La droite a-t-elle encore un peu d’orgueil ?

À l’issue du scrutin européen, la droite s’est retrouvée prise en étau LREM et le RN. À quand le sursaut d’orgueil ? OPINION

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Laurent Wauquiez by Fondation France Israël(CC BY-ND 2.0)

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La droite a-t-elle encore un peu d’orgueil ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 1 juin 2019
- A +

Par Philippe Bilger.

Tout est perdu y compris l’honneur.

Laurent Wauquiez, que pour ma part je n’ai jamais sous-estimé, avait fait un bon choix avec François-Xavier Bellamy — dont les défauts dans la campagne des élections européennes étaient plutôt le signe d’une qualité intellectuelle et humaine rare. Mais, sur le plan politique, la liste LR s’est trouvée de plus en plus dans une impasse, serrée par un implacable étau entre LREM et le RN.

Ils s’en donnent à cœur joie, tous ces charognards qui se délectent de la défaite des LR.

La sale satisfaction des ministres « transfuges de la droite » constituant leur départ opportuniste de 2017 comme la preuve de leur lucidité en 2019. Allant même jusqu’à inciter les personnalités qui comptent au sein de LR — pour Raffarin, c’est déjà fait ! — à les rejoindre pour rendre encore plus achevée la suite de l’échec-victoire du président de la République.

L’éblouissement face à l’intelligence politique et au brillant cynisme d’Emmanuel Macron qui après avoir laminé la gauche semble avoir fait de même avec la droite républicaine. Et il faudrait tendre l’autre joue ?

Comme s’il fallait admirer l’artiste qui avec talent et persévérance est parvenu à institutionnaliser le duel de son camp avec le RN, qui par ailleurs ne cesse de progresser, de sorte que le plafond de verre présumé certain en 2022 et garantissant sa réélection ne sera peut-être pas aussi solide que l’espère le président de la République.

Une stratégie à court terme, fondée sur le fait que la moitié des électeurs de François Fillon a voté en faveur de la liste présidentielle, va entraîner, en vue des municipales, un glissement intéressé vers LREM de la part des Républicains désireux de sauver leur mise. Notamment à Paris.

Ce souci des positions à sauvegarder est humain mais sera, immédiatement, un handicap grave pour réfléchir à une droite rénovée. À la fois assurée et ouverte. Fière de ses convictions, ne les assénant pas sur la société comme une épée de Damoclès mais telle une authentique chance démocratique.

Encore faut-il que LR ne joue pas perdant en estimant fatal son déclin. En se persuadant, pour donner bonne conscience à son impuissance, que tout se trouve chez le président de la République et qu’il ne laisserait plus aucun espace à ses adversaires.

Même si on admet la pertinence provocatrice de la saillie de Gaspard Gantzer pour qui « aujourd’hui, Macron est un combo entre Trudeau et Sarko », en la prenant au pied de la lettre elle permet d’entrevoir que, contre la tendance « Trudeau » LR a trop négligé d’ouvrir un front décisif. Bizarrement, ce parti a été tellement offensé de voir le président crédité de mener une politique de droite qu’il ne l’a attaqué que sur ce terrain alors que la gauche chez Macron aurait été beaucoup plus vulnérable. Parce que, de la vision judiciaire à l’approche « sociétale », elle existe et trouble.

Quant au côté « Sarko », il ne faut rien exagérer.

D’abord l’ancien président, au nom de sa complicité avec Emmanuel Macron (d’ailleurs réciproque : tout est bon pour affaiblir LR et surtout Laurent Wauquiez détesté par les deux), a refusé de s’exprimer clairement et publiquement pour la liste Bellamy de sorte qu’ainsi il a conforté le travail de sape du président de la République.

Ensuite, si la première année du mandat — contrat de travail et réforme de la SNCF — n’a pas été sans faire référence à des combats que la droite au pouvoir aurait dû mener, elle n’a pas opéré un tel bouleversement que seraient devenues inutiles toutes autres avancées dans ce domaine.

Le champ qui demeure pour une démarche conservatrice cohérente est étendu. Courageuse, populaire, respectueuse des majorités, attachée à poser son regard et son action sur l’ensemble de la vie politique et sociale, sur le fonctionnement trop négligé des institutions régaliennes — notamment police et Justice —, sur l’univers culturel et sur le monde médiatique. Au fond, sur toute cette immense part dont la droite s’est débarrassée parce que, lâchement, elle a considéré que la gauche en était propriétaire.

