Macron donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre

Tant que la France restera championne du monde des prélèvements fiscaux et sociaux, l’économie ne repartira pas, l’industrie végétera, le chômage se maintiendra. Et les Français protesteront.

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Macron_Elysee by World Bank Photo (CC BY-NC-ND 2.0)

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Macron donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre

Publié le 10 décembre 2018
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Par Gilles Rigourex.
Un article d’Entrepreneurs pour la France

La hausse des taxes sur les carburants n’est que la goutte d’essence qui a fait déborder le réservoir, hautement inflammable. Elle cristallise tous les mécontentements sous la bannière politiquement irréfutable du pouvoir d’achat.

Vouloir éteindre l’incendie par des palabres nationaux, régionaux, locaux, revient à cacher la réalité derrière des écrans de fumée, relève d’une totale inconscience et surtout d’une totale ignorance des mécanismes économiques élémentaires et de leurs répercussions sociales. Fillon l’avait dit et s’était fait brocarder par toute la classe politique, par tous les media, par tous les corps constitués, et par l’opinion incrédule : la France est en faillite. L’État est aux abois, et se trouve contraint de compenser toute baisse fiscale ou sociale par une hausse équivalente ailleurs, et cela le plus subrepticement possible pour que ça ne se voie pas.

La France n’est plus présidée à l’Élysée ni gouvernée à Matignon, elle est l’otage de l’administration de Bercy.

Le « en même temps »

Ce n’était plus le « ni–ni », mais le « en même temps ». Tout le monde y a cru et a applaudi dans les urnes. En même temps de gauche et de droite, en même temps libéral et social. Monsieur Macron allait réconcilier les Français avec eux-mêmes.

Sauf que le Français, sans doute comme tous les humains, a un fond de jalousie, et qu’il est extrêmement attaché non pas à l’égalité des droits, inscrite dans la Constitution, mais à l’égalité des résultats qui sous-tend toute la politique française depuis l’après-guerre. Le SDF est jaloux du SDF mieux loti que lui, et Carlos Ghosn est jaloux de la rémunération du CEO de General Motors. Cela joue à tous les niveaux de la pyramide, et donc l’État passe son temps à éteindre les jalousies en multipliant les compensations, les petites niches. Chaque fois qu’il augmente la pression fiscale ou sociale sur tout ou sur une catégorie de citoyens, il doit inventer les exceptions rendant cette nouvelle pression acceptable.

Pour la façade, il communique essentiellement sur la réduction de la pression ou sur les nouveaux avantages concédés : suppression de la taxe d’habitation, remplacement du CICE par la baisse pérenne des charges sociales, augmentation des allocations pour les personnes handicapées, etc. Il œuvre donc en faveur du pouvoir d’achat, et il tente, vainement, de compenser son erreur de timing et de communication sur la suppression de l’ISF en clamant haut et fort qu’il le fait principalement dans l’intérêt des personnes les plus modestes.

Bien entendu, l’administration de Bercy, et plus généralement toutes les administrations, y trouvent parfaitement leur compte et s’efforcent de multiplier les impôts ou cotisations, et leurs compensations ou exonérations, car cela légitime leur existence. Même s’il advient fréquemment que les agents de l’administration ne connaissent pas eux-mêmes le fonctionnement et comment doit s’appliquer cette énorme machine à redistribuer un argent dont l’État ne dispose plus, l’obligeant à emprunter sans fin, ces agents au pouvoir souvent discrétionnaire se rendent incontournables.

Deux exemples parmi d’autres de « je donne d’une main ce que je reprends de l’autre »

La taxe d’habitation

La suppression de la taxe d’habitation défraye la chronique et envahit nos media depuis des mois. Tous les maires sont vent debout et le font savoir, car cette taxe est l’une de leurs principales ressources budgétaires, et nombre de communes ont des finances à peine équilibrées. Devinez pourquoi aujourd’hui plus de 50 % des maires n’envisagent pas de se représenter aux prochaines élections municipales, score jamais atteint jusqu’à présent !

Pourtant, en même temps, l’État annonçait à grands cris qu’il allait compenser. C’était vite dit : Bercy panique puisque l’État se rend compte mais un peu tard qu’il ne sait pas comment la financer. Alors on va peut-être en même temps enlever aux départements une partie de la taxe foncière pour la donner aux communes. Mais les présidents des conseils départementaux, dont certains sont aussi en difficulté à la suite des multiples transferts de responsabilité et de charges ne l’entendent pas ainsi.

Alors où trouver l’argent ? Partout où l’on peut gratter. L’augmentation de la fiscalité sur les carburants en fait partie car, contrairement à ce que croit nombre de Français abusés par le matraquage médiatique du gouvernement affirmant qu’elle est indispensable pour la transition écologique, elle tombe dans le pot commun des recettes de l’État et ne servira que minoritairement à financer ladite transition. L’État reprend à la pompe ce dont il a besoin pour compenser la suppression de la taxe d’habitation

Connaissez-vous la CVEC ?

