Directive copyright : la censure connectée arrive

Les filtres sur le téléversement de l’UE arrivent. Pourquoi et comment le monde de l’Open Source doit les combattre.

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The battle of copyright by Christopher Dombres

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Directive copyright : la censure connectée arrive

Publié le 15 juillet 2019
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Par Glyn Moody.
Un article du Linux Journal

Il y a un an, j’ai tiré la sonnette d’alarme à propos d’une terrible loi sur le copyright se profilant au sein de l’UE et qui allait avoir d’importants effets néfastes sur le monde de l’Open Source. Sa disposition la plus problématique obligerait de nombreux sites commerciaux européens à utiliser des filtres algorithmiques afin de bloquer le téléversement (NdR : « upload ») par les utilisateurs de fichiers non autorisés.

À la suite d’une campagne sans précédent de désinformation, de dénigrement et de mensonges purs et simples, ses partisans ont réussi à convaincre/duper suffisamment de députés européens pour qu’ils votent en faveur de la nouvelle directive sur le copyright, notamment des filtres de téléversement complètement bancals.

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Un certain nombre de modifications ont été apportées aux propositions originelles que j’ai examinées l’année dernière. La plus importante, «  les plateformes de développement et de partage de logiciels Open Source » sont explicitement exclues des pré-requis pour le filtrage des téléversements. Il serait cependant naïf de croire que la Directive sur le copyright en est devenue acceptable et que les logiciels libres ne seront pas impactés.

Attaque sur l’Internet ouvert

L’Open source et l’Internet ouvert ont une relation symbiotique : chacun s’est constamment nourri de l’autre. Les filtres de téléversement sont une attaque frontale sur l’Internet ouvert, le transformant en un espace connecté soumis à autorisations. Ils vont créer un système de censure dont l’expérience prouve qu’il est propre à subir les abus aussi bien d’entreprises que d’États pour bloquer des données légitimes.

La communauté de l’Open Source commettrait une faute majeure en haussant les épaules et en disant : « c’est bon pour nous—pas notre problème.» Ces filtres sont résolument le problème de tout un chacun qui se soucie d’un Internet ouvert et sain ainsi que de la liberté d’expression.

Par exemple, le blog GitHub met en avant le fait que les faux positifs vont probablement poser problème quand les filtres seront implémentés—indépendamment d’ « exemptions » spécifique pour de l’open source :  «  Quand un filtre détecte un faux positif et que les dépendances disparaissent, cela ne fait pas que démolir un projet—cela impacte aussi les droits des développeurs et ceux des détenteurs de copyright. »

Du coup, que peut-on faire ?

Comme le souligne l’eurodéputée du Parti Pirate Julia Reda dans son article résumant la bataille pluriannuelle pour améliorer le texte de la directive sur le copyright :

« Mon message à tous ceux qui ont participé à ce mouvement : soyez fiers du chemin parcouru ensemble ! Nous avons prouvé que les citoyens organisés peuvent avoir un impact, même si nous n’avons pas réussi à faire disparaître le projet de loi au complet. Alors ne désespérez pas ! »

Plus précisément :

Une alliance originale d’ONG, de partis politiques et de personnes en vue dans les media sociaux a réussi à politiser et mobiliser toute une génération élevée au numérique. Des tas de gens se sont trouvé de nouveaux défis : les amuseurs de YouTube se sont subitement mis à porter la casquette de reporters ou de commentateurs politiques, les internautes celle d’activistes et d’organisateurs et beaucoup ont participé à leurs toutes premières manifestations. Ces expériences vont marquer durablement.

C’est important parce que les préoccupations et les convictions de cette « alliance nouvelle » sont très proches de celles de la communauté des logiciels libres.

L’intérêt soudain pour des aspects jusqu’ici obscurs du monde connecté et de ses applications est une chance pour le monde de l’Open Source d’augmenter sa visibilité et d’obtenir du soutien sur ses activités. Le potentiel de diffusion est énorme : plus de cinq millions de personnes ont signé une pétition européenne contre les filtres de téléversement, et 200 000 ont pris part à des manifestations.

Là où de nouvelles initiatives en matière de droits numériques sont mises en place pour exploiter la récente mobilisation des « enfants  du numérique », les codeurs de logiciels libres peuvent aider les gens à comprendre que l’open source est un élément clé de la solution aux problèmes qu’ils cherchent à résoudre.

