Le mythe de la balance des paiements

La balance commerciale, ses déficits et ses excédents… autant de concepts en réalité vides de sens mais que nos dirigeants utilisent pour justifier leur interventionnisme.

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Le mythe de la balance des paiements

Publié le 5 juin 2019
- A +

Par Frank Shostak1.

Le déficit de la balance commerciale américaine a atteint 50 milliards de dollars au mois de mars, contre 49,3 milliards de dollars le mois précédent et 47,4 milliards de dollars au mois de mars de l’année dernière.

La plupart des commentateurs considèrent que la balance commerciale constitue l’un des indicateurs les plus importants pour juger de l’état de santé de l’économie.

D’après la théorie dominante, un excédent de la balance commerciale est perçu comme un signal positif alors qu’un déficit est considéré comme un signal négatif. Quelle en est la raison ?

La clef de la croissance économique

Selon une croyance populaire, la clef de la croissance économique réside dans l’augmentation de la demande de biens et services. Les fluctuations de la demande permettraient donc d’expliquer les cycles économiques. Par conséquent, afin de favoriser la croissance, une attention toute particulière devrait être portée à la demande globale dans le cadre des politiques économiques mises en œuvre.

Or une partie de la demande pour les produits nationaux résulte des commandes provenant de l’étranger. On utilise le terme d’exportations pour désigner cette composante de la demande globale. De la même façon, on utilise le terme d’importations pour désigner les achats de biens et services réalisés à l’étranger par les ménages résidant à l’intérieur du pays.

Il s’ensuit selon cette vision des choses qu’une hausse des exportations permet de renforcer la demande pour la production nationale, alors qu’une augmentation des importations a l’effet inverse.

Ainsi, les exportations seraient un facteur contribuant à la croissance économique alors que les importations auraient pour conséquence un affaiblissement de la croissance. De ce fait, l’émergence d’un déficit commercial serait une mauvaise nouvelle pour la croissance économique telle qu’elle est mesurée par le produit intérieur brut (PIB), puisque cela implique que les importations excédent les exportations.

Le déficit commercial est interprété comme le symptôme d’une mauvaise santé de l’économie. En conséquence, la croyance populaire veut qu’il soit nécessaire de stimuler les exportations tout en freinant les importations afin de réduire le déficit commercial.

Selon ses partisans, une telle politique aurait pour conséquence d’améliorer l’état de santé de l’économie. Toujours d’après la croyance populaire, ce serait le rôle du gouvernement et de la banque centrale de mettre en œuvre un ensemble de politiques visant à guider l’économie sur la voie d’une balance commerciale « favorable ».

Face à un solde de la balance commerciale jugé défavorable, les États-Unis ont récemment augmenté leurs taxes douanières sur les produits en provenance de différents pays, en particulier la Chine, avec comme objectif d’obtenir un solde de la balance commerciale « plus favorable ». Toutefois, cette théorie est-elle bien rationnelle ?

La balance commerciale dans une économie de marché

Dans une économie de marché, chaque individu vend des biens et services puis utilise la monnaie ainsi obtenue pour acheter les biens et services qu’il désire.

On pourrait utiliser les termes d’importations et d’exportations pour désigner les biens et services achetés et vendus par cet individu. Le solde de la balance commerciale désignerait le résultat de l’ensemble des transactions monétaires ainsi réalisées sur une période donnée.

Dans une économie de marché libre, les individus décident volontairement de vendre et d’acheter des biens et services (c’est-à-dire d’exporter et d’importer). Deux individus décident d’échanger entre eux car ils estiment chacun que la transaction est dans leur intérêt ; dans le cas contraire cette transaction n’aurait pas lieu.

Chaque fois qu’un individu prévoit d’importer davantage qu’il n’exporte, le différentiel sera compensé soit par une réduction de l’épargne dont il disposait préalablement soit par une augmentation de son endettement. Le créancier qui accepte de lui avancer les fonds s’attend à pouvoir réaliser un bénéfice dans l’opération.

La pratique actuelle consistant à regrouper les balances commerciales de l’ensemble des ménages à l’échelle du pays pour déterminer la balance commerciale nationale n’a que peu d’intérêt du point de vue des entreprises.

