Rien de plus efficace que le marché pour traiter les déchets

L’incitation et le marché valent toujours mieux, quand c’est possible, que l’interdiction et la sanction.

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Rien de plus efficace que le marché pour traiter les déchets

Publié le 26 juin 2019
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Par Jean-Philippe Delsol.
Un article de l’Iref-Europe

Les journaux du monde entier ont fait croire que le monde déversait ses déchets plastiques en Malaisie de manière frauduleuse.

« La Malaisie ne sera pas la décharge du monde » a clamé la ministre malaisienne en charge de l’énergie, de l’environnement et des sciences, le 11 juin. Et elle a annoncé que son pays retournerait à l’envoyeur des centaines de tonnes de déchets plastiques.

La réalité est notablement différente.

Certes, certains pays laissent peut-être partir sans précaution des déchets contaminés vers la Malaisie et ailleurs. Mais une grande partie des déchets envoyés en Malaisie, comme ils l’étaient jusqu’à l’an dernier souvent en Chine, le sont dans le cadre d’un échange commercial normal, et conclu dans l’intérêt des parties au contrat. Comme dans d’autres pays ayant des bas salaires, de nombreuses entreprises de recyclage se sont installées en Malaisie et achètent des déchets plastiques aux entreprises de collecte du monde développé  pour les recycler et les revendre.

Environ 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF). Mais pour l’essentiel, elles ne finissent dans des terrains vagues ou dans les océans, comme le laisse entendre d’une manière générale la doxa ambiante, que dans les pays peu développés. Dans les pays développés, le recyclage est à l’œuvre pour traiter ces déchets de manière intelligente, en les valorisant.

En France, le tri sélectif des ménages permet actuellement de recycler 57 % des bouteilles plastiques en les transformant en granulés de PET (polyéthylène téréphtalate) destinés à la fabrication de nouvelles bouteilles ou d’autres produits en contact alimentaire. Les bouchons aussi peuvent être recyclés. Broyés ou re-granulés, ils sont revendus pour la plasturgie, la fabrication de bacs poubelles, de tubes de dentifrice ou autres. Lorsque les déchets sont de moins bonne qualité, ils sont envoyés dans des pays où la main-d’œuvre est meilleur marché afin d’être recyclés dans des matières moins nobles.

Par exemple, une partie de ces plastiques envoyés en Malaisie est transformée aussi en granulés, mais en vue de la fabrication de semelles de baskets. Chacun y trouve son compte, pays et entreprises, à charge pour chaque gouvernement de veiller bien sûr au respect des normes qui garantissent que des plastiques contaminés ne nuiront pas à l’état de santé du pays, et que les usines de recyclage fonctionnent dans des conditions satisfaisantes pour tous. À la Malaisie de faire le ménage chez elle avant d’accuser le monde entier de la polluer, et l’Occident de se décharger illégalement de ses ordures chez elle.

Certes, la collecte et le recyclage pourraient être améliorés.

L’Europe du Nord valorise plus de 80 % de ses déchets d’emballages plastiques, tandis qu’en France la part des matières de récupération dans la production de plastiques n’est que de 20 % contre 44 % pour le verre ou 60 % pour les papiers et cartons. En France, encore 43 % des bouteilles en plastique échouent dans des déchetteries pour y être brûlés, et une infime partie est sans doute éparpillée indûment dans la nature, rejoignant parfois, mais de manière tout à fait marginale, l’océan ou la Méditerranée. Un meilleur taux de recyclage peut être obtenu en améliorant le taux de collecte et en mettant en place des tris plus sélectifs dans les décharges.

 

La consigne est-elle la solution ?

Faut-il à cet effet mettre en place un système de consigne des bouteilles en plastique comme l’a proposé le Premier ministre le 12 juin dernier ? Les collectivités locales qui trient les déchets plastiques dans leurs décharges et les revendent n’y sont guère favorables parce qu’elles risquent de perdre cette recette.

Pourtant, si les bouteilles en plastique peuvent être revendues chez les commerçants à un prix suffisant, par exemple 10 centimes par bouteille, pour que la population trouve de l’intérêt à les rapporter, comme autrefois on rapportait les contenants en verre, une telle initiative peut représenter un moyen efficace d’améliorer le taux de collecte de ces déchets en leur donnant un prix de marché.

