L’école de Brigitte Macron : vrai projet ou poudre au yeux ?

L’école de Brigitte Macron a-t-elle des chances de réussir en 9 mois ce que les 9 ans de l’école obligatoire n’ont pas réussi à faire ?

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Brigitte Macron by G20 Argentina (CC BY 2.0)

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L’école de Brigitte Macron : vrai projet ou poudre au yeux ?

Publié le 6 mai 2019
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Par Stanislas Kowalski.

L’annonce a été bien relayée à peu près partout : Brigitte Macron reprend du service dans l’enseignement. A priori, ça a l’air bien. On souligne qu’elle dispose d’une légitimité en matière d’éducation, puisqu’elle n’a quitté cette profession que récemment, afin d’épauler son jeune mari en politique.

Bien sûr, il n’échappera à personne qu’en lançant L’Institut des Vocations pour l’Emploi (LIVE), elle continue de l’épauler. Mais c’est de bonne guerre. Une Première dame se doit d’avoir ses causes. Et quoi de plus noble que l’éducation ? Et quoi de plus généreux que d’éduquer les défavorisés ?

L’école de Brigitte Macron : une intention louable

Si on veut bien mettre de côté un instant le ressentiment qu’on peut éprouver à l’égard de son président de mari, ou la jalousie envers son sponsor de LVMH, le projet de Brigitte Macron mérite une attention. Une attention sérieuse.

Concrètement, en quoi cela consiste-t-il ? « Former des jeunes adultes de 25 à 30 ans qui n’ont ni formation, ni diplôme, ni emploi, en vue de leur insertion dans le monde du travail. » Plusieurs journaux de préciser, dans un joli exercice de recopiage de communiqué de presse, que « ces décrocheurs, estimés à 300 0001 en France ne bénéficient pas actuellement de dispositif ad hoc, contrairement aux plus jeunes (moins de 25 ans) ». Bon, après tout, pourquoi pas ? Il y a un besoin, une volonté de bien faire. Bien.

Toutefois, à y bien réfléchir, ces chiffres étonnent. Je passerai rapidement sur l’écart entre le nombre de personnes dans le besoin et les effectifs très modestes du centre de Clichy-sous-Bois : 50 élèves. Mettons qu’il faille impressionner le public pour faire sa communication et lancer le projet. Après tout il faut un début à tout, et ce centre sera suivi d’un autre en zone rurale, dans la Drôme, et qui sait, fera peut-être des émules. Ce n’est pas complètement impensable.

Pour la même raison, on regardera avec bienveillance, pédagogie oblige, le nombre élevé de personnalités qui se penchent sur le cas de ces 50 malheureux. Une quinzaine de parrains mettent leur prestige au service de la cause et constituent le « comité pédagogique ». On s’étonnera de la présence du rappeur Ben-J. Peut-être un peu moins de celle du chef étoilé Thierry Marx qui s’occupe déjà de ses propres écoles de cuisine. Il est normal que le maire PS de Clichy-sous-Bois appose son nom : Olivier Klein. Après tout, cela se passe sur son fief.

Réussir en 9 mois ce qu’on a manqué en 9 ans ?

L’âge des bénéficiaires interpelle l’éducateur que je suis. Jusqu’à quand est-on jeune ? Je veux bien croire à une école de la deuxième chance, ou de la troisième, ou même de la quatrième. Si on me demande mon avis, je pense qu’on devrait pouvoir lâcher ses études quand on n’en peut plus, et les reprendre sans considération de l’âge quand on en ressent le besoin.

Mais on peut quand même se demander si l’on a des chances de réussir en 9 mois ce que les 9 ans de l’école obligatoire2 n’ont pas réussi à faire. Sans parler des autres dispositifs auxquels ces jeunes adultes auraient pu s’adresser dans les 10 années suivantes et que Pôle Emploi aurait dû leur proposer.

Pour réussir ce tour de force, on imaginerait volontiers un programme original, innovant, tourné vers le concret, adapté aux besoins d’adultes avec des capacités forcément très diverses. On imaginerait quelque chose de bien professionnalisant, comme, tiens, justement, les écoles de cuisine de Thierry Marx. Mais rien de tout cela n’est annoncé.

On sera surpris par la tournure très scolaire du programme : français, mathématiques, histoire, économie, anglais. La liste varie un peu selon les journaux qui ont transmis l’information, comme si ce n’était qu’un détail. En tout cas, la tendance est claire.

Un contenu qui laisse dubitatif

Une remise à niveau est parfois nécessaire, mais cela laisse dubitatif. Ce n’est pas en 9 mois que des décrocheurs, ceux qui se sont bagarrés avec ce genre d’apprentissage, vont devenir fluent in english. Même en tenant compte de leur maturité, reprendre les bases des mathématiques prend du temps, surtout qu’on se demande de quel niveau il va falloir repartir, et pour aller où. Reprend-on à un niveau 3e, ou plutôt 6e pour être plus réaliste ?

