Avec DeepMind Health, Google aurait « trahi la confiance de ses patients »

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Médecin consultation ordonnance (Crédits : Life Mental Health, licence CC BY 2.0)

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Avec DeepMind Health, Google aurait « trahi la confiance de ses patients »

Publié le 2 janvier 2019
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Par Farid Gueham.

Un article de Trop Libre

La filiale de santé DeepMind Health qui réintègre la société mère, n’aurait pas respecté son engagement selon lequel « les données patients ne seraient pas connectées aux comptes Google ». Google est donc accusé d’avoir violé les promesses faites aux patients suivis par Deepmind Health, après l’annonce publique du transfert de sa filiale spécialisée dans les soins de santé vers les activités principales de groupe.

Une restructuration controversée

Parmi les principales critiques, la restructuration de l’entreprise aurait eu un impact sur l’engagement pris par DeepMind Health au début de sa collaboration avec l’organisme de santé britannique, le NHS, stipulant que « les données de santé ne seraient jamais reliées à des comptes ou services Google ». La migration vers la maison-mère a également entraîné le démantèlement du comité d’examen indépendant, créé afin de superviser le travail de la société dans le secteur de la santé. Selon Google, cette instance était trop centrée sur une seule zone géographique, en l’occurrence, la Grande-Bretagne, pour permettre un contrôle efficace à une échelle internationale.

Les ambitions mondiales de Google dans le secteur de la santé

Selon Google, cette restructuration était nécessaire afin de permettre le développement de la principale application de santé de DeepMind Streams, et son déploiement à l’échelle mondiale. Cette application initialement créée pour aider les médecins et les infirmières à surveiller les patients atteints d’insuffisance rénale aiguë, est progressivement devenue un tableau de bord numérique complet, offrant une vision transversale du dossier des patients.

« Notre vision est de faire en sorte que Streams devienne un assistant pour les infirmiers et les médecins du monde entier, associant les meilleurs algorithmes à une conception intuitive, le tout soutenu par des preuves rigoureuses », déclarait un porte-parole de DeepMind, à l’occasion du transfert.

DeepMind Health faisait auparavant partie du groupe de recherche DeepMind, officiellement filiale de Google et propriété de la holding Alphabet. Mais le transfert et la finalité de Streams semblent difficilement conciliables avec la vision et les usages que DeepMind Health envisage de déployer. En juillet 2016, à la suite des critiques visant un partage de données jugé « trop ouvert » entre la société et le NHS, le cofondateur de la filiale, Mustafa Suleyman, déclarait que l’entité avait « clairement indiqué dès le début que les données des patients ne seraient jamais liées, ou associées, aux activités de Google : comptes, produits ou services ». Pour Julia Powles, chercheuse et spécialiste de la protection de la vie privée, Google n’a pas tenu sa promesse. « L’application est désormais un produit Google comme un autre. C’est un abus de confiance et l’outil est d’ores et déjà assiégé ».

Une promesse intacte selon Deepmind Health

Pour les porte-paroles de l’entreprise, la promesse est tenue : « toute la donnée de santé des patients reste sous le contrôle des partenaires, et tous les usages qui en sont faits relèvent de leur responsabilité. Ces données ont été soumises à des contrôles d’audit et d’accords, et leur traitement reste soumis à nos contrats et à la législation sur la protection des données personnelles. Le passage à Google ne l’affecte en rien ».  

La restructuration a également entraîné la dissolution de la commission d’examen, composée en grande partie d’experts britanniques. Sur ce point, le porte-parole de DeepMind Health déclarait que « le groupe d’auditeurs indépendants était une structure de gouvernance dédié DeepMind Health mais en tant qu’entité britannique. Maintenant, Streams s’intègre dans une stratégie mondiale et il est peu probable cette structure soit pertinente à l’avenir ». 

La recherche en IA sacrifiée sur l’autel des rendements immédiats

L’intégration de l’équipe Streams à Google suscite l’inquiétude des défenseurs de la vie privée au Royaume-Uni. De manière plus générale, ce transfert préfigure les ambitions de Google dans le secteur de la santé et son désir de tirer le meilleur parti de l’acquisition de son laboratoire d’IA de Londres. Les tensions entre DeepMind Health et Google ne datent pas d’hier, Google souhaitant commercialiser à marche forcée le travail de la filiale qui se positionnait davantage comme un laboratoire de recherche sur le long terme, souhaitant attirer les meilleurs profils internationaux dans la recherche en IA ; DeepMind Health a également développé des applications plus opérationnelles et immédiatement disponibles dans d’autres secteurs que celui de la santé, ce qui en fait une cible de choix pour le nouveau PDG de Google Health, David Feinberg. Parmi les priorités du nouveau PDG, la restructuration et la convergence des initiatives disparates de Google en matière de santé, des applications aux capteurs, en passant par les algorithmes, laissant entrevoir de nouvelles fusions entre les entités du fonds Alphabet.

Pour aller plus loin :

–       « Google betrays patient trust : Deepmind healthcare move », theguardian.com

–       « Scaling streams with Google », deepmind.com

–       « Le partenariat entre Google DeepMind et les hôpitaux londoniens jugé non conforme à la loi », lemonde.fr

–       « Google Health ingère l’unité santé de DeepMind pour son IA médicale », lebigdata.fr

Sur le web

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  • Vos petits secrets intéressent beaucoup plus de monde que vous ne l’imaginez.
    Dès le début Google en a fait son fonds de commerce et ses promesses de respect de la vie privée ne sont qu’écran de fumée.
    Un article intéressant pour la défense de nos libertés nous expliquerait comment échapper à cette curiosité.

  • Doctolib, assureurs, mutuelles, applications santé etc…n’ont pas attendu Google pour faire leur propre récolte de données de santé…

    • J’ai remarqué en effet que Doctolib imposait des cookies tiers et ne m’a pas répondu quand j’ai demandé pourquoi.
      Jusqu’à nouvel ordre je les soupçonne donc d’être une passoire complaisante et lucrative.

  • Les commentaires sont fermés.

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