De nombreux combats à venir

La communauté peut aussi s’impliquer dans l’étape suivante du combat contre ces filtres. La loi qui vient d’être adoptée par l’UE est ce qu’on appelle une directive ; en tant que telle, elle doit être transposée en loi nationale dans chacun des États membres au cours des deux prochaines années. La façon dont c’est effectué et ce qui en ressort dépendent des processus et des débats législatifs locaux. Les lois de transposition de la Directive offrent une grande marge de manœuvre. Cela signifie que localement, il y aura de nombreux combats dans lesquels les organisations de l’open source pourront aider à émousser les aspects les plus négatifs de la nouvelle loi.

Dès l’instauration de transpositions locales, il sera possible de commencer à contester les filtres de téléversement comme étant incompatibles avec l’actuelle loi européenne. On peut y parvenir de nombreuses manières. Le moment venu, le monde du Logiciel Libre pourra aider à inciter les gens à payer les sommes considérables qui vont en découler.

Contourner la directive copyright

Au pire, si les filtres passent outre les contestations légales et sont largement appliqués, l’open source pourra — et sans doute devra — jouer un dernier rôle. La Directive européenne sur le copyright était une disposition légale profondément malhonnête car elle était censée aider les artistes — une intention louable. Mais en réalité, le but était d’attaquer Google et, dans une moindre mesure, Facebook. Le principal objectif est de les obliger à payer les éditeurs et les maisons de disques européens, essentiellement pour les punir d’être prospères, ce que ne sont pas les acteurs traditionnels dans ce domaine en raison de leur refus d’embrasser totalement le monde numérique et ses nouvelles possibilités. La Directive européenne est une tentative erronée de revenir en arrière et de faire de l’internet un medium étroitement contrôlé et passif comme la télévision.

Seuls les grands acteurs peuvent se permettre de prendre part au monde que nous promet la Directive européenne sur le copyright. La nouvelle loi exigera l’octroi de licences pour d’énormes quantités de contenus ainsi que l’implémentation de filtres complexes (et faillibles) pour bloquer tout le reste. Ces deux mesures à caractère punitif seront extrêmement coûteuses pour les PME européennes. Le pouvoir des media sera concentré entre les mains des principaux acteurs des droits sur le copyright, lesquels deviendront les gardiens et les censeurs de ce système hyper-centralisé.

On peut combattre efficacement les filtres de téléversement et la menace qu’ils font peser sur la liberté d’expression en créant des services Internet en dehors de ce cadre  — en particulier, ceux qui sont entièrement distribués. Eben Moglen, avocat conseil de la Free Software Foundation depuis 13 ans, et co-rédacteur des plus récentes versions de la licence GNU GPL, l’a bien compris il y a dix ans. Voici ce qu’il me disait lorsque je l’interrogeais sur ce sujet en 2010 :

Ce que je propose c’est que nous construisions une pile de réseautage social fondée sur le logiciel libre dont nous disposons aujourd’hui, et qui est quasiment le même que celui qui tourne sur les serveurs actuellement ; puis, que nous fournissions un dispositif contenant une distribution libre dont tout un chacun pourrait faire ce qu’il veut ainsi que du matériel peu cher d’un type qui se répandra partout dans le monde, que nous le fassions ou non, en raison de dimensions et de fonctionnalités particulièrement intéressantes pour le prix.

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Il a monté le  projet FreedomBox afin de concrétiser cette vision. Il tourne depuis 2011 et a créé cette «  pile de réseautage social » pour différents ordinateurs monocarte. La FreedomBox Foundation a récemment lancé une version commerciale plug-and-play coûtant 82 euros, qui étend le projet à des utilisateurs non-techniciens.

Cela fait quelques années que le projet FreedomBox est important même si peu connu. Aujourd’hui, dans le sillage de la désastreuse directive européenne sur le copyright, il s’avère indispensable. Bien qu’un gros travail de qualité ait déjà été accompli par les codeurs dédiés à FreedomBox, des éléments logiciels cruciaux manquent encore à l’appel et des programmes existants pourraient être améliorés. En plus d’aider à mettre en place une alternative à l’internet filtré et non-ouvert qui nous arrive de l’UE, l’initiative FreedomBox va nous rapprocher de la création d’un internet mondial plus résilient et résistant à la censure. Elle devrait devenir une priorité pour la communauté de l’open Source.

Traduction par Joel Sagnes pour Contrepoints de Online Censorship Is Coming–Here’s How to Stop It.

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