Nouveau privilège pour les parlementaires : le casier judiciaire

Quand les députés enterrent eux-mêmes la condition d’un casier judiciaire vierge pour être éligibles.

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Hémicycle de l'Assemblée Nationale (Crédits Richard Ying et Tangui Morlier licence Creative Commons)

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Nouveau privilège pour les parlementaires : le casier judiciaire

Publié le 17 décembre 2018
- A +

Par Pierre Farge.

Tandis que la France connait sa quatrième semaine de manifestations sans précédent depuis cinquante ans, les députés enterrent eux-mêmes la condition d’un casier judiciaire vierge pour être éligibles. Soulignant un peu plus les problèmes de légitimité et de représentativité du pouvoir, le Parlement secoue une fois encore la démocratie de ses contradictions.

Après l’allocution du président de la République en réponse au mouvement des Gilets jaunes, exactement au moment où le Sénat votait l’allègement des taxes contre les exilés, une nouvelle contradiction accablait le pouvoir en place.

Se présenter aux élections avec un casier

Alors que la récente loi de moralisation de la vie publique disposait de « l’interdiction pour tous les détenteurs d’un casier judiciaire (niveau B2) de se présenter à une élection », le Parlement a en effet trouvé la parade juridique selon laquelle l’interdiction de se présenter à une élection si le casier n’est plus vierge peut être interprétée comme « une peine automatique », contrevenant au « principe d’individualisation des peines garanti par la Constitution ».

Quoi que cet argument n’ait gêné personne des décennies durant, voilà que nos députés y font droit.

Ainsi, sans polémiquer sur les membres du Parlement, objets de procédure judiciaire en cours, et donc passibles de peines qui les empêcheraient de renouveler leur mandat, la question de fond qui se pose est de savoir pourquoi les parlementaires votent eux-mêmes leur immunité par une loi les exemptant de casier judiciaire vierge pour se présenter, plutôt que de laisser, comme tout le monde, en vertu de l’article 755-1 du Code de procédure pénale, le soin de formuler une demande d’effacement de la condamnation mentionnée au casier judiciaire, à l’appréciation d’un magistrat le soin de juger, ou non, de cette désinscription ?

  • En effet, tous les citoyens condamnés à une peine — ferme ou avec sursis — peuvent
    formuler ab initio, à l’audience, en vue de la condamnation encore probable, une demande de non inscription au casier judiciaire de la peine éventuellement à venir ;
  • à défaut, dans les cas en général les plus graves, formuler a posteriori à la condamnation une requête aux fins de désinscription au B2 devant la Chambre correctionnelle ayant prononcé leur jugement (c’est ce qui est dans la pratique privilégié afin de donner au condamné la mesure de sa peine, et l’obligation de son amendement pour obtenir le retrait de sa mention).

Dans ces deux cas, il convient de justifier :

  • de raisons légitimes en apportant la garantie, ou la preuve, de l’amendement de l’intéressé depuis les faits, d’une distance avec l’infraction, voire d’une guérison dans le cas par exemple d’une pathologie de kleptomanie ou autre problème psychiatrique ;
  • et surtout de témoigner que la mention d’une telle condamnation au B2 constitue un véritable obstacle à la réussite d’un objectif (comme rejoindre un emploi dans la fonction publique, une charge assermentée, ou une élection au Parlement).

Laisser à l’appréciation de la justice indépendante

Par conséquent, si les parlementaires tiennent absolument à être éligibles malgré un casier judiciaire, il revient non pas de décider, entre eux, et de façon générale, leur immunité par une loi les exemptant, mais plutôt de laisser à l’appréciation d’une justice indépendante, le soin de juger s’ils justifient, au cas par cas, de la désinscription de toute mention, et in fine d’être en capacité d’être éligible.

Cette seconde solution placerait les représentants du peuple sur un pied d’égalité avec ceux qui sont censés les représenter, comme autant de témoignages d’un pays respectueux de l’équilibre des pouvoirs, sans parler de donner une image exemplaire de l’État, sinon plus vivifiante de la démocratie en pareille contestation populaire placardant par milliers de manifestants des demandes de Référendum d’initiative citoyenne (RIC).

Ce qui fait finalement penser au bon mot d’Alain Juppé, certes dans d’autres circonstances, mais toujours philosophe : « En matière judiciaire, il vaut mieux avoir un passé qu’un avenir ».

Voir les commentaires (49)

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  • Oui, mais Juppe reste un délinquant, c’est à dire une personne qui a commis un délit.
    Et son boss J.C. est le premier Président français à avoir été condamné depuis Petain.
    Ce sont de simples faits.

  • Quand j’entend Jupé dire les voleurs ça suffit,
    alors lui c’est normal mais les autres , il n’est pas le seul environ 160 élus, ont été condanné , le paradoxe c’est qu’ils sont réélus !!! nous sommes en France , il y a 2 catégorie : vous êtes élus c’est normal pour les autres ,il faut être sévère , ce n’est pas comme ça qu’ils vont être crédible , il ne faut pas s’étonner de l’absentéisme lors de vote!!!
    le slogan tous pourris , ils le confirment !!!

