À l’heure de Netflix, les jeunes adultes conquis mais frustrés

Le passage au numérique n’est pas toujours ressenti de façon positive par les jeunes adultes.

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À l’heure de Netflix, les jeunes adultes conquis mais frustrés

Publié le 4 avril 2019
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Par Stephanie Feiereisen, Dina Rasolofoarison, Julien Schmitt et Kristine De Valck.
Un article de The Conversation

Les pratiques de consommation de séries télévisées ont fortement évolué ces dernières années chez les jeunes adultes. Dans les années 90, les jeunes adultes dédiaient la totalité de leur temps passé à regarder la télévision aux programmes diffusés en direct par les chaînes de télévision traditionnelles.

De nos jours, ils regardent souvent leurs séries sur des plates-formes numériques telles que Netflix ou Amazon Prime Video. Aux États-Unis, 6 jeunes sur 10 regardent principalement leurs émissions télévisées sur ce type de plates-formes numériques. Celles-ci permettent aux consommateurs de regarder les séries télévisées qu’ils souhaitent, quand ils le souhaitent. Certains auteurs prédisent même que les jours des chaînes de télévision traditionnelles sont comptés.

Les plates-formes numériques créent un changement majeur dans les habitudes de visionnage. Dans notre article paru dans le Journal of Business Research, nous avons tenté de répondre à la problématique suivante : comment les jeunes adultes ressentent-ils le passage à la télévision numérique et comment ce ressenti affecte-t-il leurs pratiques de consommation des séries télévisées ?

Deux changements majeurs

Pour mieux comprendre cette évolution, nous avons réalisé 21 entretiens qualitatifs avec de jeunes adultes qui regardent régulièrement des séries télévisées en ligne. Notre étude montre deux changements majeurs. Premièrement, certains jeunes adultes ressentent de façon négative la perte du rôle structurant de la télévision avec le passage au numérique et des pratiques telles que le binge-watching (regarder trois épisodes ou plus d’une série télévisée d’affilée). Ceci signifie qu’ils regrettent la perte de leur « rendez-vous télé ».

Certains expliquent aussi que, pour eux, le binge-watching est une compulsion, une addiction qu’ils se sentent incapables de contrôler. Ces jeunes adultes peuvent même ressentir des émotions négatives telles que de la culpabilité après avoir passé plusieurs heures à visionner une série télévisée. Deuxièmement, certains d’entre eux déplorent également la perte de relations sociales, car la consommation de séries de façon non linéaire (c’est-à-dire à la demande) rend le visionnage à deux plus difficile. De plus, ces consommateurs éprouvent parfois des difficultés à discuter de leurs séries avec leurs amis car ils suivent souvent des séries différentes, ou n’en sont pas au même épisode de la série.

Restaurer le rôle structurant de la télévision

Ces changements ont des conséquences sur les pratiques de consommation des jeunes adultes. Notre article montre que certains peuvent faire évoluer leurs pratiques afin de restaurer le rôle structurant de la télévision.

Certaines personnes choisissent d’espacer leur consommation de séries télévisées, allant même jusqu’à quitter les plates-formes numériques pour retourner à un visionnage linéaire à la télévision, ce qui leur permet de retrouver leur « rendez-vous télé ».

D’autres associent leur visionnage numérique à de nouveaux rituels. Par exemple, ils déclarent regarder un certain type de séries en cuisinant, en mangeant ou en repassant.

Enfin, certains jeunes adultes organisent régulièrement des soirées avec des amis durant lesquelles ils regardent plusieurs épisodes de séries. Ces soirées rythment leurs vies et participent donc à structurer leur vie quotidienne.

Recréer des liens sociaux autour des séries télévisées

Notre travail montre aussi que ces consommateurs modifient leurs pratiques afin de recréer des liens sociaux autour de leurs séries.

Afin de créer des liens sociaux avec d’autres fans, certains jeunes adultes quittent les plates-formes numériques comme Netflix et préfèrent visionner leurs séries de façon linéaire à la télévision, pour pouvoir faire des commentaires en direct sur Twitter. Ceci leur permet à la fois de profiter du contenu de la série et de participer aux discussions avec d’autres fans qui regardent la série en même temps.

Certains jeunes adultes continuent de consommer des séries de façon non linéaire. Ils renforcent leurs liens sociaux avec certains de leurs amis proches en échangeant leurs impressions sur la série pendant ou après l’épisode. Ces échanges se font souvent de façon virtuelle, par exemple au moyen d’appels ou de SMS.

