Taxe Gafa, n’importe quoi

L’argumentaire économique autour de la taxe Gafa souffre d’une grande fragilité. La raison en est simple : ce projet est motivé par des considérations purement politiques.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Google Bike Sign By: Travis Wise - CC BY 2.0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Taxe Gafa, n’importe quoi

Publié le 13 avril 2019
- A +

Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Le 2 avril, le ministre de l’Économie discutait du projet de taxe Gafa, qui vise à créer une fiscalité sur les revenus publicitaires des opérateurs numériques, devant la Commission des finances de l’Assemblée. Les débats étaient révélateurs de la façon dont est conçue la fiscalité et comment sont compris les mécanismes économiques contemporains.

À une question de Charles de Courson qui lui faisait remarquer que « la taxe serait payée par le consommateur final et (…) par les petites entreprises », le ministre a opposé que l’hypothèse d’« un renchérissement des coûts pour le client, largement avancé par certains, est irrecevable, tout simplement parce que c’est faux ». Voilà qui mérite un peu d’attention.

D’abord parce que l’argumentaire gouvernemental semble confus, involontairement ou non. Les consommateurs finals, c’est-à-dire les internautes, ne sont pas les clients des Gafa : ils ne paient rien (c’est un slogan contestable de ceux qui les critiquent : « si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit »). Le modèle économique des géants d’Internet visés est de mobiliser les données de leurs utilisateurs, qui profitent en contrepartie de services (dont ils raffolent visiblement puisqu’ils les utilisent en masse), pour monétiser des espaces publicitaires qu’achètent les annonceurs (les grandes marques). Ce sont ces derniers qui sont en réalité les clients des grands opérateurs digitaux.

Taxe sans effet économique

Ensuite, parce qu’il s’agit là d’un argument novateur : la France aurait ainsi inventé la première taxe qui n’a aucun effet économique. Jusqu’à maintenant, il était admis que lorsqu’elle subit une hausse de ses coûts (comme une augmentation de la fiscalité), une entreprise la répercute sur ses clients, soit directement en augmentant ses prix, soit indirectement en diminuant à terme la qualité de ses services (par exemple parce que l’argent qu’elle aurait investi dans l’innovation a été détourné vers les impôts). Le gouvernement affirme que cette fois ce ne sera pas le cas…

« Le gouvernement répète régulièrement que la dépense publique manque  d’efficacité… semblant indiquer que non seulement l’administration ne manque pas de moyens mais qu’en plus, si elle accroît ses prélèvements, ceux-ci ne seront pas utilement mobilisés ».

L’argument serait recevable si, en contrepartie, on estimait que la puissance de négociation des clients et consommateurs est telle que les Gafa, soumis à leur pression, préféreraient réduire leurs marges. Cela sera peut-être le cas. Mais ce serait alors profondément contradictoire avec le discours selon lequel les Gafa seraient des opérateurs économiques trop puissants : soit les plateformes sont des « monopoles » et alors elles répercuteront d’autant plus facilement la taxe, soit elles encaisseront le coût du nouvel impôt et alors ce sera un indice qu’elles sont davantage soumises à la pression concurrentielle qu’on ne le dit !

Bien sûr, les recettes fiscales ainsi collectées pourront financer des services publics. Le fait est cependant qu’en France ceux-ci sont déjà bien pourvus (taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’OCDE) et que le gouvernement, promettant une réforme de l’État qui peine à poindre, répète régulièrement que la dépense publique manque d’efficacité… semblant indiquer que non seulement l’administration ne manque pas de moyens mais qu’en plus, si elle accroît ses prélèvements, ceux-ci ne seront pas utilement mobilisés…

L’argumentaire économique autour de la taxe Gafa souffre donc d’une grande fragilité. La raison en est simple : ce projet est motivé par des considérations purement politiques. Ce n’est pas illégitime en démocratie. Mais le nier conduit à décrédibiliser la parole publique.

Sur le web

Voir les commentaires (12)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (12)
  • c’est du vent.. si ls USA surtaxaient les vins français ,a titre de représailles, je ne donne pas cher de la peau du du ministre des finances

    • Le ministre des finances ferait mieux de créer de la valeur plutôt que sucer à tous les râteliers pour faire avancer son agenda.

  • C’est une taxe innovante comme quoi l’investissement de la france en intelligence artificielle donne enfin des resultats ,merci les macronautes de surfer aussi haut la tete dans les nuages…de cannabis ?