  • « En même temps »©, la « justice » française, comment dire…
    Combien de terroristes, depuis Merah et jusqu’au Chérif de Strasbourg, auraient dû se trouver derrière les barreaux, au lieu de se promener tranquilles en liberté, par la banalisation de la multi-récidive et des avalanches de réductions de peine ?
    Combien d’autres pays dits « démocratiques » ont connu une affaire similaire au « mur des cons » ?
    Etc, etc.
    Laisser cette « justice »-là décider me semble un choix tout aussi (peu) raisonnable que celui trouvé par nos « représentants ».

  • il n’empêche que tout ça est très mauvais signe ; ces gens là vont donc continuer à s’approprier toutes sortes de privilèges ; comme l’avait si bien dit un député anglais : un jour le peuple se retournera contre vous et vous finirez au bout d’une corde et ce ne sera que justice ;

  • Nos petits jeunes députés ont les dents longues, ils préparent leur avenir fait de rapines de clientélisme et escroqueries en tout genres..je suppose ,ils ne sont pas concernés puisqu’ils ont pu se présenter ,qui a présenté cette loi du moyen âge ?

  • tout ceci est proprement scandaleux, et procède de la rupture entre le citoyen et le clergé de la republique

  • c’est toujours comme çà que finissent les regimes , un lent pourrissement et çà finit par tomber , la 5 eme republique est morte

  • D’une façon plus simple il suffit de dire que les fonctionnaires au sens large ne bénéficient pas du même droit que le secteur privé. Le secteur public gonfle et coûte de plus en plus asséchant l’argent du privé. Pour maintenir cet état déséquilibré et injuste les fonctionnaires augmentent jour après jour leurs pouvoirs. Ainsi ils pensent rester légitime dans ce système de parasitisme avancé. Mais lorsque l’argent des autres vient à manquer l’on va taper chez la fourmis sa voisine. Le GAFA, l’Entreprise, la pollution, le soda, etc…
    N’oublions pas la main mise sur les datas stratégiques et sur l’information. Bref, pour simplifier vous pourriez juste dire que la France c’est un bon vieux communisme des familles. Un cancer du peuple. Et c’est à un stade avancé.

  • @ claude henry , il n’est plus parlementaire , il est maire , il l’a ramène en permanence !! il presente comme ancien 1er ministre des factures à rembourser de 100 000 euros annuel l’honnêteté ca paye !!

  • Dans « hitler et la planche à billet » l’on peut y lire que l’Allemagne avait le même problème avec l’Etat. Cela a donné ce que l’on sait….ce que les Etats ne disent pas est que le monétarisme stupide engendre des monstres. Mais l’on pourrait dire aussi que des monstres qui gèrent l’argent engendre d’autres formes de monstres. A priori l’on va sur une nouvelle monnaie (cryptomonnaie?) Internationale ?!
    La France devrait lancer la sienne. Une crypto fonctionnaire. Une monnaie indexée sur la dépense publique et la taille du PIB. Elle serait très performante !

    • non plutôt payer 50% du traitement des fonctionnaires avec des bons d’achats uniquement valables sur des produits français..
      (oui c’est genial , je sais ;)))

    • Cette monnaie internationale est en projet depuis très longtemps.
      « Donnez-moi le pouvoir sur la monnaie, je saurai qui fait les lois» (M. Rothschild)

  • La première fois que j’ai perdu des points sur mon permis, condamnation et peine automatique s’il en est, c’était en faux plat descendant, enligne droite de deux kilomètres, 92 au lieu de 90, mistral dans le dos a 100 km /h, tot le matin allant au boulot, seule pas d’autres bagnoles dans les deux sens en vue. On ne m’a pas autorisé a invoquait le mistral, cause réelle de mon dépassement, pour ma défense.
    Pensez vous que je puisse me rendre a L’A N dans les prochains jours pour obtenir au nom du principe d’individualisation des peines garanti par la Constitution, le remboursement du PV avec les intérêts et des excuses ?

  • @esprit critique, non. L’Etat brisera les gens solvables ! La République ne lâchera rien. Jamais !
    Par contre il y a l’autre solution à envisager. Rouler sans assurances ni permis de conduire. De préférence avec une voiture volée. Si possible après avoir violé et tuer sa propriétaire. Là, dans ce cas là, la justice sera clémente et extrêmement lente. Ne pas oublier de se rendre complètement irresponsable en fumant un gros joint et en buvant 1 litre de rouge qui tache. Voilà là où l’Etat nous conduit avec sa politique communiste.

  • mais plutôt de laisser à l’appréciation d’une justice « indépendante »

  • Le goudron et les plumes!

  • On est tous égaux devant la loi mais certains le sont plus que d’autres.!

  • Le casier complet d’une personne qui sollicite les suffrages doit être rendu public. Aux électeurs ensuite de décider s’ils souhaitent l’élire ou pas.

