IA Nation : l’intelligence artificielle au service de la démocratie

L’IA est une formidable opportunité pour l’avenir des démocraties. Le juste équilibre entre l’innovation et la régulation doit être trouvé afin de créer une Europe championne en intelligence artificielle.

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IA Nation : l’intelligence artificielle au service de la démocratie

Publié le 20 juin 2019
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Pour Alexandre Mancino.

Nous sommes à un tournant juridique majeur. Le développement du numérique et de l’Intelligence Artificielle (IA) révolutionne la pratique du droit et amène à penser la justice autrement à travers les outils digitaux. Ces mutations ne peuvent pas être ignorées. Ce contexte oblige à s’interroger sur les conséquences de l’intelligence artificielle sur la vie citoyenne, et particulièrement sur la démocratie.

L’IA est une composante du numérique et se définit comme l’ensemble des théories et des techniques développant des programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de l’intelligence humaine.

Les cassandres diront que les algorithmes tuent la démocratie et que celle-ci, déjà mise à mal par une crise de légitimité et de représentativité, ne survivra pas à l’émergence de l’IA. Un certain nombre d’éléments vont d’ailleurs en ce sens et pourraient accréditer cette thèse : les fake news en période électorale et plus généralement la désinformation due aux quantités d’informations reçues, l’usage nocif des réseaux sociaux et leur propension à propager de fausses informations ou à influencer les utilisateurs selon des billets commerciaux subjectifs ou encore la cybercriminalité qui déstabilise les démocraties. À titre d’exemple, pour faire une loi, il faut en moyenne 18 mois alors que pour un tweet, 18 secondes suffisent. C’est ce décalage temporel qui explique en partie les menaces de l’IA sur la vie politique et démocratique.

Ne pas céder au pessimisme

L’enjeu n’est pas de céder au pessimisme car l’IA est une formidable avancée qui oblige à repenser les rapports économiques et politiques. L’enjeu réel consiste à connaître les moyens dont nous disposons afin de faire de l’IA une opportunité pour repenser la démocratie et instaurer davantage de confiance et la légitimant de nouveau. C’est ici que la régulation intervient, à travers le droit, pour faire en sorte que l’architecture globale soit favorable aux valeurs démocratiques. L’équilibre doit être trouvé entre l’innovation d’un côté, qui doit être encouragée, et la régulation de l’autre, pour éviter les effets négatifs et incontrôlés des nouveaux outils numériques. C’est à travers la régulation – juridique, en tant que garde-fou – de l’IA que la société de demain se construira et consolidera la démocratie.

Prétendre que l’IA « sauvera » la démocratie suppose que ce régime est en crise et n’est plus optimal. C’est en effet la représentativité de la démocratie qui est à réinventer en instaurant davantage de confiance et de participation des citoyens. En ce sens, l’IA a un rôle considérable à jouer.

Tout doit partir des modes de régulation et de la fameuse théorie du Code is law de Lawrence Lessig.

Selon l’auteur, c’est la manière dont sont construites les architectures, c’est-à-dire l’organisation de l’espace, qui contraint les libertés en obligeant de s’adapter à un design particulier. L’architecture du cyberespace résulte d’une construction humaine qui passe par le code. Selon l’architecture construite, des valeurs différentes seront défendues.

Les conséquences que peut avoir l’IA sur la démocratie sont donc le fruit d’un choix politique car le développement technologique n’est pas neutre. Le choix d’une sorte d’IA, celle qui défend la démocratie, plutôt que celle qui s’y oppose, doit être pensé en parallèle des lois en place car ce sont elles qui aboutiront à une régulation finale efficiente. Si des choix techniques sont possibles, c’est alors au politique d’arbitrer pour défendre une IA protectrice de la démocratie, en mettant en place une régulation permettant d’atteindre cet objectif. Dans l’univers numérique, code is law et il faut penser la façon dont le citoyen et l’État peuvent peser de façon démocratique dans l’émergence de cette régulation économico-technique.

L’IA comme outil de confiance démocratique

Il appartient à la règle juridique de dicter en amont le choix technique d’architecture propre à l’IA, choix qui est lui-même le reflet des décisions politiques, sociétales et éthiques que l’on veut porter. Puisque le code est droit, c’est une régulation du code qui est nécessaire afin de faire de l’IA un outil au service de la confiance démocratique.

S’agissant des professions juridiques impactées, l’avocat sismographe de l’état social et politique de la société verra son rôle évoluer. Ce défenseur de l’État de droit, des libertés fondamentales et de la démocratie doit utiliser ces outils numériques à sa disposition.

