L’ISF ou la fiscalité de la haine

Le retour intempestif et dissuasif d’un nouvel ISF général ne saurait être la bonne réponse aux problèmes de fond d’un pays battu par les vents mauvais de l’envie.

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L’ISF ou la fiscalité de la haine

Publié le 1 février 2019
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Par Thierry Benne.
Un article de l’Iref-Europe

On sait, parce que la nouvelle a fait grand bruit, que la France détient le record 2017 de l’Union européenne pour le taux de prélèvements obligatoires avec 48,4 % du PIB, l’OCDE ramenant ce chiffre à 46,4 % en raison de méthodes de calcul légèrement différentes, mais qui ne retirent pas sa médaille d’or à la France. En revanche, ce qu’on ne savait pas, c’est le taux spécifique de taxation du capital en France. On vient de l’apprendre grâce à Eurostat : pas vraiment de surprise.

Là encore nous gardons notre couronne avec, toujours pour 2017, un taux de prélèvement par rapport au PIB de 11,36 %, devant le Danemark à 10,54 %, quand l’Allemagne se satisfait, elle, d’un taux infiniment plus modeste de 4,42 %. Si l’on considère les seuls revenus du capital, leur détenteur s’en voit amputer de 52,8 %, la France larguant le Danemark à plus 15 longueurs !

De même, l’État français ne desserre pas son étreinte sur les donations-transmissions, qui supportent une charge qui représente le double de ce que pratiquent nos poursuivants les plus proches. Ce n’est bien sûr pas avec de tels handicaps que l’on va assurer la mobilité dont on ne cesse de nous chauffer les oreilles.

La France en tête de la course fiscale

Tout cela pour dire qu’à l’heure qu’il est, en matière de taxation du capital, avec ou sans ISF, la France fait largement la course en tête et elle n’a rien d’un paradis fiscal. Au contraire, la boulimie des gouvernements successifs explique sans doute nombre d’expatriations fiscales, sur lesquelles de tout temps Bercy a préféré tirer promptement le manteau de Noé.

Alors, quand on voit la France insoumise essayer de rallier à sa cause les derniers reliefs du Parti socialiste pour rameuter les Gilets jaunes en les incitant à revendiquer le rétablissement de l’ISF sous sa forme antérieure, on songe inévitablement à Kipling lorsqu’ il dénonce ces « paroles travesties par des gueux pour exciter les sots ».

On se dit aussi qu’on a en France toute une nuée de gens pour lesquels la réalité des chiffres ne compte pas et qui asservissent étroitement la fiscalité pour combler leurs frustrations et alimenter leur inextinguible jalousie, issues de cette culture marxiste dans laquelle baigne encore une trop grande partie de nos forces de gauche, dont l’économie n’est pas le savoir majeur.

Ainsi ceux qui guignent les quelque 3 ou 4 milliards d’euros supplémentaires espérés d’un rétablissement de l’ISF, se gardent bien d’évoquer les milliards d’euros déjà partis, encore moins les chefs d’entreprise qui, après être revenus (une infime minorité), ou avoir patiemment attendu, quitteront définitivement le pays. Sans compter, car ils sont hors des radars, les jeunes entrepreneurs qui délocalisent par précaution bien avant d’avoir approché les seuils fatidiques ou plus simplement encore créent directement leurs affaires à l’étranger.

Aggravation de l’exil fiscal

Le nombre annuel des départs d’exilés fiscaux ISF varierait de 500 à 1 000 pour les patrimoines fiscaux (les patrimoines effectifs sont très supérieurs !), dont la moyenne double ou triple le patrimoine fiscal moyen des contribuables assujettis à l’ISF (chiffres très parcellaires de Bercy cités dans l’étude Coe Rexécode sur les expatriations fiscales de juillet 2017), avec en outre une tendance très nette à l’aggravation sur les années les plus récentes.

Bercy avoue une délocalisation cumulée de plus de 70 milliards à 2015 sur les seuls patrimoines déclarés, ce qui — vu les enjeux politiques et la fraude ambiante — correspond sans doute à un chiffre très inférieur à la réalité des choses. Le fait aussi que, dans la quasi-totalité des pays où règne le bon sens, l’impôt sur la fortune a été systématiquement supprimé partout où il avait été établi, devrait normalement inciter à la réflexion.

Enfin, si depuis les lustres qu’il a sévi, l’ISF ancienne formule avait été vraiment le remède à tous nos maux, il ne resterait évidemment plus un seul de ces maux, le président Hollande se serait représenté, il aurait été confortablement réélu et les Gilets jaunes seraient bien tranquillement restés chez eux…

Or tel n’est pas vraiment le cas, mais qu’importe, nous avons désormais, en France, toute une frange de la population dont la satisfaction ne se mesure pas aux exonérations qu’elle a patiemment accumulées (grâce à une démagogie persévérante, 57 % des Français ne payent désormais plus l’impôt sur le revenu !), mais aux suppléments d’impôts et aux surimpositions qu’elle souhaite faire peser sur les autres.

Sortir de la rancœur et de la frustration

Naturellement peu lui chaut l’intérêt supérieur du pays, obsédée qu’elle est à poursuivre ses chimères et ses lubies, à exsuder sans fin son fiel fiscal, en transformant une fiscalité qui était déjà très largement redistributive en une fiscalité sauvagement punitive (cf. la taxation à 75 % des plus hauts revenus qui a assuré la victoire de Hollande en 2012). Il faut le déplorer, mais on a réussi en quelques décennies à implanter dans ce pays une fiscalité de la haine, de la rancœur et de la frustration, étrangère en tout au bien de la Nation.

Comme une sorte de guillotine fiscale certes moins radicale que l’autre dans ses effets immédiats, mais guère meilleure dans les pulsions qu’elle révèle et pas moins sournoise dans ses conséquences économiques. Par ses relents malsains, par la capacité de détestation à laquelle la gauche fait bassement et électoralement appel, cette provocation à la haine fiscale jamais dénoncée, jamais sanctionnée, creuse obstinément une fracture dangereuse pour l’unité du pays, tout en minant sournoisement le consentement à l’impôt.

Quels que soient les reproches – et Dieu sait s’ils sont nombreux – qu’on puisse adresser au président de la République, on ne peut que louer sa fermeté présente à refuser la réforme exigée par des gens qui veulent uniquement toujours plus d’impôts pour les autres, dût la Nation en pâtir sévèrement. En affaiblissant encore un peu plus le pays, cette erreur sonnerait très certainement le glas du quinquennat.

Elle rouvrirait la porte à une sorte de chasse aux « riches » ou prétendus tels, dont les investisseurs étrangers ne manqueraient certainement pas de sanctionner immédiatement l’économie française tout entière. Car au regard des chiffres, qui pointent tous un excès manifeste d’impôt sur le capital pour la France, le retour intempestif et dissuasif d’un nouvel ISF général ne saurait être la bonne réponse aux problèmes de fond d’un pays battu par les vents mauvais de l’envie et de l’hostilité et dont l’économie exsangue croule sous l’empilement des prélèvements fiscaux et sociaux de tous ordres.

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  • Des zozos qui font croire que payer 4000 euros d’ISF vous êtes un millionnaire !!! le lavage du cerveaux est bien organisé par ceux qui vivent au crochet de L’ÉTAT et des contribuables !!!!

    • Pour ne pas payer l’ISF il suffit ne pas déclarer ou tricher. Exemple : Un voyou notoire, François Hollande en concubinage notoire avec Rottweiler, bise sur la bouche devant toute la France en 2012, et installation de la future « Jetée comme une m… » a l’Elysée, a fait des déclarations de patrimoine en oubliant la part de sa donzelle « Officielle » ce qui est parfaitement contraire la loi que ce carriériste bidon des finances ne peut ignorer. La parquet financier, n’a pas vu le problème …. Bof !

    • Le zozo a dit qu’un fonctionnaire qui a le privilège de toucher 4.000 €/mois jusqu’à la fin de ses jours, a le même revenu (garanti) que celui qui aurait placé 2 millions (avec des risques.)
      Démontrez-moi que c’est faux, et expliquez-nous pourquoi l’un devrait être imposé et l’autre pas…

      • Les 2 millions sont tombés du ciel ? Ont-ils déjà été taxés au moment où ils sont apparus comme par magie ?

        • Ces 2 millions sont effectivement tombés du ciel comme un « cadeau de l’oncle d’Amérique », sauf que le généreux donateur, c’est le contribuable français, forcé contraint, pendant que le fonctionnaire donataire bénéficie de ce cadeau en franchise d’impôts! Or s’agissant d’une donation par un tiers sans filiation qui justifie une réduction de droits de donation, il devrait reverser à l’État 60 % du capital financier ainsi perçu. Qu’il en soit dispensé, c’est ce qui s’appelle le deux poids deux mesures à la française.

          Cette fonction publique se goinfre sur le dos des contribuables et ils osent maintenir l’ISF sous la forme IFI! La seule façon qu’ils ont d’imposer cette fiscalité arbitraire qui gruge les uns pour privilégier les autres, c’est de virer dictature et ça va mal se passer.

  • Les gilets jaunes, les socialistes et les partis extrêmes veulent rétablir l’ISF alors qu’il n’a pas disparu puisqu’il est devenu l’IFI. L’immobilier physique est imposé y compris celui apparenté à des valeurs mobilières. Il faut qu’E. MACRON développe une argumentation choc pour démontrer que cet impôt est nocif pour l’économie, l’emploi et les recettes fiscales et qu’il n’a pas disparu comme je l’entends souvent.

    Je suis assujetti à cet impôt depuis sa création en 1982. J’accepte que l’IFI soit imposé sur l’immobilier dont la valeur est stable ce qui n’est pas le cas des valeurs mobilières dont les pertes peuvent être sévères, ce qui a été mon cas. Curieusement je n’ai pas compris pourquoi l’or physique n’a pas été ajouté à l’immobilier alors que sa détention n’apporte aucune valeur ajoutée (pièce jointe OF). Ce qu’il faut faire : E. MACRON doit exiger de BERCY d’établir un récapitulatif depuis les années 1981 (excepté 1987) jusqu’à l’exercice 2016 de toutes les personnes assujetties à l’ISF qui ont délocalisé pour ne plus payer cet impôt. A la suite de quoi à partir des impôts sur le revenu que ces personnes payaient, si elles étaient restées en France, en tenant compte de l’inflation, quelle a été le manque à gagner fiscal. Et en parallèle combien l’ISF a rapporté pendant cette période en ajoutant les frais de contrôle et de recouvrement. A la suite de quoi E MACRON, avec la balance qui n’e sera pas en faveur de l’ISF, fait une présentation au tableau de la nocivité de cet impôt en ajoutant les pertes de TVA, la vente d’entreprises familiales à l’étranger etc.

    Et pour donner un « os à ronger » à la meute qui veut rétablir l’ISF. La détention d’or physique est ajoutée à l’immobilier et l’IFI devient l’ISFIOR. Il faut rétablir le S qui a toute son importance.

    • Pas reluisant, comme position ! Soit vous reconnaissez, comme le défend l’article, qu’appauvrir son prochain est non seulement stupide mais parfaitement contraire à la moralité, soit vous cherchez des moyens de moyenner qui ne remettent en cause que les effets nocifs de l’ISF sans toucher à ses principes détestables.
      Si vous pensez que l’impôt satisfait un juste besoin de solidarité, a) vous êtes bien naïf et b) rien ne vous interdit de faire un don personnel régulier au Trésor Public (sauf que ça m’étonnerait que le cas soit prévu, mais ça peut probablement s’arranger…).

  • Quelqu’un peut me dire si Bernard Arnaud paie l’ISF ?

  • Il existe un capital énorme jamais taxé à l’ISF, celui qu’il faudrait posséder pour garantir à vie un revenu de fonctionnaire. Pour toucher 1.000 € net par mois, je dois aujourd’hui placer environ 500.000 €. Donc un fonctionnaire qui touchera 4.000 €/mois jusqu’à la fin de ses jours, est comme un non-fonctionnaire qui disposerait de 2 millions de capital. Pourquoi paierais-je de l’ISF et pas lui ? Et le sien est garanti…

  • Une fiscalité douce sur le capital et proportionnelle sur les revenus (flat tax) serait de nature à booster notre économie. Ajoutez-y un Etat moins dispendieux (par exemple en renonçant à la « transition énergétique »), et voilà déjà de quoi augmenter le pouvoir d’achat et réduire le chômage.

  • Rétablir l’ISF serait la porte ouverte à de nouveaux départs.
    Et pas seulement des vraies fortunes mais également des français pressurisés et maltraités parce qu’ils ont préféré épargner plutôt que dépenser n’importe comment.
    A nos voisins ou non de savoir alors accueillir ces nouveaux migrants utiles pour leur économie.

    • « également des français pressurisés », auxquels il faut ajouter les jeunes en voie de créer leurs entreprises et de choisir leurs lieux d’installation…

  • Vous ne semblez pas faire allusion à la flat tax libératoire de 30% sur le capital décidée par Macron et qui doit sérieusement diminuer l’impôt global sur le capital, non?

    • Ca n’a pas grand-chose à voir. Si vous êtes un Warren Buffett français (un oxymore, quoi !), ça vous fait une belle jambe de « ne » payer « que » 30% sur les dividendes, votre boite Berkshire Hataway n’en a jamais distribué un seul, tout est capitalisé.

      • Il n’y a pas que les dividendes mais aussi les plus-values sur cessions d’actions, cad la façon dont un startupeur se rémunère en fin de parcours. Et là, 30% au lieu de 85% comme sous Hollande, ce n’est pas pareil!

        • Sans oublier quand-même que ces dividendes comme plus-values sont issus de bénéfices déjà lourdement imposés au titre de l’impôt sur les sociétés. Encore un cas de double imposition: les 30% sont en réalité au moins 53% de confiscation du bénéfice.

        • 30% vus comme un soulagement, grâce à Hollande ! De mémoire, il me semble que les premiers que j’ai payés étaient à 14%, et à une époque où on récupérait l’avoir fiscal…

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