu quo et laissent mal augurer d’une évolution.

Voir les commentaires (21)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (21)
  • les nergies renouvel

    • les énergies renouvelables émettent encore du CO2 et consomment des fossiles , construction maintenance mise en place etc etc…et pris en compte le fait d’un stockage nécessaire. ce n’est VRAIMENT pas un moyen de produire une énergie utilisable sans CO2…

      non adorateur du solaire, vous ne vous passez pas des fossiles vous en utilisez peut être moins pour produire l’énergie que vous utilisez..et ce n’est même pas sûr. le bateau à greta…

      • diaboliser les fossiles quand on ne sait toujours pas s’en passer est profondément idiot..ah! les donneurs de leçons sur internet..qui font leur part..et qui considèrent qu’utiliser du petrole est un crie contre l’humanité…ces raouts aéroportés pour dire la m^me chose..

        NON le petrole est utile…pas diabolique…son utilisation pose pourtant bien des problèmes…

  • Pas de panique ! Le contenu du sous-sol est un trésor qui ne peut que s’apprécier. Et en plus les techniques d’extraction progressent. Donc inutile de se presser tant que l’on n’est pas pris à la gorge.
    Je n’ai jamais compris pourquoi les détenteurs de telles richesses les exploitent prématurément et achètent en échange des actifs amenés à s’apprécier moins vite (type bons du trésor contre pétrole). Ils peuvent bien sur craindre qu’une percée technique (fusion nucléaire ?) rendent leur capital obsolète mais cela ne semble pas pour demain et il restera de toutes façons la pétrochimie.

  • Le gaz de schistes n’est pas exploitable dans nos vieux pays trop urbanises , l’interdiction a empeché de dépenser des millards en pure perte d’ailleurs aux usa l’âge d’or se termine deja et les pertes seront considérables.
    Il n’empeche que vous avez raison l’etat ne devrait pas posseder le sous-sol sans doute que son exploitation en serait facilité…mais l’etat ne possedant plus rien ne serait plus l’etat tel que nous le connaissons, un enorme parasite buveur de sang et anémiant son peuple.

  • C’est quoi « l’International Center for Research on Environmental Issues ».
    URL erronée, introuvable sur google.

  • 1. les chats domestiques tuent infiniment plus d’oiseaux que les éoliennes. Arrêtez avec cette sottise de l’avifaune en péril à cause des éoliennes.
    2. la transition énergétique étant une ânerie de premier ordre à quoi sert votre article? A dire que les gaz de schiste sont une ressource come une autre? On le savait.

    • vous oubliez les vitres des immeubles, j’en ramasse tous les jours par paquet de cent,et les bagnoles…même à 80
      et les lignes à haute tension,
      et les lutins maléfiques

      les écolos font l’impasse sur les zosiaux et les chauve souris, car ils sauvent la planète, affligeant.
      c’était qui encore, le conservateur de la protection des zosiaux english qui était au « board » d’une compagnie de hachoirs à oiseaux?

    • Bah, on a le droit d’aimer les hachoirs à oiseaux 😉

  • J’avais cru comprendre que la technique d’extraction du gaz et du pétrole de schiste nécessitait beaucoup d’eau.
    Pensez vous que l’exploitation du gaz de schiste soit possible
    en période de sécheresse, alors que des régions françaises connaissent des pénuries d’eau importantes ?
    Mais peut-être peut on utiliser des produits chimiques purs, sans mélanger à l’eau, pour extraire le gaz ?

  • Si on n’exploite pas le gaz de schiste en Europe, c’est parce que l’oncle Sam veut pas. C’est pas plus compliqué que ça.

  • Pas cohérent: vous dites, comme moi, que ce qui tue quelques oiseaux, c’est tout sauf les éoliennes (sauf pour 0,00001%) et que les écolos font l’impasse sur l’avifaune, alors que, si les écolos disent et font plein de conneries, justement, pas celle-là.

    • En réponse @joeletaxi

    • Je confirme : les plus gros prédateurs, en nombre, des oiseaux sont les chats et les parois vitrées.
      L’impact sur les paysages, ça se discute…
      L’intermittence n’est pas un problème tant que les ENR demeurent minoritaires dans le mix énergétique.
      Quant au surcoût, c’est de l’histoire ancienne.
      Bref, les arguments invoqués par les anti-éoliens sont très légers. Faudrait trouver autre chose de plus sérieux…

      • Perso je n’ai rien contre les ENR. Je ne veux juste pas payer la CSPE. Vu que ça représente un pourcentage non négligeable de ma facture (partie taxée en plus cela va sans dire), ça me semble un argument « sérieux ».

  • En 10 ans de révolution de schiste, les 40 principaux représentants du secteur ont dépensé presque 200 milliards de dollars de plus qu’ils n’en ont gagné, alors que les compagnies ont perdu presque 80% de leur valeur en actions.
    et après ….

  • Heureusement que les états unis font un embargo sur le pétrole iranien et Venezuela sinon les prix seraient encore plus bas.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Je viens d'écouter l'audition d'une petite heure de Jean-Marc Jancovici au Sénat, qui a eu lieu le 12 février dernier dans le cadre de la « Commission d’enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France ».

Beaucoup d'informations exactes, qui relèvent d'ailleurs bien souvent du bon sens, mais aussi quelques omissions et approximations sur lesquelles je souhaite reveni... Poursuivre la lecture

La nécessité de décarboner à terme notre économie, qui dépend encore à 58 % des énergies fossiles pour sa consommation d’énergie, est incontestable, pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique, et pour des raisons géopolitiques et de souveraineté liées à notre dépendance aux importations de pétrole et de gaz, la consommation de charbon étant devenue marginale en France.

Cependant, la voie à emprunter doit être pragmatique et ne doit pas mettre en danger la politique de réindustrialisation de la France, qui suppose une... Poursuivre la lecture

2
Sauvegarder cet article

Chaque année, le public se soucie davantage de l'environnement. Nous sommes de plus en plus conscients de l'impact que nous avons sur la planète, du changement climatique, de la pollution et de la manière dont nous dégradons la nature. Ce qui semble être une tendance plutôt positive.

Malheureusement, certaines marques semblent plus enclines à dissimuler les pratiques néfastes pour l'environnement dans leurs chaînes d'approvisionnement qu’à consacrer le temps et l'argent nécessaires pour y remédier.

 

De nombreux exempl... Poursuivre la lecture
Voir plus d'articles