Ce prix restera relativement artificiel, mais il sera bien un prix de marché s’il se situe à l’équilibre nécessaire pour payer la peine de ceux qui rapporteront ces bouteilles aux points de vente devenus en même temps points de collecte. Ne vaut-il pas mieux que le prix des bouteilles incorpore son coût de collecte, et que celle-ci se fasse naturellement, plutôt que de multiplier les organismes publics dont l’efficacité est souvent douteuse ? Certes, des enfants, des associations, des clochards, vont peut-être faire la chasse aux bouteilles usagées pour en récolter le petit bénéfice.

Peut-être cela risque-t-il de contribuer au renversement de poubelles sur la voie publique par ces nouveaux chercheurs d’or en plastique. Mais le mal serait sans doute léger au regard de l’intérêt écologique de ce nouveau marché. Et s’il fonctionne, ce système de consigne pourrait être étendu à d’autres produits, par exemple aux piles et accumulateurs, dont le taux de collecte n’est que de 33 %.

Le problème est qu’actuellement le prix de revente de la tonne de bouteilles plastiques collectées n’est que de 300 euros. Or, une tonne représente 30 000 bouteilles. Il faudrait donc que la consigne soit de un centime et non de dix centimes pour que le prix d’équilibre soit à 300 euros la tonne, et encore sans les frais et charges de collecte et revente !

À un centime, la collecte ne sera pas motivante. Le prix de 10 centimes par bouteille collectée ne sera donc possible qu’en étant incorporé au prix de vente de la bouteille pleine, et restitué par les distributeurs aux collecteurs. Au demeurant, le marché devrait pouvoir fonctionner entre eux, chaque collecteur offrant aux distributeurs son service avec ses conditions de prix et de mise en œuvre.

La loi se limiterait à obliger chaque distributeur à reverser aux collecteurs une partie du prix de cession de la bouteille correspondant au prix du recyclage. L’importance des reversements des uns aux autres serait fonction de la part de marché de chacun dans la distribution d’une part et la collecte, le recyclage d’autre part.

L’incitation et le marché valent toujours mieux, quand c’est possible, que l’interdiction et la sanction. Mais bien sûr pour que cela fonctionne, il faudra que le client final en paye le coût qui sera incorporé au prix d’achat de chaque bouteille.

Sur le web

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  • La situation du recyclage des plastiques est largement pire que ce qui est décrit dans cet article. En fait la collecte et le transport coûtent très cher aux collectivités locales. Bien plus cher que ce qu’elles peuvent en retirer. Donc oui sans hésiter: privatisons la collecte des déchets! Laissons la liberté aux agents économiques de trouver les solutions les plus efficaces. Dans certaines régions ce sera la consigne dans d’autres régions ce sera autre chose. Et sur une même région on peut avoir plusieurs systèmes en concurrence.

    • Le Probleme c est que la solution la moins chere c est justement de ne rien faire du tout et de balancer les bouteilles dans la nature (solution notamment proposee par la mafia calabraise pour les dechets toxiques).

      C est sur qu a long terme c est pas terrible (cf continent en plastique dans l Ocean) mais a court terme c est ideal

      • C’est dans les pays pauvres d’Afrique et d’Asie que les contenants (et tout le reste) sont jetés à terre et finissent dans les océans. Très peu en Europe de l’ouest (donc en France) parce que le recyclage et le tri existent.
        Mais tant qu’on vous fait croire que les pays développés sont cra-cra pour Gaïa, vous acceptez les taxes et la flagellation.

        • dans l article on parle d un taux de 50 % de recyclage. autrement dit 50 % va dans une Decharge au mieux ou est rejete dans la nature au pire.
          On est certes pas au niveau de l afrique mais il suffit de se ballader dans la nature pour voir des emballages abandonné ou autres dechets

          • non plus de 50% part en décharge, 50% est recyclé..

          • Relisez l’article : 43% des bouteilles en plastiques atterrissent en décharge pour y être brûlées, 57% sont recyclées (on les re transforment en granulés servant à la fabrication d’autres plastiques). Une infime part se retrouve abandonnée dans la nature, car il y a des gens sales partout.
            Vous n’avez donc pas 50% des emballages qui sont jetés dans la nature en France, sinon vous en verriez aussi par terre tout le temps dans toutes les villes (comme en Afrique et en Asie).
            Mais continuez de le croire, les escrologistes vous remercient pour les impôts que vous leurs versez en subventions.