Pourquoi une entreprise s’intéresserait-elle à la balance commerciale nationale ? En quoi ce chiffre pourrait-il lui être d’une quelconque utilité dans ses affaires quotidiennes ?

Bien que la balance commerciale soit un concept stérile et sans importance réelle à l’échelle nationale, elle est en revanche à l’échelle des individus et des entreprises un indicateur d’une réelle importance sur le plan économique.

Par exemple, le solde de la balance commerciale d’une entreprise privée spécifique pourrait représenter un indicateur d’aide à la décision pour les investisseurs actuels ou potentiels dans cette entreprise. Encore une fois, ce n’est en revanche pas le cas de la balance commerciale nationale.

Des interventions potentiellement néfastes

Bien que le concept de balance commerciale nationale soit en lui-même inoffensif, les actions entreprises par le gouvernement sur la base de cet indicateur peuvent en revanche avoir des effets dévastateurs.

Les politiques publiques visant à atteindre un solde plus « favorable » de la balance commerciale par le biais de mesures budgétaires et monétaires peuvent perturber l’équilibre naturel du marché.

Ces perturbations peuvent mener à une réallocation non-optimale des facteurs de production, à la place de leur usage initial visant à la production des biens et services les plus fortement demandés par les consommateurs sur le marché.

De plus, en pratique, ce ne sont pas « les États-Unis » qui exportent par exemple du blé, mais une ferme ou un groupe de fermiers qui ont décidé de se lancer dans cette activité car ils estiment pouvoir en retirer un bénéfice.

De la même manière, ce ne sont pas « les États-Unis » qui importent des appareils électriques japonais, mais un individu ou un groupe d’individus vivant sur le territoire américain qui ont décidé d’acheter ces produits car ils estiment que cette transaction leur est favorable.

Si la balance commerciale nationale était un indicateur significatif de la santé d’une économie, comme le prétendent de nombreux commentateurs, alors on pourrait être tenté de suggérer qu’il serait judicieux de calculer les balances commerciales à l’échelle de chaque ville ou région.

Après tout, s’il était possible d’identifier spécifiquement dans quelles villes ou régions l’économie est en situation de déséquilibre, alors le problème serait beaucoup plus facile à résoudre.

Imaginons que les économistes de la ville de New York aient découvert que leur ville se trouve en situation de déficit commercial massif vis-à-vis de Chicago. Est-ce que cela signifie que les autorités de la ville de New York devraient intervenir pour réduire le déficit commercial en interdisant les importations en provenance de Chicago ?

Fort heureusement, nous n’avons pas de statistiques concernant les balances commerciales entre les villes et il semble que personne ne s’en soucie. Pourtant ce même principe est applicable concernant la question des balances commerciales entre pays.

Les inquiétudes exprimées par de nombreux commentateurs au sujet du fait qu’un solde « défavorable » de la balance commerciale serait problématique pour l’économie sont donc contestables. Aucun individu ou groupe d’individus ne peut souffrir d’une situation considérée comme « défavorable » de la balance commerciale.

En revanche une baisse du niveau des revenus provoquée par l’intervention de l’État dans l’économie pourrait provoquer de réelles souffrances.

Des concepts vides de sens

Encore une fois, l’enthousiasme et l’excitation exprimés par le marché financier vis-à-vis des chiffres de la balance commerciale ne s’expliquent pas par leur importance économique intrinsèque, mais par les anticipations du marché relatives à la réaction du gouvernement et de la banque centrale face à ces statistiques.

Les économistes et les analystes passent la plus grande part de leur temps à essayer de deviner la réaction la plus probable du gouvernement et de la banque centrale à ces données statistiques.

De nombreuses méthodes sont utilisées pour essayer de prévoir le déficit commercial et ses implications sur les politiques mises en œuvre par le gouvernement. Des modèles économétriques sophistiqués sont utilisés pour déterminer les différents scénarios possibles.

Cependant, tout ceci n’a quasiment aucun rapport avec les fondamentaux économiques réels, qui de temps à autre viennent réveiller les analystes lorsque des chocs soudains se produisent.

