« Le calcul économique en régime socialiste », de Ludwig von Mises

« En reconnaissant que l’économie rationnelle est impossible en régime socialiste, on ne fournit par là aucun argument pour ou contre le socialisme. Mais celui qui espère que le socialisme établira une économie rationnelle, celui-là devra réviser ses conceptions. »

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Ludwig von Mises (Crédits : LVMI, licence Creative Commons)

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« Le calcul économique en régime socialiste », de Ludwig von Mises

Publié le 17 février 2019
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Par Francis Richard.

Quels sont les problèmes que pose l’économie socialiste ?

La répartition des biens

Il faut d’abord rappeler que « dans la communauté socialiste, tous les moyens de production appartiennent à la collectivité ».

Comme la collectivité est propriétaire des biens de production, seuls les biens de consommation peuvent être répartis. Mais suivant quelle clé ? Chacun selon ses besoins ? En fonction de sa dignité ? De manière égalitaire ?

Seuls les biens de consommation peuvent y être échangés :

« Les biens de production n’étant pas échangés, on ne peut connaître leur prix, leur valeur monétaire. On ne peut conserver dans la communauté socialiste le rôle que la monnaie joue dans l’économie « libérale » pour le calcul de la production. Le calcul de la valeur en termes de monnaie devient impossible. »

Il en résulte qu’il est impossible à la direction économique de tenir compte des échanges pour déterminer sa politique de production, a fortiori si elle laisse libre chacun de décider des termes de ses échanges avec autrui…

La théorie de la valeur travail permet-elle de répartir les biens ? En appliquant cette théorie, « pour chaque heure effectuée, on aurait le droit de s’attribuer des biens dont la production aurait coûté une heure de travail ». Seulement, « le travail n’est pas une grandeur homogène et toujours uniforme »… De plus, « parmi les biens économiques, entrent, non seulement le travail, mais des frais matériels… »

L’impossibilité du calcul économique

« Le calcul en termes de monnaie n’a de sens que pour l’activité économique. On s’en sert pour adapter l’emploi des biens économiques aux règles de l’efficacité économique. Les biens économiques n’entrent dans ce calcul que dans la mesure où ils sont échangés contre de la monnaie. »

Dans une économie d’échange, deux conditions sont donc nécessaires pour que le calcul de valeur soit possible en termes de monnaie :

« il faut tout d’abord que ressortissent au domaine de l’échange, non seulement les biens de premier rang, mais aussi les biens de rang supérieur, dans la mesure où le calcul doit les embrasser (l’esprit d’un homme – fût-il génial – est trop faible pour saisir l’importance de chacun des innombrables biens de rang supérieur. […] Dans l’économie sociale, fondée sur la division du travail, la répartition entre un grand nombre d’hommes du pouvoir de disposer des biens économiques réalise une sorte de division du travail intellectuel sans laquelle le calcul économique et la vie économique ne seraient pas possibles.) »

Il faut employer

« un instrument d’échange universellement reçu, une monnaie, qui joue également son rôle d’intermédiaire dans l’échange des biens de production (dans l’économie sans échange, le calcul en nature ne peut jamais s’étendre qu’aux biens finis ; il échoue complètement en ce qui concerne les biens de rang supérieur.) »

Dans une économie sans échange, du fait que « le mode de formation libre du prix en termes de monnaie pour les biens de rang supérieur » est abandonné, toute production rationnelle décidée par une direction économique est impossible :

« Tout pas qui nous écarte de la propriété privée des moyens de production et de l’usage de la monnaie nous éloigne également de l’économie rationnelle. »

Dans une économie d’échange, fondée sur la propriété privée des moyens de production, « ce sont tous les membres de la société qui font en toute indépendance ce calcul en termes de valeur » :

« Chacun y participe de deux façons, comme consommateur, et comme producteur. En tant que consommateur, il détermine la hiérarchie des biens d’usage et de consommation ; en tant que producteur, il emploie les biens de rang supérieur là où ils semblent devoir donner le plus haut rendement. Par là, tous les biens de rang supérieur obtiennent, eux aussi, dans la hiérarchie des biens, le rang qui leur revient dans l’état actuel des données de la production et des besoins sociaux. Grâce à la combinaison de ces deux processus d’évaluation, le principe de l’efficacité économique règne partout, dans la production comme dans la consommation. Il se constitue un système de prix exactement gradué, qui permet à chacun de mettre à tout moment ses propres besoins en harmonie avec le calcul de l’efficacité économique. »

Dans la collectivité socialiste, tout cela fait nécessairement défaut :

« La direction économique peut savoir exactement quels sont les biens les plus urgents dont elle a besoin. Mais elle ne possède là qu’une partie de ce qui est nécessaire au calcul économique. L’autre partie, l’évaluation des moyens de production, lui manque nécessairement. »

L’absence de responsabilité et d’initiative

Les entreprises privées peuvent être distinguées en deux groupes :

Celles (en général les plus petites) où la direction effective est « entre les mains des actionnaires eux-mêmes ou au moins une partie d’entre eux : ils conduisent les affaires dans leur propre intérêt. »

Celles (les plus grandes) où la direction effective est entre les mains de gros actionnaires (majoritaires ou non) ou de dirigeants : « Ils la dirigent dans leur propre intérêt, qu’il coïncide ou non avec celui des actionnaires. »

Les entreprises étatisées ne sont prospères que si elles sont organisées comme des entreprises privées ou poussées par leurs fournisseurs privés : « Avec la disparition des intérêts privés, disparaît aussi tout stimulant. »

Sinon, « les entreprises publiques ne sont favorables ni aux transformations, ni aux améliorations de la production ; elles ne peuvent s’adapter aux modifications de la demande ; en un mot, ce sont dans l’organisme économique des membres morts. »

Et leurs dirigeants, même s’ils viennent du privé, ne sont pas enclins à prendre des initiatives, en raison de la nature de ces entreprises où ils sont chapeautés par des comités et ne possèdent aucun capital : ils n’engagent en réalité que leur responsabilité morale.

Les événements récents en Russie, en Hongrie, en Allemagne et en Autriche – Ludwig von Mises écrit ce texte en 1920 – lui confirment cette impossibilité du Calcul économique en régime socialiste.

« En reconnaissant que l’économie rationnelle est impossible en régime socialiste, on ne fournit par là aucun argument pour ou contre le socialisme. (…) Mais celui qui espère que le socialisme établira une économie rationnelle, celui-là devra réviser ses conceptions. »

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  • « Les entreprises étatisées ne sont prospères que si elles sont organisées comme des entreprises privées ou poussées par leurs fournisseurs privés. Avec la disparition des intérêts privés, disparaît aussi tout stimulant. »
    C’est pourquoi tout ce que fait l’état coûte le double…

  • Très intéressant, mais hélas trop technique pour un profane.

    L’idée selon laquelle on ne fait qu’échanger des produits, et que la monnaie ne sert qu’à stocker momentanément la richesse nécessite un degré d’abstraction que ne permet pas d’avoir éducation nationale.

    • Même pour un profane en économie, montrer que le « dogme socialiste » aboutit à des contradictions est intéressant. Par exemple le fait que l’on ne sait plus évaluer la valeur d’un bien de production explique qu’il est impossible de prendre des décisions rationnelles dans une économie planifiée.

      • Tout à fait. Reste à pouvoir déterminer ce que signifie « prendre des décisions rationnelles » et comprendre l’impact qu’a le fait d’être incapable d’établir ces choix.

        • Il y a toujours un économiste pour théoriser la façon dont l’état devrait agir. Montrer que leur « science » repose sur du sable quand on se réfère à des dogmes ne peut être que salutaire.

          Je suis toujours effaré quand on nous présente des théories bancales basées sur d’autres théories bancales sans qu’aucune preuve de validité ne conforte les résultats à aucun niveau.

          Ils n’ont jamais construit de château de cartes quand ils étaient jeunes ?

  • le socialisme peut existouiller par continuité..puis en reluquant ce qui se fait chez les capitalistes.. sinon..

  • Les commentaires sont fermés.

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Michel Desmurget est l’auteur notamment de La Fabrique du crétin digital, ouvrage sorti en 2019. Docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’Inserm, il s’appuie sur ses travaux, ainsi que sur de très nombreuses études approfondies qui ont été menées à travers le monde, pour mesurer l’impact de la lecture sur l’intelligence dès le plus jeune âge, et d’autres qualités humaines essentielles qu’elle permet de développer.

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François Kersaudy est un auteur, historien reconnu, spécialiste de la Deuxième Guerre mondiale et de l’histoire diplomatique. Auteur de De Gaulle et Churchill (Perrin, 2002), De Gaulle et Roosevelt (Perrin, 2004), il a aussi écrit une biographie de Churchill pour Tallandier, et une autre consacrée à Lord Mountbatten pour Payot. Il est aussi l’auteur d’ouvrages consacrés à l’Allemagne nazie.

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