Pillage de l’Afrique : les multinationales seules responsables ?

Le pillage des ressources de l’Afrique est une responsabilité partagée entre des multinationales occidentales, des dirigeants et médias africains.

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Ouganda - Afrique

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Pillage de l’Afrique : les multinationales seules responsables ?

Publié le 14 juin 2019
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Par Gloria Djigui.
Un article de Libre Afrique

Le pillage de l’Afrique consiste à dépouiller le continent de ses biens de manière violente et destructive, notamment des richesses de son sous-sol, au détriment de la loi et des droits de propriété. Depuis la conquête de l’Afrique et durant la colonisation, beaucoup de richesses ont quitté le territoire africain. Depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui ce fléau persiste. Pourquoi ?

Responsabilité des multinationales

L’Afrique est riche en ressources qui sont des éléments vitaux pour le développement de l’économie des pays sous-développés. Cependant, elle subit le pillage de certaines multinationales étrangères qui, en toute impunité, cherchent par tous les moyens à s’accaparer les terres, les gisements de minerais, les sources d’énergie et de matières premières, etc. Comme les États africains n’ont pas mis en place de politiques efficaces pour protéger le principe de concurrence saine, les multinationales usent souvent de leur pouvoir et leurs connexions afin d’évincer leurs concurrents locaux.

Ce copinage conduit souvent à des situations de monopole, ou du moins des positions dominantes sur les différents marchés africains. Les marchés non réglementés constituent le véhicule privilégié d’extorsions tant financières que sociales. Pour exemple, l’absence de lois antitrust conjuguée à une protection anémique des consommateurs des pays africains, aboutit à ce que seules deux ou trois grandes sociétés dominent les marchés de denrées comme le sel, le sucre, le lait, la farine, l’huile et le thé.

De même, ces multinationales contrôlent des ressources naturelles précieuses, notamment dans les pays où il existe de graves conflits. Selon la commission d’enquête mandatée par les Nations Unies, les multinationales jouent un rôle dans les conflits armés en Afrique en général et en RDC en particulier : elles soutiennent des groupes armés et profitent de la situation de guerre pour accéder aux matières premières à vil prix par les contrats léonins par lesquels tous les avantages leur sont attribués, et par l’exploitation de sol et du sous-sol près des belligérants.

Dans un rapport publié par un panel d’experts de l’ONU le lundi 2 octobre 2002, il ressort que deux hommes ont été impliqués dans le pillage de la RDC : l’homme d’affaires belge Georges Forrest et l’entrepreneur John Bredenkamp. Ainsi, la course aux marchés et aux profits illicites pousse plusieurs multinationales à faire fi du respect des droits de propriété et de l’éthique du marché, qu’elles observent pourtant en dehors de l’Afrique ; d’où la nécessité de comprendre pourquoi.

Responsabilité des dirigeants africains

Quand on parle du pillage de l’Afrique, on pense immédiatement aux multinationales occidentales, mais il ne faut pas oublier qu’il est pratiqué avec la bénédiction et la complicité des dirigeants africains. Ce soutien explicite ou implicite prend plusieurs formes : violation des droits de propriété des communautés indigènes, non-respect du principe d’appels d’offres transparents et équitables, instrumentalisation de la justice pour évincer des concurrents, etc.

Ces dirigeants qui sont supposés défendre le peuple et protéger ses intérêts n’hésitent pas à détourner les fonds publics. C’est le cas du président angolais Jose Eduardo Santos, qui a été au pouvoir de 1979 à 2017. Il a été considéré en 2018 par le magazine Forbes comme le chef d’État le plus riche du monde noir.

Ajoutons qu’il est associé à la grande corruption et au détournement des fonds du pétrole provenant en grande partie de l’enclave du Cabinda. Durant toutes ses années au pouvoir, sa famille a accumulé un important patrimoine surtout immobilier dont des maisons dans les principales capitales européennes et des comptes bancaires en Suisse et dans des paradis fiscaux offshores.

Par ailleurs, les dirigeants africains sont de mèche avec les multinationales et signent des contrats aux conditions douteuses en échange de soutiens politique, financier et militaire pour rester au pouvoir le plus longtemps possible. L’affaire Bolloré a permis de mettre en lumière un mécanisme dans lequel les chefs d’États guinéen et togolais auraient bénéficié de services sous facturés d’une filiale du groupe Bolloré dans leurs différentes campagnes présidentielles ; cela en échange de marchés très juteux dans les ports.