Le sophisme que constitue le concept de balance commerciale est similaire à celui de la dette extérieure nationale. Un tel concept est vide de sens puisque les nations en tant que telles ne peuvent pas emprunter ou prêter des fonds : il s’agit avant tout d’opérations réalisées entre individus.

Par conséquent, si un Américain décide de prêter des fonds à un Australien, il s’agit d’une affaire purement privée qui ne concerne personne d’autre. L’Australien comme l’Américain considèrent tous les deux être gagnants dans cette opération.

Regrouper les dettes vis-à-vis de créanciers étrangers de l’ensemble des individus vivant sur le territoire d’un pays pour déterminer la dette extérieure nationale constitue ainsi une autre pratique des plus contestables.

Qu’est-ce que cette somme est-elle supposée signifier ? Qui possède cette dette ? Qu’en est-il des nombreux individus qui n’ont aucune dette vis-à-vis de créanciers étrangers ? Devraient-ils également être tenus responsables de la dette extérieure nationale ?

Un citoyen australien ne devrait se préoccuper de la dette extérieure que dans une seule situation : lorsqu’il s’agit d’un emprunt contracté par l’État. L’État n’est pas un agent économique générateur de richesses, il dépend entièrement des ressources prélevées sur le secteur privé.

Par conséquent, toute dette contractée par l’État vis-à-vis de créanciers étrangers devra être remboursée un jour ou l’autre par le secteur privé.

Pour plus d’informations, c’est ici

  1. Article initialement paru sur le site du Mises Institute.
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  • Un peu court comme article. Comme il est ecrit ici, si les USA importent plus qu ils exportent vis a vis de la chine, ils ont une dette vis a vis des chinois. Et que ca soit une entreprise US, un groupe de fermier ou autre ne change rien. La dette est la et devra etre soldee a un moment ou un autre !

    Un autre Probleme qui traduit un deficit commercial, c est quand un pays ne fabrique plus grand chose (et qu il devient dependant des autres). Le deficit est le symptome d un mal plus profond (manque de competitivite, manque d innovation) que nous voyons bien a l Oeuvre en France

    La comparaison avec NY et Chicago est peu pertinente. Dans un meme Etat, il peu y avoir un renflouement de force. Par ex le contribuable de Perpignan finance les JO ou le Metro parisien meme s il ne met jamais les pieds a paris.

    • Admettons qu’il y ait davantage d’importations en Amérique de produits venant de Chine que d’exportations d’Amérique à destination de la Chine. Cela veut donc dire que des Chinois accumulent des dollars. Que vont-ils en faire? Ils vont les investir en Amérique en achetant des entreprises ou des bons du trésor.
      Le déficit de la balance commerciale a pour contre partie en excédent de la balance des capitaux.

    • Si vous n’aviez pas fermé votre intelligence en voulant à tout prix critiquer l’article, vous auriez compris que les USA n’ont aucune dette envers la Chine mais seulement des particuliers américains vis à vis d’autres particuliers chinois. En matière commerciale, les engagements sont strictement privés et les Etats n’existent pas en dehors de la marge, sauf pour faire respecter les contrats. Si toutefois ils existent (à travers des entreprises publiques ou des politiques d’exportation), c’est une anomalie économique qui devra être corrigée puisque les Etats ne produisent rien au-delà de leurs fonctions régaliennes.

      Quand vous achetez du pétrole d’un exportateur situé en Arabie, c’est vous qui décidez indirectement de l’importer, pas l’Etat français. Quand vous achetez un composant électronique de Taïwan, c’est vous qui l’importez, pas l’Etat. Ceci ne regarde pas l’Etat français sauf en cas d’intervention abusive de l’Etat où réside l’exportateur qui modifierait anormalement les conditions de l’échange. C’est alors que la bonne vieille politique de la canonnière s’avère malheureusement nécessaire pour remettre quelque impudent politicien dans le rang et pacifier les relations.

