Algérie : la prudence reste de mise

El Watan a raison de titrer « La dernière ruse de Bouteflika ». Dans une démocratie normale, ce sont d’autres candidats qui se seraient présentés et les élections auraient eu lieu.

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Abdelaziz Bouteflika painted portrait _DDC3057 By: thierry ehrmann - CC BY 2.0

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Algérie : la prudence reste de mise

Publié le 13 mars 2019
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Par Jean-Baptiste Noé.

Les réactions en France à l’annonce du président Bouteflika sur sa renonciation à un cinquième mandat montrent que beaucoup n’ont pas compris ce qui se passait dans le monde arabe. Cela semble rejouer les printemps arabes de 2011, qui ont connu les succès que l’on sait. Comme si l’instauration de la démocratie était la baguette magique qui allait résoudre tous les problèmes.

En Algérie, la prudence reste de mise. Le clan Bouteflika a annoncé que celui-ci renonçait à se présenter, dans une formule audacieuse et menteuse : « Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi […] » alors même qu’il avait annoncé sa nouvelle candidature. Il ne se représente pas, mais les élections sont annulées et reportées sine die.

Ce qui signifie que son mandat va se prolonger au-delà du 28 avril 2019, probablement jusqu’au début de l’année 2020, le temps que se réunisse la « Conférence nationale inclusive et indépendante » et qu’elle propose des modifications à la constitution. El Watan a raison de titrer « La dernière ruse de Bouteflika ». Dans une démocratie normale, ce sont d’autres candidats qui se seraient présentés et les élections auraient eu lieu.

Le FLN tient un pays exsangue

Tout reste donc encore en suspens en Algérie. Le Premier ministre a été changé et le clan Bouteflika espère avoir trouvé quelques mois de sursis pour négocier la passation de pouvoir. Nul ne sait ce qu’il va advenir de cette nouvelle constitution.

Il faut lire la lettre attribuée à Bouteflika, et notamment la rhétorique employée, pour comprendre l’idéologie politique du régime. À deux reprises il mentionne « les glorieux martyrs » qui sont les combattants FNL de la guerre de libération. Bouteflika s’inscrit pleinement dans cette histoire et dans cette filiation. On pourra trouver que c’est loin (1962), mais en France on se réfère sans cesse au « modèle social » établi en 1946, année que de moins en moins de Français ont connu.

La crise algérienne concerne directement la France. De très nombreux Algériens, ayant la citoyenneté française, ont manifesté dans les grandes villes et à Paris place de la République. Des cris de joie ont éclaté en France, ce qui montre qu’une partie de la population a le cœur davantage à Alger qu’à Paris. Et si cette jeunesse dont l’avenir en France est bouché saisissait cette occasion pour retourner en Algérie et développer le pays ? Et si la Conférence nationale était réellement « inclusive » et cherchait à inclure ces jeunes Algériens dans leur pays pour qu’ils bâtissent un nouveau chapitre de leur histoire ?

Un pays ruiné

Il est à craindre que ce soit l’exact inverse qui se produise. L’Algérie est un pays ruiné. Les réserves de pétrole et de gaz sont déclinantes et la dette ne cesse de croître. Les infrastructures sont usées. Sur de nombreux chantiers, ce sont les Chinois qui travaillent et les Algériens qui sont au chômage. La démographie incontrôlée ruine toute croissance. La zone sud du Sahara échappe de plus en plus à Alger pour devenir le repère des djihadistes, obligeant l’armée française à y intervenir.

Est-ce que Paris a pris conscience du problème et a réfléchi à des plans de solutions ? À moins de rompre avec la rhétorique victimaire et larmoyante à l’égard de ce pays, il est à craindre la France subisse les événements plus qu’elle ne les résolve.

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  • Moi ce qui m’amuse dans cette séquence , c’est la naïveté des commentateurs..
    la clique au pouvoir annule les élections, reste au pouvoir , et les commentateurs de se féliciter de la victoire du peuple.
    faut il etre con quand meme, pour ne pas deviner que tout ce qu’a
    obtenu  » le peuple » c’est l’annulation de la democratie par une clique digne de l’URSS?
    Le prochain step sera la violence , on ne contraint pas les pouvoirs forts avec des slogans , fussent ils criés dans les rues..
    les révolutions de velours servent exclusivement a renforcer les dits pouvoirs.. la revolution se fera dans le sang ou ne se fera pas

    • ne parlez pas de malheur , chaque fois qu’il y a des problèmes dans ces pays là , c’est nous qui payons , au sens propre comme au sens figuré ;

  • Le président momifié annonce l’annulation des élections et leurs report sans date précise.
    On nous raconte que c’est une victoire de la démocratie.
    Dans ces conditions, un coup d’état, c’est quoi ?

  • Bouteflika est en train de les « rouler dans la farine ». Sans Opposition que peuvent faire les Algériens.? Pas grand chose.! Par contre nous les Français financièrement grâce à Macron ça va nous couter cher.

  • Bouteflika mourra au pouvoir.

  • Les deux derniers paragraphes sont d’une cruelle vérité. Ce pays est un pays en attente, en attente d’un visa pour la France.
    L’une des grandes raisons de la situation économique est la mainmise totale du clan FLN sur l’économie du pays. Entre corruption, népotisme, clan qui considère la rente pétrolière comme une sinécure, et blocages en tout genre, le pays ne peut aller que dans le mur.
    Un discours courageux de Paris serait de mettre les dirigeants algériens en face de leurs responsabilités, au lieu de les laisser accuser la France la méchante colonisatrice qui a développé le pays pendant plus de 2 siècles et qui a offert le pétrolifère Sahara à un pays qui n’en demandait pas tant.
    Mais ça demanderait de la part du leader politique français en question, une bonne dose de courage pour dire les 4 vérités et ensuite, rester ferme sur l’attitude à tenir. Et je ne vois pas en notre président actuel, la moindre de ces qualités !

    • c’était bien la peine de faire une revolution pour finalement rêver de vivre en france… franchement il y en a qui n’ont vraiment aucune dignité.
      je ne comprends pas çà

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