Reconstruire une proposition libérale

Face aux renouveaux populistes et protectionnistes qui surgissent de toute part et du cœur même de notre civilisation, il faut combattre. Une tribune d’Édouard Fillias pour Génération Libre. OPINION.

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Reconstruire une proposition libérale

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 1 décembre 2018
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Par Édouard Fillias
Un article de GénérationLibre

On brocarde souvent les libéraux par la caricature. On les décrit, ad nauseam, tels les chantres idiots ou cyniques du renard libre dans le poulailler. Assimilés, ce qui est un profond contre-sens, à une classe de rentiers possédants et de patrons prédateurs, on les perçoit comme les agents du statu quo et de la prédation d’une élite sur le peuple.

Si seulement les contempteurs, éternellement satisfaits, du libéralisme, pouvaient lire Steven Pinker ou Johan Norberg, ils apprendraient que les progrès rapides du libre-échange depuis la Seconde guerre mondiale ont fait reculer la mortalité infantile, la guerre, les épidémies et l’analphabétisme, notamment des femmes, sans commune mesure dans l’histoire de l’humanité. Le concept de « pays en voie de développement » a disparu alors qu’avançait l’économie libre de marché et, dans une moindre mesure, la démocratie libérale.

Si le libéralisme ne se réduit pas au libre-échange, loin s’en faut, ce dernier en est une composante essentielle, au même titre que la liberté individuelle. La conviction que la liberté du commerce est une source de progrès social tout comme de performance économique est au centre de l’incroyable amélioration du sort de l’humanité.

Le débat tranché par l’Histoire

Alors pourquoi certains, nombreux, peuvent-ils encore attaquer le libéralisme comme au temps des soviets, comme si le débat entre Aron et Sartre n’avait définitivement pas été tranché par l’Histoire ? Nous voici avec une cohorte de commentateurs bien pensants, ultras de toutes sortes, qui ne voient opposer à leurs attaques aucune répartie. Ils sont figés dans les années cinquante, comme si le Venezuela de Chavez avait la moindre chance de succès, que Cuba était un modèle, comme si les prélèvements obligatoires n’avaient pas déjà atteint en France près de 50 % du PIB sans aucun impact positif avéré sur notre croissance ou notre emploi.

Pour expliquer ce rejet des libéraux, il est d’usage de rejeter la faute sur la culture française, parfois sur l’opposition historique des journalistes et intellectuels. Je crois que ce sont là des causes bien secondaires. La raison de ce hiatus est à chercher en nous-mêmes, qui nous définissons comme libéraux. Faisons amende honorable : les premiers à défendre le libéralisme, aussi désintéressés et volontaires qu’ils eussent été, et je compte parmi eux, ont fait de nombreuses erreurs. L’orgueil d’abord, d’avoir raison contre tous et de le claironner sans égard pour l’opinion de l’autre, dans une absence totale d’empathie. L’indifférence, ensuite, à l’évolution tragique d’une partie de la société en prise avec les ruptures brutales de la technologie et de la mondialisation.

Contre l’esprit de système

Mais la pire erreur que nous ayons commise, c’est l’esprit de système. Amoureux d’une logique intellectuelle, nous avons construit des cathédrales baroques de pensées, économiques, philosophiques, pour en explorer toutes les ramifications jusqu’à l’ordre libertarien, cette utopie glorieuse de la raison promue par Ayn Rand. Le rétrécissement de notre perspective à la seule question économique a contribué à cette cécité, comme si le seul enjeu qui vaille était la poursuite d’une concurrence pure et parfaite. Ce systématisme est malheureusement à l’origine du repli en nous-même. Et ce repli, de notre indifférence grandissante face à la réalité du monde. Professeurs, militants, hommes politiques libéraux en France sont devenus une caste, un peu isolée, consciente de sa différence mais impuissante à la partager au profit du plus grand nombre. Un triste destin alors que partout dans le monde ont triomphé nos vues, qui semblent aujourd’hui à nouveau contestées par le populisme et le protectionnisme, ces deux frères jumeaux maudits.

GenerationLibre, le think tank imaginé et conçu par Gaspard Koenig en 2013, signe le début d’un renouveau pour le combat des idées que nous menons depuis si longtemps. Il est le think tank libéral dont nous avions besoin pour ressourcer notre vision du monde dans les principes, tout en les confrontant aux réalités nouvelles. C’est l’œuvre d’une équipe qui est aussi une génération, différente, avec un rapport nouveau à la chose publique. Génération Libre s’est attaquée d’emblée à l’essentiel : d’un côté, le rôle de l’État et l’organisation de la protection sociale dans un monde ou le travail change, de l’autre, la technologie et ses conséquences profondes sur nos vies, et donc nos libertés.