Notre article montre que le passage au numérique n’est pas toujours ressenti de façon positive par les jeunes adultes. Ceci est plutôt surprenant, car le numérique offre de nombreux avantages ; par exemple il permet aux consommateurs de regarder leurs séries quand ils le souhaitent. Cependant, certains jeunes adultes préfèrent effectuer un retour au mode de visionnage linéaire et retrouver leur « rendez-vous télé » afin de structurer leur quotidien et de recréer des liens sociaux.

Faciliter les discussions, éviter les spoilers

D’un point de vue managérial, les entreprises comme Netflix ou Amazon devraient trouver des moyens de faciliter les discussions par l’intermédiaire de leur plate-forme numérique entre les jeunes adultes et leurs connaissances qui regardent l’épisode en même temps mais sont séparés géographiquement.

Ce type d’innovation technologique faciliterait le développement de liens sociaux autour de la série. De plus, certains jeunes adultes nous ont expliqué qu’ils sont dans l’obligation d’éviter les réseaux sociaux afin d’échapper aux spoilers, c’est-à-dire d’éviter de lire des commentaires d’internautes qui dévoilent tout ou une partie de l’intrigue de la série.

Les entreprises telles que Netflix pourraient créer des plates-formes spécifiques qui donneraient uniquement accès aux discussions liées aux épisodes que les utilisateurs ont déjà vus. Cela permettrait aux jeunes adultes de créer des liens sociaux avec d’autres fans tout en évitant le risque de spoilers.

Stephanie Feiereisen, Associate Professor of Marketing, Montpellier Business School – UGEI; Dina Rasolofoarison, Maitresse de Conférences en Marketing et Communication, Université Paris Dauphine – PSL; Julien Schmitt, Professeur de Marketing, ESCP Europe et Kristine De Valck, Professeur Associé Marketing, HEC Paris Business School – Université Paris-Saclay

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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  • Netflix et les autres vont tuer la télé..
    (comme amazon tue les petit commerce) pour une raison toute simple , çà va assécher les recettes publicitaires..car le produit est meilleur et mieux adapté a nos modes de consommation
    Il n’y a pas que les jeunes pour regarder la VOD netflix et/ou amazon prime..
    le modèle français de la television est mort; il survit grâce a la taxe.. et la taxe va disparaître..
    a force de faire de la daube la télé d’etat est morte

    • Meme si la tele est de qualité , elle est morte ,cela ne correpond plus a notre style vie ou le temps est compté a la minute , metro boulot tele mais tout le monde n’est pas devant son poste a la meme heure sauf les fonctionnaires.

      • Mais il y a aussi des fonctionnaires qui se lèvent tôt, et ne peuvent pas regarder des programmes qui commencent à 21h00 vois 21h15.

        Si non, en ce qui concerne l’article, je crois que tout a été dit. La télé est une daube, et il faut avoir une mentalité particulière pour se plaindre de la liberté que nous offre ces plateformes de l’Internet.

    • Que la TV disparaisse, c’est possible. Par contre pour la taxe, j’ai quand même un doute.

      • La taxe doit forcément disparaître car le nombre de spectateur baisse. Et il y en a qui osent décocher la petite case de leur déclaration.

        Comme on n’a jamais vu une administration réduire ses coûts, il faut une foi de plus taxer l’ensemble des contribuables en finançant la TV sur le budget global du Léviathan.

  • Je vois que l’auteur ne connait pas vraiment le sujet et qu’il fait marcher son imagination.
    Entre les series les reseaux sociaux le cinema les beuvreries le sport ,on peut enfin avoir le choix,et le choix est de la liberte en plus…et pour causer de ses series il y a le monde entier !

  • Pour inforlation, certaines séries Netflix ont fait le choix de diffuser un épisode par semaine.

  • La radio existe toujours malgré l’invention du gramophone. Et pour repasser sans se brûler ça peut être mieux que netflix.

    Sinon, depuis que l’on est passé à la Television NUMERIQUE Terrestre intégrale, mon poste ANALOGIIQUE à lampes marche beaucoup moins bien.

    Enfin, quand on divise le « temps de cerveau disponible » entre une multitude de sangsues, il n’en reste plus assez pour financer les moins performants. Et quand ces derniers glissent une page de programme de 5 minutes entre 2 tunnels de pub de 20 minutes … ils perdent encore plus de clients.

  • Ce qui me frappe chez Netflix est la médiocrité de la programmation.
    Quantitativement c’est pléthorique de navets à trois balles
    J’admets qu’il s’agisse d’un grand succès commercial de masses

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