  • A force de traiter les problèmes économiques par des considérations politiques ou sociales (cf l’éternelle « lutte contre le chômage »), voire par la com’ en espérant que les choses s’arrangent d’elles-mêmes, on en arrive à la situation actuelle de la France…
    Les entraves (fiscales ou autres) à la liberté d’entreprendre frappent toujours davantage les plus petites entreprises. Ce ne sont pas les GAFA qui seront les principales victimes de cette taxe.

  • « la taxe serait payée par le consommateur final et (…) par les petites entreprises », le ministre a opposé que l’hypothèse d’« un renchérissement des coûts pour le client, largement avancé par certains, est irrecevable, tout simplement parce que c’est faux »

    C’est tout bonnement incroyable qu’un ministre de l’économie puisse méconnaître à ce point le champ d’expertise de son ministère, et faire fie de la réalité d’un revers de main, sans autre forme de justification.

    Dans quel triste état est la France ? Son élite ne cherche même plus à se justifier. La fin est proche.

    • Ministre de l’agriculture, BLM ne sait pas combien de mètres carrés il y a dans un hectare.

      • C’est du niveau de l’école primaire ! Et en plus il a répondu : « Je n’ai jamais été doué en maths ».

        Que tous les cancres se rassurent : ils peuvent devenir ministre des finances de la France. Enfin s’il reste encore des finances dans ce pays quand ils quitteront l’école.

  • C’est malheureusement vrai, et le dernier paragraphe est joliment dit.
    Une harmonisation fiscale européenne et des accords internationaux (et une lutte contre les paradis fiscaux) permettraient une réponse plus efficace à ces problèmes.

  • « les consommateurs finals » — l’auteur.
    « On préférera utiliser « finals » quand l’adjectif qualifie des personnes, cela afin d’éviter l’homophonie avec « finauds » » — l’Académie.
    Triste état de fait…

  • Gafa, c’est additionner des navets et des carottes : leur business model diffère singulièrement, pour Google, c’est l’annonceur qui payera en achetant des mots clés, mais le niveau des ventes peut diminuer si Google répercute tout, au final, la prestation peut connaitre une moindre amélioration si Google ne veut pas réduire son niveau de profit (plus de 20 %).
    Mais si on prend Amazon, le niveau de profit est trop faible, la répercussion sur les vendeurs-producteurs sera rapide, ces derniers pourraient alors finir par relever légèrement leurs prix…et donc l’internaute sera le payeur.

  • Encore une fois en France, au lieu de se dire « mais pourquoi n’arrive t’on pas à faire émerger un groupe ayant l’envergure d’un GAFA (ou une licorne, c’est à la mode) », on préfère mettre une nouvelle taxe sur ceux qui réussissent et ne pas ouvrir les yeux sur ces taxes, sur ces règlementations, cette rigidité qui fait que tout est verrouillé…
    Encore une fois c’est du vent sur la queue que nous pond ce gouvernement.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le Parlement examinera le budget de l’Etat jusqu’à Noël. Comme chaque année, à défaut de faire l’inventaire des impôts français et de débattre de leur opportunité, il ajoute, supprime ou modifie de nouvelles niches fiscales, exonérations ou encore exceptions à l’exonération. Ces débats techniques occupent toutes les pensées des parlementaires durant trois mois pendant lesquels il n’est jamais question de débattre de l’essentiel : les conditions du consentement à l’impôt sont-elles réunies ?

 

La France, championne de la pressi... Poursuivre la lecture

Plutôt que de réagir mécaniquement à la mise en œuvre de l’article 49.3 par le gouvernement en déposant une motion de censure qui n’aurait aucune chance d’aboutir dans la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, Les Républicains a présenté un contre-budget conforme à ce qu’il pense être bon pour redresser les finances publiques de notre pays où pas un budget n’a été voté en équilibre depuis 1975 (sur ce sujet, voir l'entretien réalisé par Contrepoints de la députée LR Valérie Louwagie).

Sur ce point, le diagnostic est connu de ... Poursuivre la lecture

Avant d’être une série de films d’horreur à succès des années 1980, le vendredi 13 était déjà un de ces jours qui ne laissaient pas indifférent. Même les plus rationnels ont une petite pensée lorsque le treizième jour du mois rencontre le cinquième de la semaine. Pour cause : ce jour fait référence à celui de la crucifixion du Christ après la trahison du treizième invité de la Cène, un certain Judas.

C’est pourtant ce jour-là que les syndicats français ont décidé de se mobilier, le 13 octobre, d’après un communiqué de presse intersyndi... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles