Le déclin des heures travaillées dans les pays développés

Pour diminuer les heures de travail, il faut d’abord créer de la richesse en augmentant la productivité.

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Le déclin des heures travaillées dans les pays développés

Publié le 7 février 2019
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Par le Minarchiste.

Dans un article publié il y a quelques années, j’expliquais que le capitalisme n’implique pas la croissance à tout prix du PIB et que l’enrichissement des populations n’implique pas nécessairement une hausse de la consommation. L’enrichissement peut aussi se manifester par une diminution des heures travaillées au profit de celles consacrées aux loisirs.

C’est en fait ce que nous observons. Le nombre d’heures travaillées par travailleur a diminué constamment au cours des dernières décennies au sein des pays développés. L’enrichissement a été la principale cause. Ce graphique montre une moyenne pondérée par la population pour un groupe de pays de l’OCDE.

Cette richesse provient évidemment de la hausse de la productivité par travailleur, grâce aux améliorations technologiques, la formation, l’éducation et l’accumulation du capital productif dans l’économie. D’ailleurs, si on mesure la productivité par le PIB par heure travaillée, on constate que plus les travailleurs d’un pays donné sont productifs, moins ils travaillent d’heures.

J’ai construit le graphique suivant à l’aide des données de l’OCDE, comparant heures travaillées et PIB per capita (c’est une moyenne pondérée par la population de chaque pays de l’échantillon). J’ai normalisé les deux séries en base 100 à partir de l’année 1983 (pour les données commençant en 1983, mon échantillon comporte 15 pays ayant les données disponibles, alors que pour la portion débutant en 1995, mon échantillon a 27 pays).

On constate tout d’abord que le PIB par habitant a fortement augmenté durant cette période, ce qui a permis aux travailleurs d’obtenir des revenus plus élevés. On constate aussi qu’une portion de ces gains de richesse a été utilisée pour réduire le nombre d’heures travaillées. Autrement dit, la hausse de la productivité a littéralement financé l’augmentation des heures consacrées aux loisirs.

Le PIB par habitant

L’une des implications est que l’on doit reconsidérer les classements des pays par PIB per capita en tant que mesure de richesse, car si un travailleur obtient davantage d’heures de loisir, cela diminue son PIB, mais il n’est pas moins riche au sens large du terme.

Dans cet ordre d’idées, l’Australie est moins riche que ne le suggère son PIB per capita, car ses travailleurs font davantage d’heures. À l’inverse, le Danemark, la France et l’Allemagne sont plus riches que ce qu’on pourrait croire en regardant le PIB per capita car leurs travailleurs ont davantage d’heures de loisir.

Les pays qui ont le plus diminué leurs heures travaillées depuis 1995 sont le Chili, l’Allemagne, la Suisse, la Slovaquie et l’Italie. À l’inverse, le Mexique, le Portugal, la Suède et le Royaume-Uni les ont le moins diminué.

Autres facteurs qui influencent les heures travaillées

Les chercheurs Linda Bell (Barnard College) et Richard Freeman (Harvard) ont établi un lien entre le nombre d’heures travaillées et les inégalités de richesse au sein d’un pays : plus les inégalités sont élevées, plus les gens vont travailler pour tenter de combler l’écart avec les plus riches. L’appât du gain et la recherche d’un statut relatif plus élevé motivent à travailler davantage.

Par ailleurs, les études montrent que les syndicats réussissent à faire diminuer le nombre d’heures travaillées, mais au détriment du salaire. Cette observation est logique car si cette diminution du nombre d’heures se faisait au détriment du rendement sur le capital, ledit capital irait voir ailleurs, là où les salaires et la productivité par travailleur sont mieux alignés.

Le vieillissement de la population pourrait aussi influencer les heures travaillées car les travailleurs en fin de carrière pourraient décider de ralentir durant leurs dernières années d’activité professionnelle. De leur côté, les femmes représentent une plus grande part de la main d’œuvre et travaillent moins d’heures en moyenne, souvent en raison d’obligations familiales. Ces deux facteurs démographiques ne sont certes pas indésirables, au contraire, mais ils ont tout de même pu être financés par la hausse générale de la productivité permettant de maintenir les rendements sur le capital et l’investissement dans l’économie.

Conclusion

En somme, pour diminuer les heures de travail, il faut d’abord créer de la richesse en augmentant la productivité. D’une manière ou d’une autre, cela se traduit par de l’investissement en innovation, en machines et en formation. La richesse n’est pas qu’une question de consommation, car le temps c’est de l’argent !

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  • Il serait intéressant d’ajouter la question des heures « dépensées obligatoirement » en trajets, courses, prise en charge des enfants, formalités médicales ou administratives, etc. qui rendent un peu trop manichéenne l’affirmation qu’une heure travaillée en moins serait une heure de loisir en plus. Mon impression, à vérifier, est que ces dernières années, l’essentiel de la baisse des heures travaillées a été consacré à ces dépenses obligatoires dans l’allongement des temps de trajet, les contraintes sociales qui obligent à conduire les enfants ici ou là, et pas du tout à une augmentation de la durée dont chacun est libre de disposer à sa guise. L’augmentation des loisirs, c’était, disons, avant les années 80…

    • Ce temps là c’est aussi de l’argent. Si le temps de trajet moyen augmente, c’est que les gens préfèrent payer moins (en loyer, en achat d’immobilier) contre du temps. Cependant, au vu des prix très élevés à Paris, on peux penser que beaucoup de gens souhaitent diminuer ce temps est que l’offre ne suit pas. Sachant que Paris n’est pas Hong Kong, j’en déduis que c’est la régulation de l’immobilier qui est la source de cette perte de temps.

    • un peu comme la hausse des dépenses contraintes qui rogne les augmentations de rémunération.
      La hausse des contraintes administratives rogne de façon sûre la liberté (temps et argent disponibles) et est une des racines des gilets jaunes.

  • Et oui, c’est ainsi que la France a lancé les 35 heures hebdo, en partant du constat que la tendance était à la réduction du temps de travail avec la croissance. Sauf que, comme d’hab’, le raisonnement a été fait à l’envers: on commence par réduire le temps de travail et le reste suivra, alors que c’est l’inverse comme l’indique l’article.
    bref, nous avons mis la charrue avant les boeufs: ça fonctionne en général, assez mal;)

  • « La productivité, c’est bien !  » nous dit l’auteur…
    Productivité mène à moins d’heures travaillés et donc plus de loisirs.

    Moi, j’aimerais bien croire que le stade poussé de la productivité (robots à tous les postes) aboutira à une civilisation de loisirs pour tous. J’ai un doute.

    • On peut aussi imaginer que les aides à la productivité conduisent chacun et chacune à s’épanouir dans sa profession. Les loisirs, ça va un moment, mais les facultés s’usent quand on ne s’en sert pas, et un monde de légumes n’est pas un idéal très attirant.

    • le fait est que l’augmentation de la productivité a conduit à une civilisation à la prospérité jamais vue.. pour autant il y a toujours eu des gens pour s’opposer par exemple à la mécanisation à la robotisation à l’informatisation..
      maintenant prenons la question dans le bon sens..
      qui je suis pour m’opposer à ce qu’un type possédant une entreprise augmente la productivité?

      si il y a des conséquences sociales déplorable on peut alors y songer, mais le fait est que savoir produire autant avec moins de ressource est un progrès.

      donc de toutes façons c’est un débat qui n’a pas lieu être posé de cette façon à mon opinion ..

      et pour les conséquence d’encore plus de productivité on peut regarder les courbes et les extrapoler… mais par quelle bizarrerie ce qui a été bénéfique par le passé deviendrait néfaste?

      il faut je crois introduire un autre paramètre comme une limite.. pour que la logique progressite historiquement observée se brise.

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