      Par ailleurs, il est possible que la préférence pour les produits étrangers soit une manière pour le contribuable spolié de voter contre le financement contraint des JO ou du métro. Qui sait ? Il serait tellement plus simple de les financer exclusivement par leurs consommateurs, comme n’importe quel produit de consommation. Enfin, par quelle tournure d’esprit malsaine faudrait-il renflouer de force une activité dont personne ne veut à l’évidence en dehors des politiciens illégitimes (sinon il n’y aurait pas besoin de la renflouer) ?

      • Je suis ravi de votre développement qui évoque le pouvoir du consommateur car vous allez pouvoir m’éclairer sur un point : est-ce que le manque de transparence de certaines entreprises me permet réellement de percevoir l’impact de mon pouvoir de consommateur ? Quelques exemples :
        Si j’ai le choix entre une Toyota et un Peugeot qui me plaisent toutes les deux et que je souhaite que les bénéfices de mon achat reviennent majoritairement à des français plutôt qu’à des roumains ou des japonais (en intégrant la conception, la fabrication et la maintenance). Comment puis-je faire mon choix de manière éclairée ?
        Si je pense que la culture du Moyen Orient n’est pas compatible avec la mienne et que je ne veux pas financer les toilettes en or d’un Sultan ou prendre le risque que les EAU utilise une partie de mon argent pour répandre l’Islam. Existe-t-il vraiment un moyen pour que Total achète son brut ailleurs ?
        Si je me forge mon propre avis sur les pesticides et que j’en conclue qu’il y en a de moins dangereux que d’autres. Comment puis-je faire mon choix librement quand il y a simplement écrit tomate sur la pancarte de mon supermarché ?
        Si l’acte d’achat est plus puissant qu’un bulletin de vote mais que la publicité, au même titre que le politique, me ment ou simplement ne m’informe pas car son unique but est la vente, suis-je toujours un individu libre ?
        Je ne fais pas faussement le naïf pour défendre une idée, j’aimerais simplement récolter les avis de chacun pour me construire un avis sur ce point.

        • Bonjour coco ;).
          Vous n’étes jamais obligé d’acheter, alors que le vote vous contraint.

        • Vous répondez à votre propre interrogation. Par exemple, vous savez que les bénéfices de la Toyota vont au Japon. Vous savez que Total extrait son brut essentiellement hors de la zone que vous dénoncez, même si sa présence y est historique. De votre propre aveu, vous êtes en réalité beaucoup plus informé que vous le prétendez ensuite pour faire un choix éclairé.

          La publicité économique ne ment pas effrontément, contrairement à la politique dont c’est le mode d’action favori. Elle enjolive sans doute, elle omet aussi certainement. Elle vend peut-être du rêve. Mais le mensonge direct est lourdement sanctionné par la loi contrairement à la politique. Si on appliquait les mêmes lois à la politique, les politiciens se bousculeraient au gnouf.

          Mais surtout, comme le souligne Gillib fort justement, rien ne vous oblige à acheter leurs produits si vous faites un blocage pour une raison ou une autre, alors que la politique s’impose à vous (pourtant, il n’y a aucune raison que ce soit le cas).

          L’un dans l’autre, vous ne pouvez pas être plus libre.

        • Comparer les tomates et les voitures, il fallait le faire. Coco l’a fait, bravo 🙂
          Chez Toyota, des pièces sont fournies par des entreprises françaises, Valéo, Bourbon.
          Peugeot a des robot japonais.
          Quoi que vous fassiez, quoi que fassent les japonais, l’achat d’u véhicule fait appel au marché international et profite à plusieurs pays.
          Et quand bien même vous limiteriez la production de véhicules à celle de brouettes, les matériaux viendraient d’autres pays, comme la presse à emboutir.
          La seule solution, c’est de revenir au char à bœuf en bois… Et encore ❗

    • c est quand un pays ne fabrique plus grand chose

      Mais des armes exportées en AS par exemple, utilisées au Yémen (trop cool…), des F35 vendus au Japon, en Europe (ces incapables d’Européens devraient équilibrer leur balance avec les USA 😉

      Les USA dépendent des autres, quelle belle plaisanterie…

  • On « ne devrait se préoccuper de la dette extérieure que dans une seule situation : lorsqu’il s’agit d’un emprunt contracté par l’État ». Certes mais l’énormité des sommes en question pose tout de même un sacré problème.

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