Diviser par six les émissions de CO2 en France d’ici à 2050 : vers une France virtuelle

La neutralité carbone est le fantasme d’une société ne produisant plus rien de matériel.

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Coq (Crédits : Olibac, licence CC-BY 2.0), via Flickr.

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Diviser par six les émissions de CO2 en France d’ici à 2050 : vers une France virtuelle

Publié le 18 juillet 2019
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Par Michel Negynas. 

La France (et l’Europe) veut atteindre la « neutralité carbone » en 2050. Mais encore ?

Ci-dessous, l’évolution des émissions depuis 1960 jusqu’en 2016. En 2017, elles ont augmenté, puis diminué en 2018. En fait, on stagne depuis plusieurs années autour de 350 Mt/an.

En bleu clair, l’électricité, bleu foncé l’industrie, jaune résidentiel et tertiaire, vert agriculture, rouge transport.

Sur la courbe ci-dessus, on voit que les progrès les plus nets (moins 20 %) coïncident avec l’arrivée du nucléaire. Le reste des progrès résulte de l’industrie, en partie, malheureusement, via la désindustrialisation. Presque aucun progrès n’a été fait pour le transport et le résidentiel/tertiaire depuis 1990. On n’a fait que compenser l’augmentation des besoins dus à l’augmentation de population.

En 1990, on était à 380 Mt ; l’objectif est donc de l’ordre de 65 Mt. En augmentant un peu la reforestation, cela pourrait correspondre à la « neutralité carbone ».

 

Comment y arriver ?

Classement des sous-secteurs* les plus émetteurs (hors Utilisation des Terres, Changement d’Affectation des Terres et Foresterie) en 2015.

 

Classement Sous-secteur Part du sous-secteur dans les émissions nationales de la France métropolitaine
1 Voitures particulières diesel 16 %
2 Résidentiel 15 %
3 Poids lourds diesel (y.c. bus et cars) 8,1 %
4 Tertiaire 7,7 %
5 Véhicules Utilitaires Légers diesel 7,0 %
6 Minéraux non-métalliques et matériaux de construction 5,7 %
7 Chimie 5,5 %
8 Production d’électricité 5,0 %
9 Métallurgie des métaux ferreux 5,0 %

 

Le secteur de la production d’électricité est quasiment déjà décarboné ; et même si on arrête le nucléaire et continue d’installer des ENR intermittentes, il risquerait plutôt d’augmenter.

Les secteurs acier, minéraux (ciment) et chimie ont des émissions liées aux réactions chimiques mises en jeu. Sauf rupture technologique inconnue à ce jour, ils les garderont. L’acier est déjà recyclé au maximum par la voie électrique, mais on aura encore besoin d’en fabriquer à partir de minerais. On pourrait imaginer de le produire par électrolyse, comme l’aluminium, mais ce ne serait pas sans inconvénients pour l’environnement et nécessiterait plusieurs EPR dédiés. Le ciment pourrait être produit dans des fours électriques, mais le principe chimique lui-même implique un dégagement de CO2. De toute façon, le gouvernement prévoit de fermer des centrales nucléaires, pas d’en ajouter… Quant à la chimie, elle est principalement à base d’hydrocarbures, et là encore, les principes chimiques des procédés impliquent des émissions de CO2 incontournables.

Ces quatre secteurs représentent 21 %, soit 76 Mt : on dépasse déjà le facteur 6, même si tout le transport et le chauffage est électrique.

On peut évidemment choisir de ne plus produire d’acier, de chimie et de ciment en France, et de tout importer. Cela ne changerait rien aux émissions, elles se feraient ailleurs. On peut aussi dire qu’on va stocker le CO2 en souterrain : c’est très cher, et personne n’en veut. Enterrer de l’acide carbonique est bien plus risqué que les procédés de fracturation du gaz de schiste.

Quels que soient les efforts à faire sur le reste, transport, chauffage, petite industrie, on voit que l’objectif est compromis par seulement quatre secteurs, sauf à compter sur des solutions qui n’existent pas à ce jour, ou à se fermer les yeux et produire ailleurs, et à ne plus rien fabriquer.