Quid des cours de français ? On nous annonce l’intervention d’un certain nombre de personnalités : sportifs, artistes etc. Voilà qui n’est pas propre à rassurer sur le sérieux de la chose. Au passage, si on lit bien, le rôle de Brigitte Macron se limitera à une intervention de temps en temps, tous les mois ou toutes les deux semaines, pour  « échanger avec les stagiaires » sur le français ou la littérature, ce qui est évidemment une priorité. Elle ne risque pas le surmenage.

Qu’en est-il du volet « insertion professionnelle » ? Rédaction de CV, cours de confiance en soi et de développement personnel. Voilà, voilà. C’est important de « reprendre confiance en soi ». Et après ? On ne sait pas trop ce qui pourra être mis dans le CV, mais enfin, apparemment, les stagiaires sauront le rédiger. De là à penser qu’ils vont apprendre le bluff…

En fait rien de très novateur…

En fait, le programme paraît tellement creux qu’on se demande ce qui pourrait inciter un adulte à y participer. La réponse est simple :  les stagiaires seront rémunérés au SMIC. On comprend l’idée, généreuse évidemment, il faut faire en sorte que les élèves puissent étudier sans inquiétude matérielle.

Mais on sait bien que ce genre d’incitation tend à produire exactement le contraire de ce qui est recherché. La motivation pécuniaire va probablement détruire la motivation intrinsèque de l’apprentissage. C’est qu’il ne s’agit pas de normaliens recrutés sur concours, qu’on peut payer pour leurs hautes qualités intellectuelles.

Tout cela laisse une impression déplaisante, comme si les amis de la Première dame s’étaient cotisés pour lui offrir de quoi s’occuper et afficher sa vertu. Il est bon de prendre des initiatives et de se montrer généreux. Là n’est pas la question. Mais lorsque l’on veut aider les nécessiteux, il convient de se rappeler deux ou trois choses.

Peu importe ici qu’il s’agisse d’argent public ou privé, c’est une question qu’on verra ailleurs. Les pauvres ne sont pas des marionnettes que l’on utilise pour se donner en spectacle. Et la moralité de ce genre d’action comprend, entre autres, une exigence d’efficacité. Je ne veux pas dire de succès, mais au moins de se préoccuper sérieusement de l’affectation des ressources et des résultats escomptés. En l’état, la prestation mériterait l’appréciation suivante : « Brigitte, vous avez de jolies idées, mais revoyez votre copie et refaites les comptes. »

  1. Au demeurant, même si ce chiffre paraît élevé, il n’a jamais été aussi bas. Il n’y a pas si longtemps, ne pas avoir de diplôme était la norme.
  2. Avant l’extension de l’obligation à l’école maternelle qui bien évidemment n’a pas concerné les élèves de Brigitte Macron, même si l’on peut imaginer, au vu des statistiques qu’ils y sont quand même allés.
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  • C’est genial , madame forme les djeunes tandis que monsieur crée a la pelle des emplois en multipliant les passages proteges pour traverser la rue.
    Bien entendu il est hors de question de faire une selection a l’entree ,seul le casier judiciaire faisant foi.

  • Madame, ancienne enseignante du privé, a donc maintenant son Hameau de la Reine où elle pourra rejouer son ancien métier de temps en temps, avec l’aide de personnalités qui vont circuler devant les caméras. Parions que le budget sera plus conséquent que celui des autres établissements publics. Ne me dites pas pour autant que même Madame envisagerait de quitter le petit coq, comme la moitié de ses conseillers, et qu’elle chercherait un emploi, à son âge ce ne serait évidemment qu’une fake news mais on a (encore) le droit de rire 😉

  • La problème vient du fait que même pour les décrocheurs le programme est bien trop académique. Si ça ne fonctionnait pas quand ils avaient 15-18 and pourquoi cela fonctionnerait il quand ils atteignent 30 ans. Pourquoi ne pas proposer des formations pratiques en débutant par un bon bilan de compétences et en suivant la trame??? Ce serait certainement plus bénéfique pour ces « jeunes » que de leur faire résoudre une équation abstraite par exemple. L’abstraction cette manière d’enseigner qui plombe la France!

  • Toujours cette bonne vieille fausse idée qu’il faille former les gens sans emploi dans un centre dédié par catégorie de public. Ce genre de méthode existe déjà, certains centres peinent à recruter, et d’une manière générale ils ne font pas de miracles dans la droite ligne de notre éducation nationale.
    Une entreprise qui a besoin de compétences, n’hésitera pas à prendre en charge la formation afin de s’adapter. On est jamais mieux servi que par soi-même. Si les pouvoirs publics veulent vraiment agir, ils devraient travailler main dans la main avec les entreprises en rendant l’apprentissage facile, accessible à tous et quel que soit l’âge. On émancipe pas les gens avec des idéaux.

    • ah oui mais non, l’entreprise monsieur, ça sent l’argent. Je veux dire, l’argent privé. Et l’argent privé, c’est sale, on le sait tous.

