Hyperinflation : ces choix politiques qui dévastent un pays

Trois exemples pour comprendre comment de mauvais choix politiques peuvent avoir un impact criminel sur les populations.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Dollar zimbabwéen

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Hyperinflation : ces choix politiques qui dévastent un pays

Publié le 26 mai 2019
- A +

Par Steve Hanke.
Un article de Libre Afrique

Qu’ont en commun Slobodan Milosevic, Robert Mugabe et Nicolás Maduro ? En plus d’être des leaders qui ont gardé le Manifeste Communiste à leur chevet, ils ont tous les trois généré des hyperinflations dévastatrices. Ces trois exemples aident à comprendre comment de mauvais choix politiques peuvent avoir un impact criminel sur les populations.

Milosevic et la Yougoslavie

Slobodan Milosevic était au pouvoir lorsque la dernière inflation a ravagé la Yougoslavie. Alors que j’étais conseiller dans le gouvernement de réforme Ante Marković, nous avons découvert, le 28 décembre 1990, que le Parlement serbe contrôlé par Milosevic avait secrètement ordonné à la Banque nationale serbe (une banque centrale régionale) d’émettre des crédits d’une valeur de 1,4 milliard de dollars à des amis de Milosevic. Ce pillage illégal équivalait à plus de la moitié de la masse monétaire que la Banque nationale de Yougoslavie avait prévu d’émettre en 1991. Le braquage avait saboté les plans de réformes économiques du gouvernement Markovic et renforcé la détermination des dirigeants croates et slovènes à se séparer de Belgrade.

À partir de janvier 1992, ce qui restait de la Yougoslavie a enduré ce qui était à l’époque la deuxième hyperinflation la plus élevée de l’histoire du monde. Elle a culminé en janvier 1994, avec un taux mensuel à 313 000 000 %. L’épisode d’hyperinflation yougoslave a duré 24 longs mois. Néanmoins, Milosevic conserva son emprise sur ce qui restait de la Yougoslavie pendant six ans.

Au cours de la période de 24 mois, le revenu par habitant a chuté de plus de 50 %. Les gens ordinaires ont été forcés d’épuiser leurs économies en devises. Ils n’avaient pas les moyens d’acheter de la nourriture sur le marché libre ; ils ont survécu à la famine soit en faisant la queue dans les magasins d’État pour des rations en aliments de base de qualité médiocre, soit en s’appuyant sur des proches qui vivaient à la campagne.

Mugabe et le Zimbabwe

Au cours de la période 1997-2007, le niveau de vie mesuré par le produit intérieur brut (PIB) réel par habitant a chuté de 38 %. L’épisode qui avait atteint son paroxysme en novembre 2008 avec un taux d’inflation annuel de 89,7 sextillion % (soit 89,7 suivis de 20 zéros), avait privé les citoyens de leur épargne et de leur capital par le biais de taux d’intérêts réels (corrigés de l’inflation) qui étaient devenus négatifs. Cette forme de vol est due en grande partie à la législation et à la réglementation régissant les institutions financières (fonds de pension, compagnies d’assurance, sociétés de crédit immobilier et banques) qui les ont obligées à acheter des bons du Trésor public ne rapportant qu’une infime fraction du taux d’inflation, ou à effectuer des dépôts à la Banque de réserve du Zimbabwe (RBZ) qui ne versait aucun intérêt.

Alors, quelle était la cause de cette crise économique ? La faute en incombe au gouvernement du Zimbabwe, dont les politiques ont obligé la RBZ à imprimer de l’argent ex nihilo. De janvier 2005 à mai 2007, la RBZ a fixé des taux de change supérieurs à ceux de la banque centrale allemande de janvier 1921 à mai 1923, soit la phase de montée en puissance de la grande hyperinflation allemande.

À mes yeux, le taux d’inflation mensuel a atteint un sommet de 79,6 milliards de dollars en novembre 2008, passant au second rang le plus grave, avant l’épisode d’hyperinflation yougoslave. En dépit de cette situation catastrophique, Mugabe a pu rester en fonction pendant neuf ans. Cela est dû en partie au fait que, début 2009, le Zimbabwe a abandonné le dollar zimbabwéen et en a officiellement « dollarisé » l’économie.