C’est d’ailleurs un peu cela qui est prévu si on lit les « solutions » présentées dans le texte de loi en cours de consultation (la « petite loi sur l’Énergie ») et les « impacts » calculés.

Les conséquences macro-économiques sont tirées d’une étude de l’ADEME sur la neutralité carbone en 2050. (Synthèse du scénario de référence de la stratégie française pour l’énergie et le climat /Version provisoire du projet de stratégie nationale bas carbone (SNBC) et du projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), mars 2019)

L’étude de l’évolution du PIB par rapport à un scénario « tendanciel » montre à 2050 une croissance de 3,5 % de la consommation, 2,5 % de l’investissement, et une baisse des exportations de 3 %

En matière d’emploi, c’est magique :

« L’évaluation macroéconomique réalisée dans le cadre de la révision de la stratégie nationale bas carbone, estime que le scénario sous-jacent à la SNBC permet de créer 469 000 emplois en 2030 et 789 000 à l’horizon 2050, par rapport à un scénario tendanciel (scénario AME). La transition énergétique permettrait de créer 208 000 emplois principalement directs, tandis que les 581 000 postes restants seraient principalement indirects, générés par le surcroît d’activité économique. Les secteurs les plus créateurs d’emplois seraient le secteur tertiaire avec 513 000 postes supplémentaires (65 % du total), principalement indirects, compte tenu de son poids dans l’économie. L’industrie quant à elle créerait 36 000 emplois (5 % du total), également principalement indirects. »

Sauf que les emplois créés sont essentiellement des emplois de service, créés «  par le surcroît d’activité économique » Or comment est créé le surcroît d’activité économique ? Pas par le secteur marchand, par les services ! Et pas par des exportations de services, puisqu’elles diminuent. Et de combien est-il, ce surcroît d’activité économique ? 3 % du PIB ! L’Ademe n’a pas inventé le mouvement perpétuel, mais a trouvé la « création d’emplois perpétuelle ». Et cela ne gêne personne de voir croître la consommation et les investissements, et en même temps le solde des exportations décroître, alors même que par hypothèse, nous n’aurions plus d’importation de pétrole et de gaz.

La réalité est que cette neutralité carbone est le fantasme d’une société ne produisant plus rien de matériel, suspendue à des services n’ayant plus rien à servir, poursuivant la chimère des élites françaises des années 80 d’entreprises sans usines, qui a conduit à notre désindustrialisation, à 100 % du PIB de déficit et 5 millions de chômeurs.

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  • Pour ceux qui s’intéressant à la question, je conseille la lecture (attentive) de la stratégie nationale bas carbone. Elle prend (entre autres…) comme hypothèse de base que la croissance (sans doute tombée du ciel) est positive (de l’ordre de 1 – 1.3%) jusqu’en 2050… et, combe de surprise, tous les investissements nécessaires à cette stratégie (sans doute financés par cette croissance et pleins d’autres joyeusetés fiscales non décrites…) vont en plus contribuer à augmenter cette croissance…
    Un remarquable raisonnement tautologique…

  • les religions n’ont pas besoin de réalité tangibles .. ni de raisonnements basés sur la simple observation , elles n’ont besoin que de « croyants » .. parce que par définition les « croyants » n’ont aucune difficulté a avaler les carabistouilles qu’on leur sers au nom du « bien »..
    rien d’autre

  • D’accord pour diviser par 6 tous ces prédicateurs!

  • Au départ, il y a l’idéologie, et ensuite, les arguments chiffrés comme il convient pour apporter une justification. C’est ainsi que cela fonctionne. Parler de créations d’emplois alors que les politiques menées depuis 40 ans conduisent à un chômage massif est une insulte au bon sens.
    Il est terrifiant de voir les moyens consacrés à cette lutte prétendument urgente alors qu’elle est totalement fabriquée, quand on voit l’état de délabrement de notre économie et de notre société.

