Crise italienne et Europe : divorce ou opportunité ?

En provoquant la chute du gouvernement italien, Matteo Salvini pose des questions existentielles à l’Union européenne.

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Crise italienne et Europe : divorce ou opportunité ?

Publié le 22 août 2019
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Par Laurence Daziano1.
Un article de Trop Libre
Dans un scénario digne de la commedia dell’arte, Matteo Salvini, le leader de la Ligue, a annoncé la fin de la coalition populiste « jaune-vert » au pouvoir à Rome depuis un an. Malgré la soudaine résistance de Giuseppe Conte, le président du Conseil, Matteo Salvini s’est à nouveau imposé comme l’homme fort de la Péninsule. Fort de sa popularité et de sondages très favorables (36 % d’intentions de vote, en hausse continue), Matteo Salvini est déjà en campagne et court les plages italiennes pour tenir ses meetings, où il dénonce, tour à tour, les migrants, la gauche et les proeuropéens.

L’Union européenne est particulièrement critiquée, notamment dans la perspective du vote du budget pour 2020, qui fait l’objet de toutes les tractations. La Commission européenne est le « bouc émissaire » économique de la Ligue, même si ce sont les déclarations de Matteo Salvini qui ont fait plonger la Bourse de Milan de 3 % et ont accru le spread (l’écart de taux) entre l’Italie et l’Allemagne.

La crise italienne est un scénario qui hante les esprits européens depuis plus d’un an. L’Italie a une dette considérable (134 % du PIB), la plus élevée de la zone euro (2350 milliards d’euros, soit très loin devant la dette grecque de 337 milliards). Le poids de la dette italienne signifie qu’un accroissement du spread ou du déficit public a des effets immédiats sur l’ensemble de la zone euro. Les investisseurs vont désormais suivre la préparation du budget pour 2020. Pour tenir l’objectif du déficit public négocié avec la Commission européenne (2 % du PIB), le gouvernement italien doit trouver 20 milliards d’euros, alors que Matteo Salvini propose de baisser les impôts.

Les difficultés sont accrues par la croissance italienne qui est proche de zéro. L’économie italienne peine à retrouver son niveau de richesse de 2008, souffrant de difficultés majeures (compétitivité faible, taux de chômage élevé, cartellisation du tissu économique). La forte division entre le Nord et le Sud, la faible efficacité de l’administration ainsi que l’instabilité institutionnelle accentuent les difficultés italiennes. Le vieillissement de la population et l’émigration des jeunes diplômés à Londres ou à Paris pèsent sur la capacité de rebond du pays.

Transformer la crise en opportunité

En réalité, les intérêts italien et européen ne sont pas opposés, mais alignés. La marge de manœuvre de Matteo Salvini est très faible. L’accroissement du déficit, sans accord de Bruxelles, entraînera une chute de la Bourse de Milan et l’augmentation du spread qui n’est pas soutenable pour le gouvernement italien. Inversement, l’Europe, déjà fragilisée par le Brexit et l’arrivée au pouvoir de Boris Johnson, ne peut se permettre une nouvelle crise politique, a fortiori avec la troisième économie de la zone euro.

L’Italie ira aux élections, à l’automne ou au printemps, avec la victoire d’un nouveau gouvernement populiste. Dès à présent, il faut désarmer l’engrenage d’une crise entre Bruxelles et Rome. La crise italienne est en partie révélatrice de celle de l’Europe, alors que l’Espagne et le Royaume-Uni pourraient également retourner aux urnes dans les prochains mois. L’Italie a besoin de réformes, plus que de slogans populistes. Mais elle a aussi besoin du soutien de l’Europe, que ce soit sur la lutte contre l’immigration irrégulière, la stabilité financière ou la préservation des classes moyennes.

Emmanuel Macron et Angela Merkel ont un rôle majeur à jouer pour transformer cette crise en opportunité : négocier, avec le prochain gouvernement italien, un accord sur trois volets. D’abord, un appui total de l’Union européenne à la politique italienne de lutte contre l’immigration irrégulière , notamment par un soutien financier. Ensuite, une baisse d’impôts dans le budget 2020, conditionnée à l’engagement de deux réformes structurelles (marché du travail et retraites). Enfin, un plan européen d’investissement en faveur du Sud de la Péninsule.

Suivant le vieil adage prononcé par le prince de Salina dans Le Guépard, « que tout change pour que rien ne change », la crise politique ouverte en Italie est une opportunité pour poursuivre la consolidation européenne.

