General Electric : ce géant à la dérive qui fait plonger l’électromécanique française

General Electric était malade en 2014. Personne n’a voulu le voir, surtout pas le gouvernement français voulant éradiquer les énergies fossiles et maltraitant le gaz naturel.

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General Electric : ce géant à la dérive qui fait plonger l’électromécanique française

Publié le 4 juin 2019
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Par Loïk Le Floch-Prigent.

On l’avait présenté comme le sauveur, mais 5 ans après le groupe General Electric apparaît en pleine lumière : un géant à la dérive qui nous entraîne avec lui.

Comme les commentateurs ont la mémoire courte, surtout quand ils écrivent des propos dithyrambiques directement inspirés par les communiqués autosatisfaits des acteurs financiers de l’industrie, il faut revenir à la fin du siècle dernier pour comprendre ce qui arrive aujourd’hui.

En 1999 le Gaz « Naturel » ou CH4 issu des champs pétroliers a le vent en poupe, c’est pour la  production électrique l’alternative « propre », « verte » aux centrales nucléaires, à charbon ou à fioul, et donc les géants de l’électromécanique, General Electric, Siemens, ABB, Mitsubishi, rivalisent d’efforts pour mettre sur le marché les meilleures turbines à gaz. La société française Alstom produit des turbines sous licence General Electric à Belfort. Dans une stratégie applaudie par les « communicants », elle rachète les turbines à gaz d’ABB, ce qui conduit General Electric à prendre le relais de l’usine de Belfort et d’autres usines moins médiatiques. Les deux sociétés qui à travers la Compagnie Générale d’Électricité ont eu une longue histoire commune divorcent donc à l’amiable pour permettre à Alstom de faire cavalier seul. Hélas ! les turbines ABB ne sont pas au point et Alstom va se ruiner, à l’achat d’abord, puis pendant une dizaine d’années, pour pouvoir se mettre en position de vendeur ! C’est la cause majeure de l’affaiblissement d’Alstom qui a conduit à l’intervention de l’État, puis à son remplacement comme actionnaire de référence par le Groupe Bouygues.

Quand la politique s’en mêle…

Les attaques de l’écologie politique contre les fossiles n’épargnent pas le « gaz naturel » et la folie des éoliennes et des panneaux solaires mettent à mal le marché des centrales à gaz, les politiciens des pays européens minimisant le coût de l’intermittence de ces énergies renouvelables en termes de modifications des réseaux et de fragilisation financière des entreprises électriques. Les entreprises allemandes, privées de nucléaire et incitées à se retourner vers l’éolien sont au bord du gouffre et ne doivent leur salut que grâce au bas prix du charbon et… du lignite ! Pour les fournisseurs de turbines à gaz, cette évolution est catastrophique, surtout pour Alstom qui manque de compétitivité par rapport à General Electric et Siemens.

La stratégie d’Alstom en 2013 ne varie néanmoins nullement et la société annonce rechercher un partenaire pour son département transport ferroviaire afin de lui permettre de renforcer son pôle énergie, « il n’y a pas le feu au lac » déclare même son PDG !

Quelques mois après, une indiscrétion de Bloomberg annonce que des conversations avancées existent entre Alstom et General Electric pour la cession à General Electric de son département Énergie, soit près de trois quarts du groupe, et on nous explique doctement que cela va permettre de faire du département transport une pépite alors que chacun disait que sa taille ne permettrait pas de résister à la concurrence chinoise.

Enfumage généralisé

C’était il y a cinq ans, deux ans ont été nécessaires pour mener à bien (!) l’opération d’intégration, jamais une autre hypothèse n’a été sérieusement envisagée, on a amusé la galerie avec des JV 50/50 qui se sont révélées des 51/49 au profit de General Electric, on a menti sur la création d’emplois, la presse a été alimentée tous les jours par des communiqués victorieux, le maire de Belfort a même fait signer une pétition en faveur de General Electric, présentée partout comme une société française, francophone, francophile, dont le Président était reçu par la Présidence de la République avec amitié et effusion en remerciements de son « sauvetage » inespéré d’Alstom trouvant à travers cet assemblage un allié de poids pour la conquête du monde .

Il faut relire tout ce qui a été dit à l’époque et même encore récemment sur la chance du pays d’avoir trouvé sur sa route un ange pareil ! Les dirigeants qui ont tenté depuis de remettre General Electric en état de marche ont même accusé le deal Alstom d’avoir été la cause des malheurs du Groupe, relayés brillamment par les journaux français !

Le déni de réalité, l’arrogance et l’incompétence ont régné depuis cinq ans sur ce dossier.

General Electric était en difficulté dès 2014 et cherchait avant tout à limiter la casse dans la chute du marché des turbines à gaz en supprimant un concurrent. On lui a offert mieux, elle a accepté, mais elle n’avait pas voulu voir la faiblesse industrielle de la fusion. Alstom est une société technique qui réalise des installations à la demande, General Electric fait de la série et vend sur catalogue, c’était le mariage de la carpe et du lapin sans compter sur le mode de gestion à « l’américaine » mal adapté à la société française comme on l’avait déjà observé à Belfort… et partout ailleurs. General Electric était malade en 2014, personne n’a voulu le voir, surtout pas le gouvernement français voulant éradiquer les énergies fossiles et maltraitant le gaz naturel.