  • La réalité est qu’il peut y avoir création d’emplois. Mais en revanche sans croissance, bien au contraire. Si tous les employés du tourisme , de l’industrie automobile et du transport deviennent livreurs à vélo, cela devrait suffire pour traiter les flux de biens…

  • Ce qui est vraiment incroyable, c’est personne, je dis bien personne ne semble faire l’exercice d’un monde « zéro carbone » et de son impact.
    Impact qui, il faut bien le dire, sera catastrophique pour tous.
    J’ose espérer que devant le mur de la réalité, la raison commencera par se faire entendre.

    • D’autant que les calculs sont biaisés car ils ne prennent pas en compte les activités qui captent du carbone, l’agriculture par exemple.
      En plus, cette prétention à chiffrer une réalité extrêmement complexe laisse songeur.

  • Diviser pas 6 ou plus son co2 ne changera rien, le taux de co2 de l’air et regle comme du papier à musique et les reserves sous marines sont gigantesques des millions d’annees …seule solution planter des forets d’arbres ogm a forte croissance et longevite…ou provoquer une glaciation en faisant sauter quelques volcans

  • Le ciment pourrait être produit dans des fours électriques, mais le principe chimique lui-même implique un dégagement de CO2.

    a) le ciment se recycle donc moins de CO2 produit
    b) le ciment se carbonate avec le temps : ils absorbe le CO2, c’est donc un puits à carbone n’en déplaise à nos rigolos d’escro-illogiques…

    • Le ciment ne se recycle pas, c’est le béton, sous forme de granulats qui est réutilisé (parfois…)
      Quant à la carbonatation du ciment, si vous compter là dessus pour « sauver le climat »….

      • Il y a bien un peu de ciment dans les granulats. C’est au minimum une économie dans les transports de matières premières, et ce n’est pas rien. Et puis le CO2 n’est tant réchauffant que ce qui est braillé par les polytocards.
        Quant à la carbonatation du ciment, 2% à la longue, ce n’est pas rien, même s’il faut de longues années.

  • Bonjour à tous,

    J’aimerais connaitre votre avis, si vous avez le temps, par rapport à ces deux vidéos:

    https://www.youtube.com/watch?v=MXcY8Cf6hsI

    Il semble avéré que l’Homme est responsable de l’augmentation du Co2 dans l’atmosphère depuis la révolution industrielle.

    J’avoue que je me perds dans les arguments car les explications de ces deux vidéos ont l’air plutôt solide.

    D’autres part, je viens de voir 2 autres vidéos qui contredisent les propos de François Gervais (catégorisé « climato-sceptique):

    https://www.youtube.com/watch?v=mqAaokrY1NU

    Pourtant, ces chaines YouTube m’ont l’air très solides scientifiquement.

    • Gervais est effectivement un peu douteux dans ses arguments.

      Pour ce qui est de la première videos, je vais être en gros désaccord avec le monsieur sur la température de venus,
      en effet son atmosphère est composée de co2 principalement,
      SAUF qu’a quelques degré près, on peut retrouver la bonne température avec la densité de l’atmosphère vénusienne et son irradiation solaire, nul besoin d’invoquer le co² , qui doit certes jouer un peu mais beaucoup moins qu’on pourrait le croire., en effet l’atmosphère sur venus est très dense……

    • Il n’y a rien de solide sur youtub ,ce n’est que du bizness, la chasse au clic.
      Pour les deux dernieres , c’est de la daube de mauvaise qualite .

    • J’ai visionné rapidement vos video.

      Les deux premières sont de qualité, le vidéaste sait de quoi il parle. Mais il délivre la version officielle grand public de l’explication de l’effet de serre, en faisant croire que c’est très simple.
      En fait c’est très compliqué, il simplifie abusivement.
      Et les conclusions qu’il tire sont bizarres: une science qui nous dit que la température va s’élever entre 2 et 6 degrés est elle une vraie science? Est elle utile pour décider? Il brandit en quelque sorte le principe de précaution; mais on pourrait le brandir pour des centaines d’autres risques. Sur le plan de l’utilisation de nos ressources, ce n’est pas anodin. Les sous, l’intelligence, la matière qu’on met là dedans, est ce que cela ne serait pas plus utile sur d’autres sujets, sur lesquels il n’y a pas d’incertitude: assainissement, lutte contre les épidémies…C’est la thèse de l’économiste danois Bjorn Lomborg.

      Quand aux deux autres vidéos, même si je suis très réservé sur les videos de M Gervais, elles sont plutôt le fait d’un gars qui n’y connaît pas grand chose.

  • Cette histoire de CO2 anthropique, ça impacte bien plus gravement le cerveau des gens pour qui ont vote (d’ailleurs on commence à se demander si c’est pas une erreur de voter pour ces abrutis), que le climat.

  • Le premier graphe n’a pas de source, et la légende n’indique pas à quoi correspond le mauve en négatif. C’est de l’amateurisme.
    Sinon, j’avoue aussi ne pas comprendre comment on peut viser la neutralité carbone dans une économie industrielle.

    • Vous préférez une économie pastorale à 100% ❓

      • Pastoral oui, mais sans viande animal svp ! (faudrait surtout pas oublier le bien être des gentils cochons et les méchants pet de vaches qui réchauffes trop l’ambiance) Quel bonne grosse rigolade en perspective !

        • qui parle d’économie pastorale et végétarienne ? Moi ? Ah non. Pas moi. Vous faites grandement avancer la réflexion vers le surplace. Merci.

          • Tu te pose des question complètement débiles sur des sujets complètement débiles, on essaye d’y répondre ! mais faut avouer que c’est compliqué.

  • Pour répondre à Amahuit

    Bonjour.

    Merci pour votre précieux rappel à l’ordre.

    Le diagramme et le tableau sont tirés du rapport du CITEPA, organisme officiel en charge de l’inventaire des pollutions de l’air en France et un des organismes rapportant les émissions de CO2.

    La barre en violet est une émission négative. Alors c’est quoi d’après vous?

    Je suis effectivement un journaliste amateur. Vu le travail de certains journalistes dans les domaines techniques, je prends cela pour un compliment?

  • La conclusion est lumineuse et parfaitement juste.

  • Un monde virtuel, où des élites distillent un discours apparemment crédible mais totalement déconnecté du réel.
    En 2015 l’ADEME (David Marshall) avait sorti son étude « 100 % de renouvelables en 2050 », avec comme corolaire : « 0 % de nucléaire en 2050 ».
    Beaucoup d’imagination (notamment le procédé de stockage dit PowerToGazToPower) et de calculs réalisés avec des moyens informatiques top niveau.
    L’ennui c’est que les hypothèses étaient biaisées ou fausses, avec des lacunes dans la démonstration. En particulier, les rendements des procédés « industriels » (inexistants !) étaient surévalués et l’équilibre instantané du réseau non assuré (ni même étudié !).
    Avec quelques collègues spécialistes de ces questions nous avions demandé une entrevue pour signaler ces anomalies et oublis, ce qui n’a pas empêché l’ADEME de publier son rapport, avec juste quelques réserves en fin de document pour dire que ce n’était qu’une étude « prospective »…
    Bref, des champions du calcul numérique, avec une imagination digne de Jules Vernes (pardon à l’auteur) mais un manque de connaissances des données du réel pour ne pas dire de la physique.
    Quant on sait que cette agence d’état sert de support à la politique économique du gouvernement (au moins du ministre de l’Ecologie !), on a peur pour l’avenir de notre industrie, de notre économie et finalement de notre pays.
    La réduction des émissions de CO2 est bien entendu un objectif prioritaire, mais quand on affecte le plus gros de nos moyens financiers à l’éolien et au solaire PV, on ne fait qu’engraisser des lobbies proches de certains partis influents (EELV qui a déteint sur le PS puis LREM) et des Think Tank qui les inspirent en les courtisant, mais qui malheureusement sont à côté de la plaque.
    Triste époque…

  • Les commentaires sont fermés.

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