Il y a une page démocratique sur laquelle le nouveau monde devait écrire. Elle est toujours vierge puisque l’ancien monde, depuis deux ans, pour l’intégrité, la morale civique et politique, les nominations, les combines, les dépendances, le poids d’intérêts mettant à mal l’éthique de gouvernement, nous a offert un triste tableau de la République. Si la droite acceptait d’admettre que ces dérives ne sont pas inévitables, consubstantielles au jeu politique, elle aurait de quoi se réconcilier avec l’opinion publique.

Cette révolution impose d’abord de cesser d’imaginer que les jeux sont faits. Emmanuel Macron n’est pas plus la fin de la politique française que la chute du Mur de Berlin n’a été celle de la vie internationale.

Elle exige aussi qu’on quitte les chemins du vaudeville, un Gérard Larcher obligé de contourner un Laurent Wauquiez qui s’enkyste dans un poste, pour lequel il n’est plus légitime à cause de son fiasco politique, afin de réunir la droite et le centre dans une délibération collective dont on espère qu’elle n’aboutira pas à un macronisme bis.

Il serait tout de même extravagant que par exemple un Bruno Retailleau, un Jean-François Copé ou un Xavier Bertrand qui pensent dans leur coin ne puissent pas, dans une confrontation de bon aloi, redéfinir la droite comme une idée neuve pour demain. Encore trois ans jusqu’en 2022 !

Est-il concevable aussi, sans être qualifié de fasciste, de glisser dans la réflexion la piste d’une union des droites quand un jour peut-être le retrait de Marine Le Pen aura dédiabolisé cette éventualité ?

Il est terrible de constater comme la déroute crée une étrange fascination. Comme si, un temps, elle ne laissait pour alternative que de sombrer doucement ou de s’abandonner pieds et poings liés à l’adversaire, aussi suave et rouée que soit l’emprise présidentielle. Et, surtout, sa volonté prioritaire, et même plus dissimulée, de pomper ce qu’il y a de meilleur à droite pour ajouter à ses ministres transfuges des prises politiques de fond d’une tout autre portée.

La droite est sonnée. Mais elle doit se ressaisir en trouvant sur un mode adapté ce qui lui fait totalement défaut aujourd’hui : une identité, une intelligence, la croyance en son utilité et sa nécessité.

Si elle a un peu d’orgueil, elle ne se laissera pas humilier ainsi de toutes les manières. Et, d’abord, elle ne se quittera pas elle-même.

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  • il faut croire que la gamelle macroniste est bien remplie ; le maire de Quimper quitte LR pour AGIR …….encore un qui se débine ……mal barré les républicains , z’ont intérêt à réagir et vite ;

    • A la limite, c’est plutôt sain que ceux qui sont en fait favorables à Macron quittent le navire. Si la droite a subi une défaite, ce n’est pas à cause de Bellamy, mais à cause du parti.
      Bis repetita avec Fillon: si ce dernier avait été soutenu et aidé dans sa gestion de la crise par ses amis (au lieu des cups bas par derrière), il aurait peit-être accédé au second tour.

  • Its the economy, stupid !
    Encore un article qui passe a coté du principal problème français : comment relancer une économie moderne.Ni un énarque ni un professeur de philosophie n’en étaient conscient.

    • L’économie n’est qu’une conséquence de la vision que l’on peut avoir de l’avenir de notre pays, du rapport entre l’Etat et les citoyens, de la place de la France dans le monde.

  • Orqueilleux ils le sont tous mais comme ce vilain defaut n’est jamais seul ils sont aussi pret a tuer pere et mere et toute la famille si necessaire…bellamy un bon choix.. c’est du fouttage de gueule ,c’etait le plus mauvais choix possible ! Lrem est le nouveau parti de toutes les ..gauches ..lr de droite , c’est a mourir de rire enfin si la droite signifie vraiment quelque chose de different que notre gauche française.

  • Tant que la droite proposera la même chose que LREM et RN, c’est à dire l’étatisme, on ne voit pas bien pourquoi elle ferait un bon score. Si par contre elle décide de proposer moins d’Etat et davantage de liberté et de responsabilité, davantage de concurrence, donc un programme favorable au développement économique, elle pourrait progressivement devenir une force alternative attrayante. Il faudrait pour cela que leurs chefs changent de logiciel.
    Au lieu de proposer aux électeurs davantage de protection, la droite devrait proposer davantage de prospérité, car les gens veulent aussi des emplois et du pouvoir d’achat.

  • Nicolas Sarkozy président,a largement participé à discréditer la droite dont il vient de se plaindre qu’il n’y en n’avait plus.Ratification du traité de Maastricht contre le vote des français,augmentation des impôts,rien sur l’ISF,rien sur les 35H(à peine touchées du bout des lèvres avec les h supp défiscalisées ),rien sur les régimes spéciaux(PTSD Juppé 1995…),SNCF….
    Il n’a rien fait dans les fameux 100 premiers jours ni après….à part gérer la crise bancaire liée aux subprimes US où nos super champions bancaires étaient allés s’acoquiner.

