L’être et l’écran : comment le numérique change votre perception

Nos écrans, nos smartphones, nos ordinateurs et nos tablettes sont de véritables interfaces qui transforment la façon dont notre monde nous apparaît.

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L’être et l’écran : comment le numérique change votre perception

Publié le 3 mai 2019
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop libre

« Les techniques ne sont pas seulement des outils, ce sont des structures de la perception. Elles conditionnent la manière dont le monde nous apparaît et dont les phénomènes nous sont donnés. Depuis près d’un demi-siècle, les technologies numériques nous apportent des perceptions d’un monde inconnu. Ces êtres qui émergent de nos écrans et de nos interfaces bouleversent l’idée que nous nous faisions de ce qui est réel et nous réapprennent à percevoir ». 

Pour Stéphane Vial, docteur en philosophie et maître de conférence à l’université de Nîmes, il est temps d’apprendre à nous situer dans ce nouvel environnement hybride, à la fois numérique et non-numérique.

Le nouvel esprit technologique

« Depuis l’apparition des premiers ordinateurs dans les années 1940, notre civilisation est engagée dans un profond bouleversement, dont nous comprenons aujourd’hui qu’il n’est pas seulement technologique […] C’est alors que le World Wide Web est arrivé […] et dans lequel s’est développé au cours des années 1990 une véritable « vie sur écran », autant qu’une forme authentique et nouvelle de culture ».

En 2010, 74 % des ménages européens sont équipés d’un ordinateur, 73 % d’entre eux sont connectés à Internet à domicile. Mais la révolution numérique est plus qu’un commencement, elle est un de ces recommencements « ontologiques », comme il y en a peu dans l’Histoire.

Plus encore, la révolution numérique fonctionne comme une forme de révélation : elle nous fait découvrir que les questions de l’être et de la technique sont étroitement liées. Et vingt années d’accoutumance quotidienne aux interfaces nous montrent que la virtualité n’est qu’une dimension parmi tant d’autres de notre façon de vivre notre expérience avec les appareils numériques.

Vie et mort du virtuel

« Comme toutes les précédentes, la révolution numérique est une révolution ontophanique – une révélation. De toutes celles qui se sont produites au cours de l’Histoire, elle est l’une des plus perçantes et des plus spectaculaires ». Depuis une trentaine d’années, le choc induit par le numérique est sans précédent. Stéphane Vial n’hésite pas à parler de traumatisme.

Nos écrans, nos smartphones, nos ordinateurs et nos tablettes sont de véritables interfaces qui transforment la façon dont notre monde nous apparaît. Depuis l’apparition des micro-ordinateurs dans les années 70, nous avons accès à deux réalités : celle perçue par l’œil, et une autre, image artificielle.

Ludogénéité, le phénomène numérique est jouable

« Le jeu vidéo est un objet numérique total. Il réunit en un seul dispositif l’art et la technique de la narration, du graphisme, de l’image en mouvement, de la musique, mais aussi de l’interactivité, de la simulation, de la réversibilité ou de la réticularité ». Depuis les jeux d’arcade des années 70 au réalisme des jeux de rôle des années 2000, le jeu vidéo exporte de plus en plus ses codes et sa culture, dans les filières du système numérique, mais aussi dans les pratiques sociales les plus diverses.

Une tendance identifiée sous l’étiquette de « Gamification ». Le terme anglais est apparu sur la plateforme Wikipédia en 2010 dans un article anglophone et en 2011 dans sa version française. Le phénomène désigne « l’ensemble des dispositifs connectés qui permettent de transposer les mécaniques du jeu à l’ensemble de la vie quotidienne ». 

Sébastien Genvo dans son ouvrage Pour une théorie de la jouabilité, choisit de parler de « ludicisation » du numérique pour désigner non pas les techniques à la mode de gamification, mais le fait que les dispositifs numériques toujours plus nombreux stimulent notre « attitude ludique » dans des situations ou des contextes qui ne s’y prêtent pourtant pas.

Ainsi, le numérique n’est pas seulement ludique, il est intrinsèquement ludogène, c’est-à-dire qu’il favorise spontanément l’attitude ludique et l’aptitude à la jouabilité. « D’ou le succès chez l’enfant de tous les ordinateurs qui ne serait pas du qu’au pouvoir d’attraction de l’image, mais qui relèverait plus du pouvoir de l’immersion et de l’interactivité ». Par conséquent la jouabilité est essentielle à l’existence de tout le phénomène ludique, mais elle est également une composante essentielle de tout phénomène numérique.

De l’aura radicale des choses

« En 1992 dans Aramis, ou l’amour des techniques, Bruno Latour affirmait vouloir convaincre que les machines qui nous entourent sont des objets culturels dignes de notre attention et de notre respect. », un appel lancé pour donner aux objets techniques leur place dans le monde des significations.

Bruno Latour témoignait de la résistance vivace des penseurs contemporains à prendre au sérieux la dimension technique des « actes de culture ». Cette prise de conscience s’impose aujourd’hui à nous : nul ne peut plus échapper à la prise de conscience du sens des objets et des techniques, et plus généralement de ne plus penser la technique qu’en termes « d’objets séparés des sujets ».

Pour aller plus loin :

–        L’être et l’écran, présentation de l’ouvrage de Stéphane Vial, etre-et-ecran.net

–       « Eurostat : les ménages et les disponibilités d’ordinateurs »,ec.europa.eu

–       « Écrans : l’appel des académies à une vigilance raisonnée », lemonde.fr

–       « La prolifération des écrans », puq.ca

–       « Le jeux vidéo comme levier de transformation numérique »,blog fredcavazza.net

–       « Pour introduire le « playsir» : pourquoi les appareils numériques sont ludogènes », unilim.fr

Sur le web

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  • Dans une vie antérieure j’ai côtoyé au Xerox PARC (Palo Alto Research Center) cette équipe de joyeux drilles débraillés qui se sont amusés à inventer toute cette « interaction homme-machine » (fenêtres, souris et autres broutilles). Pas assez austère et sérieux, ce labo a été viré par les patrons de Xerox qui n’ont pas compris l’intérêt de la chose. Les résultats de sont retrouvés peu après la porte à côté chez Apple (Lisa puis MacIntosh) sans rien breveter (à l’époque on ne brevetait pas les idées immatérielles). Puis un filou au nom de portes (William Gates) a copié tout cela en brevetant quand-même le système sous un nom de fenêtres (Windows) et a pu dominer le monde et les esprits pendant un certain temps. Combien parmi les milliards d’accros du PC puis du futéphone savent d’où vient leur si facile joujou?

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