Responsabilité des médias

Quant aux médias, on observe un certain silence ou une certaine complicité via le verrouillage médiatique alors qu’ils ont le devoir de nous informer de la vérité et d’éveiller nos consciences. Les médias dépendent de l’appui financier des annonceurs constitués des hommes d’affaires, politique et des dirigeants africains qui influencent la presse avec le pouvoir financier du placement des annonces et qui bradent la suspension d’articles en guise de représailles contre la publicité négative.

C’est le cas de la presse ougandaise qui, en 2012, a massivement couvert le cas de corruption au cabinet du Premier ministre concernant un détournement de financement des bailleurs. Mais le cabinet du Premier ministre étant l’un des plus grands annonceurs en Ouganda et avec le gros budget des annonces publiées par ce dernier, peu de publications ont été faites sur le scandale. Comme l’a dit le directeur de publication du Daily Monitor, Don Wanyama, des investigations plus poussées auraient pu être faites mais la peur du manque à gagner des revenus publicitaires a imposé le silence à tout le monde.

Par ailleurs, les chaines d’information, les quotidiens, l’essentiel des hebdomadaires de référence appartiennent à 10 dirigeants de firmes internationales (Bouygues, Xavier Niel, Dassault, Bernard Arnault, Bolloré, etc.). Ils contrôlent les médias et les exploitent pour soigner leurs images et continuer à travailler sereinement en Afrique. C’est le cas du groupe Bolloré qui s’était entouré des services de l’ex-rédacteur en chef du journal camerounais Le Messager.

Avec le contrôle direct de médias (Direct 8, Direct soir…), des structures qui les alimentent en informations (Institut de sondage CSA, Associated Press), du 6ème groupe mondial de publicité et de communication (Havas) et des contrats de publicité, le groupe Bolloré possède un puissant moyen d’influence sur les clients, les partenaires privés et les décisions étatiques.

Somme toute, l’on s’aperçoit que le pillage des ressources de l’Afrique est une responsabilité partagée entre des multinationales occidentales, des dirigeants et médias africains. Dès lors, afin de juguler ce phénomène il faudrait s’attaquer à tous les maillons de la chaîne pour espérer limiter les opportunités du pillage au détriment de l’intérêt des populations africaines.

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  • Frappant, à peu de chose près on dirait la France.

  • Autrefois, avant la colonisation les Blancs vendaient les Noirs. Mainrtenant ils les achètent, tout au moins leurs dirigeants.

    • Ils les achetaient aussi, ce sont les autres Africains qui les vendaient, ou au commerce transatlantique, ou à Zanzibar ou vers l’Afrique du Nord.

  • Il ne faut pas oublier un point fondamental : concernant les maux de l’Afrique, par définition le pécheur est l’occidental. L’esclavage, c’est lui et uniquement lui. La colonisation, c’est lui et uniquement lui, et elle a abouti à un pillage général du continent, d’où découle sa situation actuelle.

  • Au 21 nième siècle, a supposer que « Pillage de l’Afrique » ait encore un sens, Si pillage il y a , il est l’œuvre a 100% des africains ! Les complicités de quelques crapules et entreprises extérieures sont parfaitement et totalement marginales. Nier cette réalité est parfaitement malhonnête. Et comme ça ne leur suffit pas ils ont entrepris l’invasion de l’Europe, sous le couvert crapuleux de « MIGRANTS »

  • Quand les Africains arrivaient à l’embarquement sur l’ile de Goré, ils avaient été vendus et revendus par d’autres Africains. Ce ne sont pas les « Blancs » qui les avaient amené là. Ces derniers se contentant de les acheter en finale et de les transporter, le bénéfice étant à l’arrivée. Les investisseurs privés et complices dans ce trafic étaient basés en Europe en particulier à Saint Malo.

  • ben si dans votre pays une multinationale mais aussi n’importe qui peut ne pas respecter la loi et les droits de propriétés , les responsables c’est d’abord le gouvernement et donc les citoyens ..

    les multinationales font ce qu’elles peuvent faire..et si les politiques sont corruptibles et c’est aussi le cas en europe, elles corrompent..

    • imaginons un cas théorique purement imaginaire que j’ai pensé tout seul moi même dans mon cerveau parce que j’ai une imagination très vaste, en France une bande de gens viendrait piller votre bien devant les yeux de la police, certes ce serait eux les coupables mais qui serait responsable?
      c’est certes un peu théorique, je comprends que d’aucuns ne peuvent pas imaginer ça comme moi.

      faites un effort..un magasin des gens qui arrivent qui en cagoulés..les policiers regardent à quelques dizaines de mètres..
      non impossible, les policiers sont chargés de défendre les biens des gens et la France est un état de droit donc impossible je vais essayer de trouver un autre exemple..
      trop d’imagination ça joue des tours.

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