  • Encore faudrait-il parier sur le même score l’ an prochain aux municipale et dans deux ans aux régionales pour l’ enterrer. Wauquiez a bon dos, il est tout de même entouré par une sacrée bande de couilles molles.

  • la droite LR-Les ripouxblicains est usée jusqu’à la moelle par des années de tromperies des electeurs , de meme pour le PS ….il fallait autre chose qui continue de faire illusion sur tous ceux qui attendent une amélioration de leur situation : la droite a inventé LREM !….qui va s’user tres vite tellement les attentes sociales sont fortes…..quoi après LREM ? encore la droite ou bien l’extreme droite ? PEU IMPORTERA LA SOLUTION POURVU QUE LES CAPITALISTES RESTENT AU POUVOIR par delegation…..

    • « les attentes sociales sont fortes »…

      Ah bon ? Les Français veulent VRAIMENT plus de prélèvements obligatoires, plus de « redistribution », plus de dépenses publiques, plus de fonctionnaires, plus d’étatisme, plus de… ????

      Si vous avez raison, ce n’est pas la Droite qui va se refaire, c’est la gauche !

  • « attentes sociales fortes » ???? Qu’est ce qu’ils veulent de plus ,ce we de pont c’est blindé de partout,100% d’occupation ,essayez de trouver un hôtel ce we ?mission impossible à part dans la Creuse et encore!Cela fait 6 mois qu’on nous bassine avec l’essence et les péages trop chers regardez les retours de demain soir!!!Roland Garros archi plein….

    • Néanmoins tout le monde n’a pas les moyens de partir… Les hôtels complets, ce n’est pas partout et le total des gens qui bougent ce week-end ne représente pas la moitié de la population,
      Quand le budget essence augmente, il faut sacrifier d’autres postes. Pour certains, ce sont les vacances, pour d’autres, autre chose.

  • Le premier responsable de la mort idéologique de la droite est Jacques Chirouette, individu sans corps ni convictions. L’éviction de Marie-France Garaud et Pierre Juillet au profit des deux tocards Juppé et Balladur aura été une fracture fatale pour donner un inculte ni libéral, ni républicain cédant le terrain à la gauche sur bien des domaines.

    Quant au plafond de verre de 2022, il ne cédera pas. Il y aura, comme toujours les castors pour réaliser un superbe barrage « républicain » quand bien même ils ne savent pas ce que signifie être républicain ; si ils le savaient, ils réaliseraient qu’une bonne partie d’entre eux ne le sont même pas.

    • Ce qui est consternant, c’est la puissance de la propagande. Essayez de demander à quelqu’un qui assimile le RN à ce qu’on fait de pire, quelques points de programme de ce parti, et allez vérifier sur le site ou sur le programle 2017 de MLP. C’est intéressant.
      En réalité, le péché originel du FN-RN est d’être « national ». Pour les fanatiques de la supranationalité, on ne peut pas faire pire. Reste à savoir si des décisions politiques prises à Brxelles, c’est mieux qu’au niveau national. Mais ça n’a rien à voir avec le fascisme. Par contre, certaines décisions de Macron…

      • Évidemment que les cosmopolites ont en horreur ceux qui ont la patrie au cœur. Mais le « péché » du FN bien avant d’être son nom, se situe surtout dans le tandem Mitterrand-Chirac. Le premier a intelligemment mis en avant le FN, le second a reculé sur plusieurs terrains de peur qu’on lui reproche des accointances avec celui-ci.

      • Le FN original, celui de JMLP, n’était pas anti-libéral. Aujourd’hui quelqu’un qui voit le libéralisme comme un prérequis indispensable à la prospérité nécessaire au développement de la nation, ne peut en aucun cas soutenir le RN.

  • LR est mort!!! Vive une droite conservatrice et libérale. Y a-t-il quelqu’un à LR qui puisse relever le défi. B. Retailleau semble le mieux armé. X. Bertrand est souvent mis en avant par les médias (comme cela s’était passé avec Juppé pour les primaires) car il est compatible avec la gauche et Macron. Il n’a aucun corpus idéologique libéral et conservateur. Tout le logiciel devra être revu si la droite libérale veut exister. Elle doit être claire sur les objectifs à atteindre: redonner aux couches populaires et moyennes l’espoir de leur rendre un avenir meilleur pour eux, mais surtout pour leurs enfants. Ce qui n’est plus le cas.

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