Par Gérard Maudrux.
Le rapport Delevoye est issu d’un long travail de près de deux ans. Il est également le fruit, comme on nous l’a expliqué, d’une large concertation qui n’est pas terminée. Il est présenté dans sa publication comme un « projet collectif », qui a « mobilisé l’intelligence de tous ». On a eu droit à des ateliers prospectifs, des ateliers de régions, des ateliers citoyens et une grande consultation en ligne, sans oublier la mise à disposition de « kits pour en parler autour de vous ».
Vu des coulisses, je ne peux que constater que nous n’avons pas la même interprétation des mots « concertation » et « consensus », et je crains que tous ces « machins » n’étaient là que pour amuser la galerie, occuper le terrain, faire croire.
Les premières consultations ont été faites avec les caisses de retraite, normal jusque-là. On discute avec ceux qui gèrent l’actuel, qui ont l’expérience et les compétences. Un planning de six à huit réunions nous a été donné, avec les dates. Premières discussions : nous avons deux options : un régime universel (RU) qui couvre toute la population jusqu’à un PSS (40 000 euros), ou jusqu’à trois PSS. Qu’en pensez-vous ? Est-ce que cela englobe nos régimes complémentaires ? Si trois PSS, oui, mais vous aurez la possibilité de continuer à les gérer comme avant au-delà de trois PSS (6 % des recettes chez les médecins, donc 94 % iront au RU ! Merci beaucoup de cette générosité).
Réponse unanime des caisses
La réponse de toutes les caisses a été unanime : un PSS, que ce soit salariés ou indépendants. Changement de programme, impossible de discuter avec des gens qui sont capables d’argumenter, les réunions se sont arrêtées à deux, maintenant on va discuter avec les syndicats, là où il n’y a pas de compétences (y compris chez les permanents chargés de retraite, chez les salariés 90 % sont issus de la fonction publique ou des régimes spéciaux et en disponibilité). Chez nous, il y a eu six réunions officielles, sans compter les réunions bilatérales (souvent deux à trois). Le ton a été donné dès la première : ce ne sont pas des négociations, mais des réunions d’informations. Dans ces réunions, toute l’architecture (que certains avaient dès le départ) a été distillée point par point, étalé sur quelques mois.
À chaque réunion, un ami présent a demandé s’il était possible d’avoir une projection du RU pour savoir où on allait, si c’était équilibré, pour combien de temps. Six demandes, jamais de réponse, c’est pourtant le B.A.ba de la retraite.
Quant à la consultation citoyenne, quel monument de démagogie ! C’est exactement comme si les médecins demandaient au Français comment il faut les soigner ! Pas besoin non plus de consulter les Français pour savoir ce qu’ils veulent : payer moins, toucher davantage, partir plus tôt, et la fin des privilèges.
Des idées pour améliorer le système
Par contre inutile de consulter ceux qui ont à traiter chaque semaine, chaque mois des centaines de dossiers individuels dans les commissions de recours amiable, d’action sociale, etc. Eux savent où sont les problèmes et ils ont peut-être quelques idées pour améliorer le système. Page 172 à 176 le rapport cite tous les contacts pris pour élaborer cette réforme. Cela va des organisations syndicales aux élus, en passant par les organisations étudiantes et les mouvements et associations de jeunesse, sans oublier « politistes, historiens et hauts fonctionnaires », Terra Nova ou France Stratégie, j’en passe et des meilleurs.
Ne sont pas cités : les caisses de retraite (et leurs administrateurs élus par les citoyens pour s’occuper de leur retraite), et les organisations de retraités, comme la plus grosse, Sauvegarde Retraites, malgré leur demande.
Vous avez dit concertation ? Invités oui, informés oui, écoutés peut-être, entendus, certainement pas. Ce n’est pas un « projet collectif », mais celui d’une poignée.
Prochain épisode : 1 ou 3 PSS, les conséquences.