Dans le souci légitime d’alléger le budget des étudiants, et peut-être de faire taire les polémiques sur la gestion calamiteuse des organismes en charge de cette Sécurité sociale spécifique, l’État a supprimé à la rentrée 2018 la cotisation à la Sécurité sociale pour les étudiants, qui s’élevait pour ceux non couverts par leurs parents à 217 € annuel. Les étudiants sont désormais rattachés au régime commun de la Sécurité sociale. Qui compense cette charge nouvelle ?

Mais en même temps il a instauré la Contribution de vie étudiante et de Campus (CVEC) par le décret n° 2018-564 du 30 juin 2018, en application de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018. Une 361ème taxe, impôt, cotisation, contribution… La CVEC est perçue et encaissée par le CNOUS (Centre National des Œuvres Universitaires et Scolaires) et ses 29 CROUS régionaux, qui deviennent ainsi collecteurs et répartiteurs de cette contribution volontaire obligatoire ; ce qui n’est pas un hasard, car ces derniers temps l’État avait sévèrement rogné de plusieurs dizaines de millions les dotations au CNOUS et aux CROUS au grand mécontentement des organisations étudiantes. Sachant qu’il y a 2,6 millions d’étudiants en France, mais en retenant l’hypothèse que 2 millions seulement seront redevables de la CVEC, la recette potentielle serait de l’ordre de 180 millions d’euros. De quoi calmer les têtes brûlées qui oseraient braver la hausse des carburants pour confectionner des cocktails Molotov. Les Gilets jaunes ça suffit, gardons-nous de reproduire mai 1968.

À quoi va servir la CVEC ? Les responsables de CROUS interrogés ne le savent pas eux-mêmes. Encaissons, on saura bien en faire quelque chose ! Une chose est sûre : les étudiants qui ne bénéficient pas des hébergements et services des CROUS cotiseront et n’auront droit à rien en retour.

Conclusion

Tant que nos responsables politiques de quelque bord qu’ils soient ne comprendront pas que l’avenir économique et social de la France passe obligatoirement par une réduction drastique de la pression fiscale et sociale, nous ne nous relèverons pas. Si l’on veut stopper le décrochage rampant auquel on assiste et pouvoir affronter les inévitables tempêtes futures (hausse des taux d’intérêts, éclatements de bulles immobilières ou financières), il faut s’y attaquer résolument, l’expliquer simplement aux Français et mettre réellement en œuvre les mesures qui s’imposent, au rang desquelles la réduction drastique des dépenses publiques. En attendant, les Gilets jaunes et les populistes fleuriront et nous tireront vers l’inconnu, hélas sans doute pour le pire.

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  • excellent article.bravo!
    oui il faut faire régresser les dépenses publiques, mais comment?
    La principale dépense publique est constituée de salaires incompressibles, Sans abroger le statut de la fonction publique et affronter les citadelles qu’elle a constitué, impossible de faire diminuer cette masse qui augmente mécaniquement (via les progressions de carrière et l’ancienneté) de 2% par an..
    Ensuite la myriade d’entreprises ,d’agences, de sous traitants, d’associations de toute nature, qui vivent d’argent public en ayant l’etat ou les collectivités pour seul client..la grande distribution , le commerce etc.. qui sont directement impactés par le niveau des aides aux ménages, des retraites etc.. des chômeurs ..etc..
    Ensuite les entreprises aidées , les entreprises zombies qui ne peuvent plus vivre sans subsides.

    Force est d’admettre que la france a choisi un chemin en 1945, en 1968, en 1981 , pour repousser les limites d’un contrat social « égalitariste » et jacobin qui l’a envoyée dans le mur.
    Si l’entrée en Europe avait un sens , c’est accompagnée par des reformes qu’il aurait fallu commencer ;Car on ne pouvait pas maintenir un tel systeme dans un ensemble ouvert , sans ajuster la monnaie par des dévaluations..elles n’ont pas été faites , le risque politique était trop grand, on en voit aujourd’hui la nature.
    On voit bien que « baisser la depense publique  » c’est changer le Systeme français a la racine, et que si on est au bout de quelque chose..Compte tenu des rigidités des uns et des autres on ne fera pas l’économie d’un chaos soit par l’aventure populiste , soit par la hausse des taux d’intérêts, et bien sur les deux dans le premier cas.

  • Il serait curieux de faire un Audit à tout les Ministères du Nombre de Fonctionnaires et Vacataires employés par celui-ci ….???