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Sur le web

Papier paru dans Les Échos https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/crise-italienne-et-europe-divorce-ou-opportunite-1124613#xtor=CS1-3046

  1. Maître de conférences en économie à Sciences Po, membre du conseil scientifique de la Fondapol et de l’Institut du Bosphore.
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  • la crise italienne a bien trouvé sa source dans l’improbable coalition entre la ligue et le mouvement 5 etoiles.. un peu comme si en france on constatait une alliance RN melanchon…
    _ç tient quand on est là pour ce distribuer des postes , apres uand on arrive au budget là ça coince forcement puisque les idéologies sont carrément a l’opposé.. moins d’impôts pour les uns , plus de subventions pour les autres.. c’était donc très prévisible..
    L’immigration marche forcée soutenue par les forces  » progressistes » va créer en europe le ferment de l’éclatement de la communauté européenne dans sa forme actuelle .. le brexit en est une des conséquences majeure et le continent sera confronté a la montée des nationalisme par rejet de la politique béate des sociaux démocrates … a terme le RN prendra le pouvoir aussi en france

  • On a beau chercher, on ne voit pas comment Macron et Merkel pourraient « offrir » une baisse d’impôt au budget italien. Mystère…

    Concernant la lutte contre l’immigration irrégulière, il faudrait déjà que les deux ravis du village global cessent d’armer des navires qui vont chercher des migrants dans les eaux territoriales libyennes en s’acoquinant aux passeurs esclavagistes grassement rémunérés, pour les déverser ensuite dans quelque port italien éloigné au mépris des lois internationales. Juger les ONG pour piraterie, amendes et peines de prison pour les capitaines et donneurs d’ordres, couler les bateaux en guise de sanction. A quand un mur aux frontières de l’Europe ? A quand une zone déclarée extraterritoriale pour systématiser les retours ? A quand un référendum pour sanctionner le pacte de Marrackech ?

    Ce n’est pas en submergeant le sud de la Péninsule sous un flot de migrants livrés aux mains des mafias locales qu’on favorisera son développement.

    Ce qui leur fait peur, c’est que Salvini est le premier homme politique depuis longtemps à réussir à fédérer derrière lui à la fois le nord et le sud de l’Italie, pourtant habituellement opposés. C’est un exploit politique rare qui lui donne toute sa force et sa légitimité. La légitimité politique, celle-là même qui fait défaut à l’Adulescent élyséen et à l’ancienne Stasi-Girl. Le contraste est cruel.

    Enfin, une autre peur tient aux velléités de l’Italie de s’affranchir de l’euro. Panique et sueurs froides à la BCE et dans les banques européennes, gavées de dette italienne (faut les comprendre, ce n’est pas avec les taux négatifs franco-allemand qu’on peut décemment gagner sa vie).

  • Macron ???

    Derniers propos entendus à propos du Brexit, de l’Elysée:
    – les Anglais ne pourront casser la position franco-allemande d’union (intéressant, historiquement…)
    – la dette du Brexit est intangible
    – le « backstop » en Irlande est un problème gravissime.

    En fait, français et allemands ont surtout la même peur : perdre leurs bénéfices commerciaux. Quand à la dette anglaise, il n’y a aucune légalité – même le FT ne trouve qu’une justification : l’honneur du débiteur (!!). Enfin, tout le monde sait que le backstop n’est qu’un piège qui n’a fait illusion qu’au début. Ni la GB, ni l’Irlande n’ont envie de construire le mur que Tusk prédit !

    • certes mais si l’Irlande veut rester en europe il faudra bien une frontière douanière avec l’Angleterre, sinon le brexit sera pipauté

    • Le couple franco-allemand est tellement malade que Macron se cherche un bouc-émissaire. Normal…

      Le mur, c’est l’Europe qui le veut.

      • Ceci dit, par un retournement spectaculaire de l’histoire, l’Irlande pourrait devenir la place financière majeure de l’Europe. Un pied en Europe pour les licences, un pied en GB pour les lois favorables et les portefeuilles bien garnis. Le paradis, en somme !

  • « En réalité, les intérêts italien et européen ne sont pas opposés, mais alignés.  » Ah bon ? Parce que l’atonie de l’économie italienne n’est pas liée à l’euro, peut-être ?

    • Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que l’atonie de l’économie italienne est liée à l’euro ?

    • Non. Comme dans tout bon Etat obèse qui se respecte, l’économie italienne est malade des lois italiennes. L’euro ne fait que mettre en évidence cette vérité. Mais comme l’euro est lui aussi malade de la BCE, difficile de deviner qui va crever en premier. Peut-être les deux en même temps (contamination croisée).

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