Si certains craignent un remplacement par des algorithmes ou par une intelligence artificielle, la vérité c’est que la destruction créatrice propre à Schumpeter s’appliquera dans l’évolution de la profession. Le digital ne doit pas effrayer mais doit au contraire s’inscrire en complémentarité de l’expertise de l’avocat et lui permettre de se recentrer vers des fonctions à haute valeur ajoutée, et non le remplacer. Non, l’avocat ne se fera pas « ubériser » par les robots ou les start-ups du droit. Il s’agit ici d’appréhender l’évolution de la profession comme une opportunité et non comme une menace pour exercer là où la demande en droit émergera. De technicien du droit, il devra désormais être un véritable entrepreneur, bien conscient des enjeux et proactif pour réinventer les nouvelles règles régissant sa profession et lui permettant d’être au fait des évolutions numériques de la société.

La démocratie doit se servir de l’IA comme un outil à son service, et pas à son détriment. C’est ici que la règle juridique, faite par le législateur, intervient en tant que mode de régulation.

Des outils IA pour la démocratie

Un certain nombre de moyens existent pour revigorer la démocratie avec l’aide de l’IA :

 

S’agissant tout d’abord de la refonte de la démocratie participative à travers les outils numériques, apparaissent depuis une quinzaine d’années des mouvements sociaux qui se servent d’Internet pour se coordonner, organiser les débats et se structurer. Ces outils, ce sont les civic tech, les « technologies citoyennes ». C’est une galaxie, voire un univers, qui va de la consultation directe, la pétition en ligne à des outils de contrôle de l’action publique, de « lobby citoyen ». C’est ainsi que l’IA peut aider à instaurer davantage de confiance et de proximité entre les citoyens et ceux qui les gouvernent en permettant ainsi de réinventer la démocratie.

 

L’IA est une formidable opportunité pour l’avenir des démocraties. Le juste équilibre entre l’innovation et la régulation doit être trouvé afin de créer une Europe championne en intelligence artificielle. Cette « IA Nation » incarnée à travers un ambitieux « programme Apollo pour l’IA » doit se concrétiser. L’Union européenne aurait tort de ne pas de saisir de la question.

 

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  • marrant, L’IA n’a rien a voir avec les statistiques.
    Tout pouvoir se doit de s’arroger la gestion des outils susceptibles
    de lui permettre de s’exercer .. çà c’est la base , a partir de là
    on sent bien que la manipulation des données est la base meme de l’exercice.
    croire qu’un processus cognitif basé sur une base de connaissance, une base de regles et une base de faits pourrait avec quelques « moteurs d’inférences  » juger de la qualité démocratique d’un pouvoir c’est certainement possible.. il faut voir..quand a s’imposer au niveau légal.. hum
    mais imaginer qu’un pouvoir ou un contre pouvoir ne pourrait pas l’instrumentaliser çà c’est autre chose..

  • La democratie n’etant qu’un outil il faudra choisir, soit la democratie soit l’IA pas les deux ,c’est incompatible .

  • Je pense qu’on raisonnerait de manière un peu plus sensée si on retirait le mot « intelligence » qui, en français, a un sens très différent de celui qu’il a en anglais. L’IA n’a rien d’intelligent (au sens français), ce n’est qu’un moyen de faire des calculs et des corrélations très rapidement.
    Ce qui compte c’est l’utilisation qu’on en fait. A partir du moment où on quitte le domaine de la statistique, où l’individu est noyé dans un ensemble global, pour aller dans celui de l’analyse du comportement de l’individu lui-même, on bascule dans une forme de totalitarisme.

    • non
      l’intelligence artificielle est un concept qui permet a un algorithme
      (qu’on appelle moteur d’inférence) d’interagir avec son environnement en « apprenant » par expérimentation des faits
      qu’il réutilisera dans ses futures constatations..
      voila , rien d’autre , donc cette  » intelligence » est conditionnée par son experience , comme un enfant de 2 ans, çà « apprend »..c’est un concept qui n’a rien avoir avec programmes de calcul .. mais qui a besoin d’une certaine puissance , pour son travail exploratoire

  • Une Europe championne en IA avec les fonctionnaires de Bruxelles? Ce type rêve debout vu ce qu’ils nous pondent comme règlements.

  • L’avenir de l’AI et surtout de la « super intelligence », c’est à dire une intelligence supérieure à celle des humains fait déjà couler beaucoup d’encre. Cf. les livres de Max Tegmark, venu de la physique théorique et surtout de Nick Bostrom qui fait assez bien le tour de la question.
    Maintenant, penser que l’Europe y jouera le moindre rôle, il faut fumer la moquette pour le croire.

  • L’IA a systématiquement pour conséquence la paresse intellectuelle des individus qui en « bénéficient ». Ca compense, et de loin, les gains positifs qui pourraient en résulter, quand on sort des domaines techniques bien restreints.

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