Mais Mugabe n’a jamais tiré les leçons de 2008. Lorsque son parti, la ZANU-PF, a repris le contrôle total du Zimbabwe en 2013, les dépenses de l’État et la dette publique ont augmenté. Pour financer ses déficits record, le gouvernement a abandonné la dollarisation intégrale et a commencé à émettre sa propre monnaie en quantités énormes. Le « New Zim dollar » a été émis en parité avec le dollar américain mais s’est négocié à un taux d’escompte important. À la suite de l’émission du dollar Zim, la masse monétaire a explosé, de même que l’inflation. Ce faisant, le Zimbabwe a connu sa deuxième hyperinflation en moins de dix ans, à compter de septembre 2017 avec un taux d’inflation mensuel de 185 %, lequel a ouvert la porte à la destitution de Mugabe via un coup d’État en novembre 2017.

Maduro et le Venezuela

À l’heure actuelle, le seul pays qui souffre des ravages de l’hyperinflation est le Venezuela. Mais l’épisode d’hyperinflation en cours au Venezuela ne s’est pas produit du jour au lendemain. J’ai pu constater quelques-uns des dysfonctionnements économiques du Venezuela au cours de la période 1995-1996, alors que j’occupais les fonctions de conseiller du président Rafael Caldera. Mais ce n’est qu’en 1999, lorsque Hugo Chavez a été installé à la présidence, que les graines socialistes de la crise actuelle du Venezuela ont commencé à être plantées. Avec la domination de Chavez, la discipline budgétaire et monétaire s’est étiolée et l’inflation a explosé. Au moment de l’arrivée de Nicolas Maduro début 2013 l’inflation annuelle atteignait un taux à trois chiffres et le Venezuela entrait dans la spirale de la mort économique.

Le taux d’inflation annuel du Venezuela était le plus élevé au monde en 2018, atteignant 80000% à la fin de l’année et grimpant à 165 382 % fin février 2019. Et, bien que le taux d’inflation du Venezuela ait été « modeste » (par rapport au Zimbabwe par exemple), il est durable. À ce jour, l’hyperinflation vénézuélienne dure depuis 30 mois. Il s’agit du cinquième épisode d’hyperinflation le plus long de l’histoire.

Bien que l’hyperinflation ne soit pas une recette pour bâtir le soutien populaire d’un politicien, elle ne signe pas pour autant son arrêt de mort. Regardez les « fous monétaires », Milosevic, Mugabe et Maduro : ils ont pu conserver le pouvoir pendant des années, et ce même après le début des hyperinflations dévastatrices. Les populations doivent bien prendre conscience du fait que la pauvreté liée à l’hyperinflation est la conséquence de la mauvaise gouvernance.

Sur le web

Voir les commentaires (3)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (3)
  • Mario Draghi : le prochain nom dans la rubrique…

    • C’est marrant moi je pense que si Mélenchon avait été élu, c’est lui qui aurait repris le flambeau… Ca fait plaisir de voir la raclée qu’il a prise aux européennes !

  • Ou en serions nous sans l€ qui nous permet de faire n’importe quoi

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Et si une révolution libérale était en maturation en Amérique latine ?

C’est une perspective à ne pas négliger, eu égard à l’actualité politique de trois pays qui, ayant chacun à leurs manières subi les affres du socialisme, pourraient s’apprêter à écrire une nouvelle page de leur histoire en portant au pouvoir des libéraux.

En Équateur, c’est chose faite avec l’élection de Daniel Noboa. Au Venezuela, la présidentielle de 2024 pourrait faire émerger Maria Corina Machado, une centriste libérale, tête de file de l’opposition à Nic... Poursuivre la lecture

Par Augustin Neyrand. Un article de l'IREF Europe

« Outil des riches », le marché boursier vénézuélien a toujours été tourné en dérision par l’ancien président Hugo Chavez.

En réaction, les investisseurs internationaux s’en détournèrent d’autant que la monnaie perdait quasiment toute valeur durant les années de récession, la contraction de l’économie atteignant près de 80 % sur la période 2013 à 2020. Aujourd’hui, son successeur, Nicolas Maduro tente de relancer l’économie en tournant la page de l’ère Chavez.

Le présiden... Poursuivre la lecture

5
Sauvegarder cet article

C'est bientôt les vacances estivales et la rentrée semble encore fort lointaine et, à s'en tenir tant aux médias qu'aux conversations de machine à café, tout le monde s'en fiche : septembre n'est dans la tête d'à peu près personne... Pourtant, de nombreux signes pointent vers une rentrée pas banale : le dernier quadruplet de mois à la fin de 2022 promet du sport.

Bien sûr et en préambule de ce billet, soulignons que l'exercice qui consiste à deviner ce qui va se passer est voué à l'échec : la réalité est systématiquement plus riche que... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles