2019, l’année du retournement de cycle

En ce début d’année 2019, les investisseurs commencent à s’inquiéter du ralentissement de la croissance mondiale. Simple coup de mou ou vrai retournement ?

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2019, l’année du retournement de cycle

Publié le 4 janvier 2019
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Par Nicolas Perrin.

Voici les effets que pourraient avoir la guerre commerciale sur l’activité économique si les choses venaient à dégénérer.

D’après une étude de Natixis (avril 2018), une taxation des importations de 20% aux États-Unis entraînerait (compte tenu du poids des importations) une hausse de trois points des prix intérieurs des États-Unis, propulsant l’inflation au-dessus de 4% .

En septembre 2018, la situation s’était déjà largement dégradée, relevait l’OCDE.

Naturellement, cela se répercute sur la production industrielle mondiale.

Par ailleurs, “la croissance de l’investissement est [non seulement aux États-Unis mais également à l’échelle mondiale] trop faible pour soutenir les gains de productivité”, commentait l’OCDE.

En somme, comme le souligne Natixis, on peut douter que la croissance mondiale vienne en relais de la croissance américaine, en particulier avec une Chine “obligée de tripoter les chiffres pour faire semblant de rester au-dessus des 6%”, pour reprendre les mots de Bruno Bertez.

Il n’est donc pas étonnant que Christine Lagarde ait averti début octobre que certains des “nuages” qu’elle apercevait à l’horizon “se sont matérialisés”, ce qui devrait conduire la croissance mondiale à ralentir.

 

États-Unis : une croissante forte qui ne sera que “transitoire”

La consommation interne et les firmes zombies américaines sont de plus en plus dépendantes de la dette.

Par ailleurs, outre la progression de l’emploi, ajoutons que la réforme fiscale — l’autre composante majeure de la forte croissance américaine — aura produit “l’essentiel de ses effets en 2018”, analysait Natixis.

Enfin, comment ne pas évoquer le soutien budgétaire qu’a apporté l’administration Trump à l’économie américaine ?

Certes, comme le nuance Olivier Maurice sur Contrepoints :

“Il y a […] des différences fondamentales entre la dette Obama et la dette Trump : la première a été majoritairement employée pour augmenter le périmètre de l’État, la seconde pour financer une baisse des impôts ; la première s’est vu associée à une croissance du PIB de 1,5% en moyenne par an, la seconde d’une croissance qui au dernier trimestre atteignait les 4%.”

Mais les finances publiques américaines ne sont pas belles à voir. Comme le relève Lance Roberts de RealInvestmentAdvice.com :

“Le problème […] est que les dépenses publiques sont passées d’investissements productifs, tels que le barrage Hoover, qui créent des emplois (infrastructures et développement) au profit principalement de la protection sociale, de la défense et du service de la dette, avec un taux de rendement négatif. Selon le Centre sur le budget et les priorités politiques [Center On Budget & Policy Priorities], près de 75% de chaque dollar d’impôt est consacré à des dépenses non productives.”

Outre le problème de l’accroissement de la charge de la dette que le futur programme d’infrastructure va générer, il est loin d’être certain qu’il aura un taux de rendement positif et il risque de pousser les taux longs à la hausse.

En effet, comme l’expliquait Natixis le 16 novembre :

“Une nouvelle relance budgétaire conduirait à une forte hausse des taux d’intérêt à long terme des États-Unis ; cette hausse des taux d’intérêt ferait reculer le marché des actions, déclenchant des effets de richesse négatifs.”

Donald Trump jouera le tout pour le tout en vue de favoriser sa réélection

 Donald Trump sera de toute façon poussé à “brûler les meubles” pour favoriser sa réélection en novembre 2020. “Il sait que la seule chose qui peut faire échouer sa réélection dans deux ans, c’est une récession. Jimmy Carter et Georges Bush père ne seront pas réélus à cause d’une récession. Donc il ira au bout du bout du bout du bout de ce qu’il peut faire pour essayer de maintenir cette croissance absolument insolente qu’il a effectivement réussi à mettre en place”, commente l’éditorialiste de BFM Business Nicolas Doze.

La reprise résistera-t-elle à la hausse des coûts de l’endettement ? Cette croissance “insolente” des États-Unis n’aurait-elle qu’un “caractère transitoire”, comme le craint Natixis ?

2019 a de bonnes chances d’être l’année du retournement, comme nous le verrons dans le prochain article.

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Pour plus d’informations, c’est ici.