  • Ces LaREM sont encore pire que les autres. Ils devaient assainir le marigot… et ils font le contraire.

  • C’est incroyable qu’ils osent faire cela ???

    Le moindre fonctionnaire doit avoir un casier vierge pour se présenter aux examens. Pourquoi pas eux, qui ont des responsabilités importantes et sont amenés à gérer de grosses sommes d’argent ?
    Incroyable !!

    • on peut utiliser le même argument que les députés pour faire sauter cette obligation !

    • @claire

      « C’est incroyable qu’ils osent faire cela ??? »

      Il y a une liste interminable de choses qu’ils osent faire…

    • Parce que, par définition, les élus se soumettent au choix du peuple souverain, qui décide souverainement et librement de porter ou non un candidat aux responsabilités qu’il se propose d’exercer.

      Si le peuple souverain, composé de citoyens éclairés et informés, décide, en son âme et conscience, qu’il veut élire un candidat dont la probité est sujette à caution, c’est son problème.
      En revanche, le citoyen élu ne devrait bénéficier d’aucune immunité ni d’aucun privilège de juridiction.

  • Compte tenu de la fréquence des condamnations d’innocents, notamment dans ia sphère politique, il n’est pas extravagant de laisser à l’électeur le soin d’apprécier la dignité du candidat.
    .

  • « une peine automatique », contrevenant au « principe d’individualisation des peines garanti par la Constitution ».
    Je crois rêver. Et les points du permis?

  • un certain cahusac a été condanne a 2 ans de prison et le reste en sursis .. ilest stipulé qu’un medecin ne peut exercé suite a une condannation , pourquoi l’a t il fait ?

    • de plus il n’ira pas en prison sa peine va etre aménagée il va se refaire la cerise comme médecin en Guyane

      • autant pour moi .. au dernières nouvelles il va aller s’installer en corse du sud
        « Condamné à la prison avec sursis pour fraude fiscale, Jérôme Cahuzac doit-il en outre être interdit d’exercer la médecine? La question est en suspens depuis qu’un certain Alain Choux, lui-même médecin et spécialiste revendiqué des « coups médiatiques », a saisi le Conseil national de l’ordre pour contester la réinscription en qualité de généraliste du docteur Cahuzac, aujourd’hui établi en Corse-du-Sud. Or voici que le débat est en passe de dégénérer. « 

  • la république exemplaire de Macron..les couleuvres qu’il nous fait avaler c’est dingue.

  • Certes, mais ne risque-t-on pas le syndrome Fillon ? Réclamer la Justice, en oubliant qu’on peut vous trouver toute sorte de travers ?
    Macron a été choisi parce qu’on a pensé qu’il était jeune, neuf donc sans tâche. Il s’est très vite sali.

    Le risque est une judiciarisation politique : Par exemple, imaginez une scrutation absolue de votre manière de conduire. Imaginez un gendarme invisible qui jugerait immédiatement tous vos petits écarts sur un historique de 5ans : le léger dépassement, le non ralentissement à un stop, le simple touché du volume sur le smartphone (3points).

    Le total vous placerait directement dans une situation de délit.

    Mais avant une culpabilisation, le premier avantage sera l’obstruction politique, avec exigence d’enquêtes sans fin, et surtout sans limite. On l’a vu avec Kavanaugh, Trump…

    Plutôt que l’inquisition voulue par l’auteur, je préférerais considérer qu’il est bien que les députés subissent également les mêmes contraintes qu’ils font subir aux autres. Un phénomène de rétroaction se mettrait rapidement en place…

    • d’abord il faut une justice apolitique..
      pour cela il faut des juges élus.abolir le syndicats de la justice
      et interdire toute activité syndicale au ministere de la justice
      i

  • Au contraire, cette décision m’apparaît de bon aloi : il appartient au citoyen-électeur de choisir qui bon lui semble pour le représenter, et même le dernier des repris de justice si tel est son bon vouloir.

    En revanche, il est nécessaire que le citoyen-électeur soit pleinement informé du profil des postulants au mandat électif.

    Et que les titulaires d’un mandat électif ne bénéficient d’AUCUNE immunité et d’AUCUN privilège de juridiction.

    Cf. art 1er de notre Constitution : la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens », ce qui devrait comprendre les élus de la République.

    • On pourrait couper la poire en 2 et exiger que le candidat n’ait jamais été pincé pour des malversations en rapport avec sa carrière politique au sens large (corruption, fraude électorale, financement douteux etc.)
      Mais j’entends bien, le risque de judiciarisation de la politique est réel.

  • Article quelque peu délirant.
    Ce n’est pas leur accorder l’immunité que d’autoriser les personnes n’ayant pas un casier judiciaire vierge à se présenter à la députation, c’est la conséquence directe du fait qu’un condamné ayant exécuté sa peine est réputé avoir payé sa dette à la société.
    C’est du même niveau que vouloir légiférer sur les « lanceurs d’alerte », autrement dit encourager les délateurs anonymes !

  • Les commentaires sont fermés.

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