      —> []

  • Bon on a compris : Brigitte a une enveloppe pour payer au smic 300000 « jeunes » à ne rien faire, car franchement, je ne vois pas l’état aller défalquer les jours d’absence, faut pas dec*nner il ne faudrait surtout pas les mettre dans de vraies conditions de travail. Comme disait Coluche « il y 3 milions de personne qui réclament du travail, c’est pas vrai, l’argent leur suffirait  » : nous y sommes . Je vois bien aussi la belle incitations pour les enfants à travailler à l’ecole : « tu vas faire quoi après ton bac ?  » rien » « ah bon » « ben sinon je ne serai pas payé pour faire des études »

  • Un certain François est célèbre chez Canteloup pour sa F.U.C.K.
    La François University de quelque chose de rigolo…
    Bon, on échappera pas à du LIVE, soyons directs…

  • Je lisait un journal belge ce matin , pas de chomage la bas ,pas de probleme pour les jeunes sans diplomes, d’ailleurs leurs immigres trouvent des jobs ,ca bosse un belge , surtout lorsque l’esprit flamand commence a deteindre sur l’esprit wallon…..il’semblerait que notre probleme est bien la france et tout ces profs s’imaginant en urss il faut eduquer le peuple…sans doute ce que pense notre brigitte , si les gens ne bossent pas c’est la faute de leur education insuffisante d’ou s’en doute notre renaissance de service national.

    • coupez les aides vous verrez si les glandeurs vont rester devant leurs jeux videos

      • vous avez un problème avec les jeux vidéos? c’est source du Mal un peu comme le hard rock?..quand on est bas du front..

    • L’esprit flamand:

       » Luiheid is de stompzinnigheid van het lichaam,
      en stompzinnigheid, luiheid van de geest.  »

      La paresse est la bêtise du corps,
      et la bêtise, la paresse de l’esprit…

  • il faudrait plutôt en parallèle passer au chèque « études » et libéraliser le bousin…

  • Je trouve cet article venimeux, typique d’un membre de l’éducation nationale qui s’attaque, par principe, à tout ce qui sort du cadre de l’EN. Laissons Mme Macron lancer son projet et on verra bien les résultats : à mon avis, ils ne peuvent pas être pires que ceux de l’EN.

    • Tout dépend de la finalité: aider ces jeunes ou les utiliser pour faire de la com’?

    • @Bernard si les fonds proviennent intégralement du privé cela ne me gêne pas, si un seul sous vient de l’impôt ça me révolte.

      • Quand le prive finance un truc sans benefices il paie avec nos impots

        • @reac non , c’est de l’argent qui ne va pas au moloch étatique et ça me va bien. De toutes façons Moloch a toujours faim, qu’il reçoive cet argent ou pas .

          • Non cet argent a ete soustrait d’une activite lucrative pour nous et l’etat…consequence l’etat demande plus de rentrees fiscales surtout qu’en general il donne un bonus au genereux donateurs

            • @reac « lucrative pour nous et l’état  » (lucrative pour l’état c’est sûr mais que diable voulez vous donc dire par la : remplir les poches sans fond des fonx ?) pour nous qu’en savez vous ? Rien ni personne ne sait où va l’argent que l’on paye aux impôts . Pour moi un sous qui ne va pas a l’état est économisé pour le contribuable qui pour une fois décide de ce qu il en fait . La vraie question est : mais pourquoi donc l’état ne fait pas comme tout bon citoyen : moins de rentrées –> moins de dépenses ? bizarrement cela n’est jamais envisagé . Indice : ceux qui en décident sont tous membre de l’état .

    • Justement, le problème relevé est que ça ne sort pas de l’EN : français, maths, anglais, histoire, éco…
      Est-ce vraiment de cela que ces gens ont besoin ? Des cours d’histoire pour trouver du boulot ?
      J’ose espérer que le communiqué de presse est juste très mal rédigé, et que le programme de cette formation sera plus original et pragmatique qu’annoncé !!

    • Je ne suis plus membre de l’Education Nationale, après avoir bien claqué la porte. Mais ce n’est qu’un détail.

    • Vous êtes trop bon et trop naïf, vous devez avoir mal lu, ou pas compris ce qu’écrit l’auteur. Il ne peut y avoir de résultat en 9 mois là où 9 ans n’ont pas réussi. C’est notre EN qu’il faut changer et non créer une structure pour 50 gugusses pour faire la propagande de Madame l’épouse!

  • j’aimerai bien savoir qui paye ? le contribuable une fois de plus ?

  • Encore une idiotie coûteuse pour occuper madame. L’image du hameau de la reine est particulièrement savoureuse. C’est exactement cela. Marie Antoinette voulait se rapprocher de la nature. Brigitte veut se rapprocher du peuple. De la com, de l’argent public, des intervenants boboîdes progressistes campdubientoutça… pour un résultat zéro
    Pas de doute, on est sauvés

  • Je croyais qu’elle était prof de théâtre, Brigitte ; aussi, ai-je eu un doute en lisant le titre de l’article.
    Mais quand j’ai lu le contenu, cela m’a confirmé qu’elle continuait à enseigner … le théâtre, en particulier la comédie.

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