La France est-elle une démocratie « illibérale » ?

L’adjectif « illibéral » a été utilisé surtout à partir de l’année 2010 et comme référence à la Hongrie de Viktor Orban. Pourtant, l’ « illibéralisme » a été théorisé bien avant, dès le début des années 1990.

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Statue de Napoléon 1er By: Frédéric BISSON - CC BY 2.0

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La France est-elle une démocratie « illibérale » ?

Publié le 12 décembre 2018
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Par Nicolas Lecaussin.
Un article de l’Iref-Europe

Pour Pierre Rosanvallon, une démocratie « illibérale » est un État « centralisé, bonapartiste ». Il faut se rappeler aussi l’ouvrage de Jean-François Revel intitulé L’Absolutisme inefficace ou contre le présidentialisme à la française (1992). Réquisitoire implacable contre le système politique de la Ve République, ce livre mince (moins de 200 pages) mais, ô combien concis, riche et complet, dénonçait le paradoxe de l’omnipotence du pouvoir exécutif français devenu avec le temps d’une saisissante inefficacité.

Nous vivons dans une « démocrature », tenait à préciser Revel. Il s’agit d’un régime centralisé dans lequel l’Élysée décide à la place de tout le monde et dans tous les domaines. Le journaliste et chercheur américain Fareed Zakaria en a proposé une définition en 1997 :

« Une démocratie sans libéralisme constitutionnel qui produit des régimes centralisés, l’érosion de la liberté, des compétitions ethniques, des conflits et la guerre ».

Toute ressemblance avec la France n’est peut-être pas fortuite. À part la guerre, la définition donnée par Zakaria s’applique parfaitement à la France.

Nous sommes évidemment dans une démocratie avec un centralisme fort et un État qui saigne les contribuables. Pourtant, plus de 50 % des Français ne payent pas l’impôt sur le revenu et une partie de la population vit sur le dos des autres tout en refusant les réformes. L’État phagocyte 57 % des richesses du pays mais est incapable de protéger ses propres citoyens et d’assurer l’ordre public. Une minorité violente et privilégiée – les syndicats –s’oppose à tout changement et, au nom du « dialogue social », participe à tous les processus décisionnaires.

Le président de la République concentre pratiquement tous les pouvoirs, y compris celui de dissoudre l’Assemblée et d’éjecter le Premier ministre alors qu’il reste intouchable au sommet de l’État. Notre système avec un double exécutif a été copié par d’autres démocraties « illibérales » comme la Roumanie. La société civile est étouffée par les organisations dites « représentatives » qui ne représentent que de petites minorités.

Un ministère, Bercy, décide de la politique fiscale du pays et soumet les contribuables à un contrôle dictatorial. Au nom de la « lutte contre la fraude fiscale », il est même question de surveiller les profils des individus sur les réseaux sociaux comme le faisait la STASI. Des hauts fonctionnaires issus de l’ENA sont présents dans toutes les sphères du pouvoir, surtout dans les cabinets ministériels où ils peuvent influencer les choix des ministres.

Un organisme de contrôle comme la Cour des comptes est ignoré par les administrations et les décideurs politiques malgré des rapports extrêmement sévères. De même, c’est en France que des fonctionnaires de l’Assemblée nationale bénéficient de rémunérations impressionnantes et d’énormes privilèges tout en refusant de communiquer au rapporteur spécial les vraies grilles salariales et le budget de plusieurs associations liées à l’Assemblée. C’est bien en France qu’a été votée une loi contre les fake news, ce qui confère aux médias « traditionnels » le monopole de la vérité bien que les journalistes bénéficient de nombreux avantages fiscaux, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays.

Que dire aussi de notre passion pour les « boucs émissaires », de l’Europe « ultralibérale » à la mondialisation, en passant par l’Amérique et les multinationales ? Et de ce fameux « prurit antilibéral » comme l’appelait Raymond Boudon, cette maladie dont on n’arrive pas à guérir ? Les récentes violences et l’incapacité du pouvoir politique à y répondre ont bien prouvé que la France pourrait très bien être considérée aujourd’hui comme membre du club des démocraties « illibérales ».

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  • Question « contrôle dictatorial », je conseille à l’auteur d’aller faire un tour du côté de la Chine…
    https://www.google.fr/amp/s/amp.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/12/27/32001-20171227ARTFIG00197-la-chine-met-en-place-un-systeme-de-notation-de-ses-citoyens-pour-2020.php
    La France est seulement une démocratie imparfaite (voir indice de démocratie) quelque part entre l’Islande et la Hongrie. C’est pas la Suisse, mais c’est pas le Pérou, non plus…

    • ou une dictature imparfaite..
      C’est étonnant il y a visiblement certaines choses qui ne gênent pas les libéraux français.

    • La Chine fait oublier son contrôle dictatorial par une croissance de près de 8% sur les 30 dernières années. La France n’a ni la croissance, ni la liberté vis-à-vis du contrôle. A mon avis, elle n’a donc rien à dire jusqu’à avoir résolu au moins l’une de ces deux questions.