 

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  • 2019 n’est pas l’année du retournement de cycle mais l’année de l’épuisement des politiques monétaires ineptes qui ont empêché le retournement depuis 2014, avec notamment les injections monétaires chinoises (juillet 2014) puis européennes (janvier 2015), politiques concomitantes s’ajoutant aux injections américaines et japonaises précédentes.

    Depuis 2014, les marchés ne sont plus que des marchés de flux, des marchés zombies alimentés par des capitaux sortis de nulle part, sans justification, sans contrepartie réelle, sans prise de risque pour ceux qui en ont bénéficié et se sont enrichis sans créer la moindre richesse, en pillant l’épargne rare et précieuse de ceux qui créent les richesses (taux négatifs).

    La fin de la folie monétaire au milieu du mandat de Trump est peut-être le fruit du hasard. Ou pas… Ce qui est certain en revanche, c’est qu’Obama a pu compter sur le soutien monétaire indéfectible de la Fed durant ses huit années de mandat. Le prix Nobel de la paix méritait visiblement qu’on lui sacrifie l’avenir. Après Obama le déluge, et Trump n’aura pas droit au même traitement monétaire de faveur. On se demande bien pourquoi.

    Tôt ou tard, les marchés vont corriger depuis les niveaux totalement irréalistes qu’ils ont atteint par la grâce des injections. Ils vont plus ou moins rapidement rejoindre les niveaux légitimes correspondant à la croissance mondiale réelle. Depuis 1987, le PIB mondial a été multiplié par 4,5. Et encore, c’est en tenant compte de la croissance chinoise dont on sait qu’elle est pour partie virtuelle, fruit de l’imagination des comptables chinois obéissant aux ordres de leurs dictateurs rouges. Dans le même temps, les marchés boursiers mondiaux ont connu une croissance trois fois plus rapide. L’écart de valorisation est intenable et la correction inéluctable.

    • Vous supposez implicitement que la valeur des actifs productifs (les marchés pour simplifier) devrait suivre la valeur de ce qu’ils produisent (le PIB mondial). Cela n’a rien d’évident pour au moins deux raisons. La première est que l’on réalise logiquement en premier les projets les plus rentables donc dans les périodes sans innovation technologique majeure (et je ne classe pas dans cette catégorie les gadgets internet), la croissance se fait sur des projets de moins en moins rentables par rapport au capital engagé, ce qui contribue à l’augmentation du ratio capital/PIB. La deuxième raison est l’épargne de précaution d’individus de plus en plus inquiets pour l’avenir. Par exemple en France, la perspective de pression fiscale croissante et de retraites de moins en moins assurées incite forcément à épargner plus. Et selon la loi de l’offre et de la demande, plus il y a d’acheteurs avides d’acheter des actifs, plus le prix de ceux ci augmente et donc plus cela contribue à l’augmentation du ratio capital/PIB.

      • En dehors du fait que vous omettez les manipulations monétaires, d’accord avec votre raisonnement. La hausse du prix des actifs aurait dû s’interrompre par manque d’argent des « acheteurs avides », Les injections artificielles ont permis la poursuite de la hausse, initialement raisonnable, jusqu’à des niveaux insensés. Egalement d’accord avec vous pour considérer qu’un écart de valorisation des marchés par rapport au potentiel économique sous-jacent est normal, mais pas au niveau qu’ils ont atteint aujourd’hui. Une correction doit avoir lieu et le bon niveau pour anticiper le point bas de cette correction est la croissance économique acquise. De x13 depuis 1987, un retour quelque part vers x4 ou x5 est une valorisation raisonnable avant le rebond suivant.

        Autre hypothèse : une hyperinflation généralisée et brutale. Alors, les marchés pourraient se stabiliser à leurs niveaux actuels en attendant d’être rejoints par le PIB en termes réels, mais ce serait un PIB purement inflationniste dont le pouvoir d’achat serait laminé. Ce serait la garantie d’une récession profonde de longue durée.

        Notre incapacité à accepter les corrections vient probablement du fait que nous redoutons collectivement les phases d’ajustement des cycles économiques. Pourtant, ces phases sont saines, indispensables pour faire de la place aux bons investissements, ceux qui génèrent effectivement de la croissance. Un peu comme si, pour respirer, nous acceptions d’inspirer mais jamais d’expirer, de peur que ce soit pour la dernière fois.

        • Un grand merci à Cavaignac pour ses commentaires toujours d’une grande pertinence que je lis toujours avec beaucoup d’intérêt !

  • Et la France dans tout cela? Poser la question c’est y répondre. Elle rejoint les pays sous développés à grands pas, et rien ne semble pouvoir arrêter cette chute commencée il y a 40 ans.

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