        • je crois avoir lu que c’est 90% des déchets plastiques qui proviennent de 10 rivières d’Asie et d’Afrique..

          • Oui c’est dans cet ordre de grandeur. Mais comme ce sont les pays d’Europe qui ont des sous, c’est eux qu’on culpabilise. Avec notre histoire chrétienne qui nous a habitués à tendre la 2e joue, ça marche du feu de Dieu,…

    • « des trésors dorment dans vos poubelles » donnez nous plein d’argent pour venir les collecter…
      bon les ferrailleurs eux ne demandent rien..

  • Boire l’eau du robinet, pas d’eau potable pour les WC. Cela doit être une décision individuelle. Le pastis se boit très bien avec de l’eau du réseau, qui doit être libre comme le traitement des eaux usées.

  • si on veut faire de la consigne , il va falloir revenir a la bouteille de verre
    Combien coûte en énergie le recyclage es plastiques?
    sinon faire du recyclage une recette pour les collectivités est une erreur car on sait bien que celles ci ne pourront plus la lâcher pour laisser les initiatives se développer

  • Piles et batteries : moyenne des trois dernières années, en France : 46.8 %. Voir p6 du rapport : https://www.corepile.fr/assets/uploads/sites/1/Rapport_activite_2019_-corepile.pdf . Pour la Belgique, 61.6 % . Voir p2 du rapport : https://cms.bebat.be/sites/default/files/2019-04/FR-Bebat-jaarverslag-2018_1.pdf

  • Utile rappel des évidences fondamentales. Tant qu’il sera beaucoup moins cher de prendre du pétrole au lieu de recycler, il ne se passera rien de bon.
    Une autre voie peut compléter cela la recherche et la mise au point des nouveaux plastiques « Facile » a refondre. celui qui trouvera le premier et déposera le bon brevet, créera un nouveau géant de l’industrie.

    • « Tant qu’il sera beaucoup moins cher de prendre du pétrole au lieu de recycler, il ne se passera rien de bon. »

      Politique de Gribouille ! Recycler pour économiser du pétrole, revient aussi à consommer du pétrole pour récupérer, traiter et mouler de nouvelles bouteilles.

      Vous auriez dû écrire :
      Tant qu’il faudra moins de pétrole pour faire une bouteille que la recycler….

      Quant au « prix », il est extrêmement trompeur et différent du bon sens commun qui corrèle le prix à la quantité. Il existe nombre de facteurs qui peuvent influer sur le prix à la hausse ou à la baisse, indépendamment de la quantité du produit principal : niveau de seuil, réglementation, technique, taxes, intérêt de l’acheteur …

    • il faut recycler le petrole.. reprendre le C02 la vapeur d’eau etc…
      les matières plastiques et refaire du pétrole..

      avec du pétrole..bien sur…

      peut être se rendraient ils compte alors que recycler n’est pas toujours très malin…et souvent énergivore!!!

  • Souvenir de mon premier voyage en Chine, en 2006 : là-bas, dans toutes les zones touristiques on trouve en masse des vendeurs qui vendent des bouteilles d’eau fraîche aux touristes.
    Et, en parallèle, on y trouve aussi en masse des personnes qui les récupèrent, parce-qu’elles se font payer la collecte.
    Précision utile : là-bas, l’eau du robinet ne se boit qu’après avoir été bouillie.

  • Pourquoi l’auteur ne parle-t’il pas de l’éco-emballage (CITEO) déjà existant ? « Fondée par des entreprises productrices d’emballages ou de produits emballés, l’organisation est gouvernée à 100 % par ces mêmes acteurs qui financent le dispositif de tri et de recyclage » = acteur privé (mais soumis à agrégation de l’état). Je sais que sur un emballage de 750ml en PET (genre recharge de nettoyant vitre), l’éco-emballage est de 0,09 de mémoire.
    Simple oubli sans doute…
    En Allemagne, ils ont des consignes car un réseau moins développé de centres de collectes. En Belgique, pas de consignes car un très bon réseau de centres de collectes.

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