Alstom n’était malade que de ses turbines à gaz, péché d’orgueil de ses dirigeants successifs, ses points forts étaient les turbo-alternateurs Arabelle pour le nucléaire, l’hydraulique, le charbon, et les smart grids ou réseaux, et, bien sûr le ferroviaire grâce à l’excellence de son premier client SNCF. Porté par EDF et SNCF, Alstom avait toutes les chances de développement, mais il fallait trouver la façon de faire disparaître l’épine turbines à gaz. Le plus simple était de trouver un arrangement avec Siemens, le plus hasardeux avec General Electric, mais de tenter de rester fort sur les positions de premier mondial. Personne n’a voulu réfléchir, les publicités sur General Electric, leur lobbying, étaient insensées, mais convaincantes… pour ceux qui le voulaient bien.

Comment en sortir désormais ? Revenir aux compétences essentielles pour notre avenir, revenir au « bien commun » représenté par les hommes et les femmes d’Alstom qui veulent croire encore à l’avenir de l’électromécanique française et qui sont prêts, les uns et les autres, à relever les défis du nucléaire, de l’hydraulique, du charbon et des smart grids en y intégrant le transport ferroviaire bien évidemment. Des anciens dirigeants d’Alstom y sont prêts, ils rencontrent depuis des mois les pouvoirs publics, les fonds d’investissements, les dirigeants des grands groupes nationaux. Il suffit d’une volonté et d’un négociateur pour délivrer General Electric d’un poids désormais insupportable pour un groupe en perdition.

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  • toujours pareil en france , l’économie dirigée et les plans..
    les entreprises croissent , vivent , et meurent au grès des évolutions technologiques et/ou des transformation sociétales..
    les verts ne menacent pas que l’agriculture , mais toutes les énergies.. il reste que ces gens adoubés par la gauche sont aujourd’hui au pouvoir.
    bientôt on verra l’agriculture française décimée, son industrie automobile a l’agonie?? et le reste de ses indutries sous perfusion des contribuables..
    le socialisme toujours

  • On constate la différence d’analyse entre un chef d’entreprise et un journaleux.

  • encore une reussite macronnienne, mais comme par hasard, la banque conseil des intervenants que sont GE, bouygues et alsthom etait rothschild qui comme par hasard employait macron

  • Venant d’un ancien grand patron français qui avait l’entreprise chevillée au corps et défendait les couleurs nationales avec énergie -parfois même en provoquant la nomenklatura énarco-nombriliste parisienne, le constat est édifiant!
    C’est une triste réalité de constater que nous sommes dirigé par des théoriciens qui toute leur vie politique ânonnent la leçon apprise sur les bancs des grandes écoles. Aucun d’eux ne serait capable de gérer une petite épicerie sans la mettre en faillite après 6 mois! Ils ne raisonnent (faussement) que selon des visions géopolitiques désuètes et nationalistes.

  • V’là un gars qui me fait penser aux climatomanciens,
    tant qu’ils sont payés, la planète est foutue !
    Une fois à la retraite, ils deviennent climatoréalistes…

  • Qui dans les médias osera mettre en cause l’influence d’E. Macron dans cette piteuse affaire?

    Quels intérêts servait-il à l’époque? Pourquoi?

  • En 1999, GE rachète Alstom turbine à gaz (ATG) après avoir repris ses licences de fabrication car Belfort produisait mieux ses turbines (TG) et ces dernières étaient plus performantes grâce au kit de combustion développé par Alstom en fait GE avait refusé de lui fournir les plans. GE en rachetant ATG avait voulu éliminer un concurrent et gagner plus d’argent car ATG faisait des centrales clé en main que GE ne savait pas faire, GE fournissait la TG « flange to flange » puis s’associait à un tiers qui prenait la responsabilité de la construction de la centrale comme Bechtel…Al Power se trouvant dépourvu a racheté un turbinier pour continuer à produire des centrales clé en main, le seul disponible était ABB avec des rats crevés, Alstom a dépensé énormément pour résoudre les problèmes des TG. malheureusement GE ne possédait pas la technologie performante du 50HZ : alternateurs, turbines à vapeur. Qu’a fait GE? Il a mis en oeuvre la justice américaine au profit de son économie afin de racheter de la technologie et supprimer un concurrent. L’objectif à terme est de fermer les sites français et rappatrier les technologies et les brevets aux US. Nous, champion de l’énergie, n’aurons plus que nos yeux pour pleurer! Il faudrait que le gouvernement se lance dans une bataille pour récuperer la production des alternateurs et turbines à vapeur pour nos centrales nucléaires car nous sommes complètement dépendans des US, par exemple en judiciarisant le rachat de’Alstom par GE.
    Il faudrait arriver à démontrer que GE ne respecte pas ses engagements en terme d’emplois et porte atteinte à la sécurité et à notre indépendance de notre production électrique car il risque de fermer des sites stratégiques en France.
    Mais bon est-ce possible?

  • Quelle électromécanique Française? Althom ne vie que part et pour l’état Français, on va le voire encore cette fois avec un renflouement massif comme par le passé soit directement soit indirectement avec la commande de train inutile par la SNCF

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