  • La démocratie est une idée, qu’aiment les peuples, tant qu’elle leur amène ce qu’ils attendent..
    En France le peuple n’aime pas le risque , il prefere la rente , c’est un fait, l’europe n’aime pas la rente.. et l’europe pèse pour le risque..
    si la democratie est « le moins pire des systèmes » selon churchill
    son pays était quand meme une Monarchie constitutionnelle..
    Notre systeme a été construit pour celui qui était dieu , Charles Degaulle, et Emmanuel macron , Hollande ou Sarkozy ne seront jamais Charles Degaulle.. en conséquence le costume est trop grand.
    il ne sont que la courroie de transmission d’une entité plus grande qui s’appelle l’europe

    • @ claude henry de chasne

      Non, le peuple n’est qu’un ensemble d’individus libres de penser comme ils veulent. Certains apprécient le risque (et un possible succès), d’autres préfèrent la sécurité et la routine).
      Si vous vous informez bien, vous verrez que les monarques européens sont des chefs d’état symboliques (ou représentatifs) mais neutres, alors que le président français est 100% politique/partisan avant l’élection et ne devient président de tous les Français qu’au lendemain de son élection, par science infuse!
      Non Ch.De Gaulle n’était pas Dieu, mais un général d’armée 2 étoiles. Et oui, il s’est fait faire une constitution à ses mesures, pas franchement démocratiques!
      Que le costume n’allait pas aux suivants n’est plus à démontrer mais il a semblé, pour le moins, bien confortable!
      Et non, encore, E.Macron n’est pas un agent infiltré de l’U.E. qui n’est pas un état et n’a pas de volonté propre: c’est une association de pays, dont la France qui en a voté toutes les directives avec un poids certes pas négligeable, depuis le premier jour.
      Ah! Cet indispensable bouc émissaire pour conserver la virginité immaculée française!

      • Non les français ne sont pas libres de penser ce qu’ils veulent, on les forme a l’école pour penser ce qu’ils doivent , on les manipule a la télé en leur dictant le bon comportement , et le mauvais..
        ce qu’ils doivent manger ou pas, comment ils doivent élever leurs enfants, etc.. etc.. ce qu’ils doivent penser etc..

        On les a déresponsabilisés au point que quand les idéologues professe une connerie , on invoque le manque de « pédagogie »
        ((!)’ Science de l’éducation des enfants ( et, par extension, des adultes) ; méthode d’enseignement..)

        je n’ai pas besoin de pédagogie professé par des glandeurs, j’ai mon libre arbitre , et je les emm… je ne veux pas vivre en Allemagne de l’est.. ce pays est devenu une merde..
        Et macron est bien , quoi que vous en pensiez , chargé de faire la politique europeenne en france, rien d’autre..
        çà fait 40 ans que nos presidents ne font que çà , appliquer les directives de Bruxelles, en échange de crédits..
        mais nous arrivons au bout , la france va sortir de l’europe c’est incontournable..
        vous pourrez vous en apercevoir en mars

  • La France n’est pas une démocratie puisque les élections législatives sont truquées par un système électoral qui n’assure pas la même représentation à tous. Dès qu’un scrutin est réellement démocratique, un référendum par exemple, on constate la différence, mais les tricheurs, et leurs valets des médias, nous disent que le peuple ne répond pas à la question… Aux USA la moitié de la population ne vote pas, en France on a vu la même chose aux dernières législatives, mais la différence est qu’en France ça se termine dans la rue. La « démocratie participative » n’est qu’une escroquerie de plus, qui vise à préserver le pouvoir de la clique qui nous conduit à la catastrophe.

    • @ buckyhorsy
      Regardez les meilleures démocraties: le vote y fonctionne à la proportionnelle et pas à la majoritaire; il n’y a qu’un seul tour (ou vote), pas deux.
      La démocratie, c’est le pouvoir de la majorité mais aussi la protection des minorités, comme le libéralisme est la liberté + la responsabilité.

      • le suffrage uninominal a 2 tours , avec un parti diabolisé , fait la fortune des gouvernement de gauche depuis chirac.. la cerise sur le gâteau a été l’inversion de l’ordre des élections , president d’abord , assemblée ensuite..
        çà fait longtemps que la france n’est plus une democratie

  • @ Joe Bar
    Il y a longtemps qu’on le sait mais personne n’ose le dire! La France n’est pas une démocratie puisque tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains de l’exécutif. La justice dépend du ministre de la justice. L’assemblée est aux ordres puisque dépend du président, les media subventionnés! Cela sent sa bonne petite dictature.

  • « Regardez les meilleures démocraties: le vote y fonctionne à la proportionnelle et pas à la majoritaire; il n’y a qu’un seul tour (ou vote), pas deux. » C’est ce que je dis. Seul ce mode de scrutin est démocratique…et nous ne l’avons pas en France pour les legislatives.

    • Ce qui distingue une démocratie c’est la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Le mode d’élection importe moins!

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