  • Pourquoi Macron n’arrivera à rien :
    1) Les français ignorent totalement le coût réel des services qu’ils consomment (un élève de collège coûte 8700 euros par an, un étudiant de fac 11 200 euros par an, une journée d’hôpital en réa 3000 euros, un poste de fonctionnaire à vie 3,5 millions d’euros (coût complet retraite comprise).. etc).
    2) La majorité d’entre eux s’en foutent complètement, sont incapables d’en mesurer l’efficience, et réclament encore plus de moyens et moins d’impôts pour eux-mêmes (bien qu’éventuellement plus pour les autres…).
    3) Le modèle social français ne s’équilibre budgétairement qu’avec 3 % au moins de croissance, ce qui n’est pas arrivé depuis plus de 30 ans (et n’arrivera plus jamais)
    4) Ce modèle étant structurellement déséquilibré, l’Etat emprunte systématiquement chaque année pour boucler ses comptes (actuellement 60 à 70 milliards) les déséquilibrant davantage et imposant un surcroit constant de fiscalité ;
    5) Sachant que la ponction fiscale atteint déjà un sommet (taux de prélèvement le plus élevé du monde) qui décourage les ménages, réduisant leur pouvoir d’achat, et saigne les entreprises qui, soit font faillite, soit réduisent leurs activités, soit s’en vont créer leurs richesses ailleurs.
    6) Tout cela dans un contexte où les français s’imaginent que c’est l’Etat qui crée des richesses , qu’il a pour vocation de les distribuer de manière juste et égalitaire, et qu’il existe des réserves financières illimitées chez les « riches » (partis depuis longtemps sous d’autres cieux), ou dans les entreprises (qui ont le niveau de charges le plus lourd du monde).

  • exact : ma taxe d’habitation a baissé et en même temps ma CFE a augmenté ;

    • ma taxe d’habitation est restée la meme car la communauté de commune a augmenté les impots Fonciers de 20% et le ramassage des ordures de 10%

  • claude henry , la cour des comptes pour le ministere des finances et des comptes public ..Comment voulez vous faire une gestion saine du personnel employé si vous n’en connaissez pas le nombre que vous employer…
    une entreprise connait le nombre de son personnel au chiffre près.. Comment pouvez vous faire entre recette et dépense un bilan financier de votre entreprise !!

  • «les Gilets jaunes et les populistes fleuriront et nous tireront vers l’inconnu, hélas sans doute pour le pire.»
    Si vous vous absteniez de répéter ce qe nous ressassent les médias, fidèles relais du gouvernement qui ne veut pas, et ne peut pas, remettre en cause ceux qui lui dictent sa politique?
    https://michelonfray.com/interventions-hebdomadaires/grandeur-du-petit-peuple

  • C’est toute une façon d’organiser l’administration qui est à revoir. Comment expliquer que pour un nombre d’élèves et de professeurs comparables, nous avons en France 3 fois plus de personnels administratifs à l’éducation nationale que en Allemagne ? Comment expliquer qu’on a doublé le nombre de fonctionnaires au ministère de l’agriculture en 40 ans alors que sur la même période, le nombre d’agriculteurs à été divisé par 4 ?
    Tant qu’on accepte pas de revoir l’organisation même des administrations où un certains nombre de personnes (ou de services) se suffisent à eux même et n’existent qu’en raison du gigantisme des organisations, on ne se sera pas attaqué au cœur du problème.

    Enfin, l’idée de supprimer une taxe locale pour la remplacer par une enveloppe donnée par le niveau central semble aller à l’encontre du bon sens. Une taxe locale, rendait localement, directement, responsables les élus devant les citoyens et ils devaient répondre devant eux du montant collecté et de son utilisation.
    Là, on se retrouve avec un système où chaque élu, sera incité à pleurnicher auprès du central afin de gratter le maximum, et les sommes ainsi attribuées (l’expérience a montré que ça se faisait plus par copinage que en fonction des besoins réels) seront plus facilement utilisées dans des dépenses clientélistes.
    Bref tout l’inverse d’un système qui responsabilise élus et citoyens, chacun cherchant à soutirer le maximum d’argent aux dépens de la collectivité.

    • Au risque de faire tâche, je ne comprends qu’on supprime la taxe d’habitation. Un impôt local pour des services locaux. Qu’on revoit son mode de calcul, ok, mais sur le principe, c’est un impôt qui se comprend tout à fait. Contrairement à beaucoup d’autres, ne serait-ce que l’IR.

      • Oui, je préfère aussi un impôt collecté et utilisé à l’échelon local. Ainsi les élus ont à s’expliquer directement sur ça collecte et sur l’utilisation des fonds qui est faite. Au lieu de ça, on a une énorme fiction, où chacun est incité à soutirer le maximum de pognon au détriment de l’ensemble.

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