La proposition de Generation Libre

Loin de tout esprit de système et de mesures mille fois visitées, avec l’humilité de faire appel aux meilleures expertises, Generation Libre reconstruit une proposition libérale. À travers ses travaux sur le Revenu Universel ou Liber, la patrimonialité des données, la GPA ou la dette publique, Generation Libre n’a cessé de renouveler les propositions libérales, basées sur un solide socle philosophique. Décriée parfois, critiquée souvent, l’œuvre du think tank ne laisse personne indifférent, comme en atteste son très vif succès médiatique. Il est désormais un interlocuteur incontournable pour tous ceux, élus, experts, de tous bords, qui font la décision publique. Il n’est pas étonnant, d’ailleurs, qu’il trouve ses premiers adversaires parmi certains libéraux eux-mêmes, surpris d’une telle audace.

Aujourd’hui, Generation Libre va plus loin et pose une question simple aux nouveaux transhumanistes : renoncer à la contribution majeure des Lumières et à notre civilisation pétrie d’humanisme et du droit individuel de propriété et de liberté, est-il souhaitable ? Gaspard Koenig, Maxime Sbaihi et leur équipe ont des racines, ancrées dans le passé, et une modernité : la technologie est un espoir, mais dans le tandem qu’elle formera demain avec l’humanité, pas comme une remise en cause de nos droits chèrement conquis.

L’avenir est donc à écrire. Face aux renouveaux populistes et protectionnistes qui surgissent de toute part et du cœur même de notre civilisation, en Italie, en Autriche, en Allemagne, aux États-Unis, il faut combattre. Face aux technologies qui vont changer nos vies radicalement et susciter de nombreuses questions, il faut nous donner des repères. Je sais que Generation Libre sera le fer de lance de cette action nécessaire.

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  • Ça faisait longtemps que j’attendais ce texte ici, il est enfin venu.
    Merci.

  • moi j’ai une question , comment le revenu universel , payé par toute la société peut il etre vécu comme libéral?
    N’est ce pas là meme le sens du Tout état?

    • @CHC: Il y a un moment ou pour résoudre un problème, on fait une entorse à la théorie.

    • Vous faîtes erreur. L’idée d’un revenu universel a été relancée il y a quelques décennies par le libéral Friedman – sous la forme d’un impôt négatif, qu’on retrouve aujourd’hui chez un autre libéral, Koenig.
      Si le sujet vous intéresse, vous en trouverez un bon plaidoyer dans un de ses derniers livres : Voyage d’un philosophe aux pays des libertés.

  • Edouard Fillias vous avez dit « Reconstruire une proposition libérale ».
    Il se pose alors la question de savoir quelle est la proposition libérale que vous voulez déconstruire!
    En France, pays de tradition Bonapartiste, le libéralisme n’a jamais eu droit de cité et cela en est l’explication de la situation actuelle que nous connaissons: un pays en déconfiture dirigé par des technocrates qui marchent à coté de leurs pompes!!…
    Le libéralisme n’étant donc pas aux manettes dans notre pays, le seul repaire que nous avons est le libéralisme de nos amis helvétiques qui a permis à ce pays d’atteindre l’un des plus hauts niveaux de vie de la planète.
    Personne ne peut contester que le revenu moyen des Suisses est plus que le double du revenu moyen des français…
    Je pense que la structuration du libéralisme français devrait commencer par copier largement tout ce qui a fait ses preuves chez nos voisins. Ensuite,lorsque nous auront atteint le niveau de vie des suisses, nous pourrions réfléchir à une reconstruction du libéralisme pour poursuivre dans l’amélioration du quotidien…

    • Certes la France est un pays à tendance collectiviste mais sans exclure toutefois les idées libérales. Il me semble que nos voisins sont plus pragmatiques (surtout les anglo-saxons et les asiatiques) donc plus sensibles aux principes libéraux (en fait à la réalité humaine). Chez nous tout est décidé de manière centralisé et théorique et donc deconnecté des réalités. Récemment j’ai revisité la cité des sciences après 30 ans et j’ai vraiment eu l’impression de me rendre en URSS aussi bien sur le plan architectural (que d’espace perdu par exemple) que pédagogique (faut être motivé). Quel gaspillage !

  • La Suisse accepte la richesse donc elle s’enrichît. La France cristallise la pauvreté en ruinant la richesse. Concernant les libéraux j’ai toujours été d’accord avec ce texte. Après Génération libre pourquoi pas. Mais ne nous privons pas des vieux puristes désagréables ils sont nécessaires pour construire un cadre solide. J’aimerais une entente des deux prouvant qu’ils peuvent s’associer au « peuple » et communier les idées comme des graines. Que ces graines deviennent des belles fleurs pour la France.

  • Le libéralisme est le moyen le plus naturel pour gérer un pays au plan politique et au plan économique. Le libéralisme doit consister en une philosophie de vie permetta

  • permettant à tout un chacun d’avoir le sentiment d’appartenir une entité nationale respectueuse des droits de chaque citoyen en suscitant l’envie de participer à une œuvre commune.

  • Quel que soit le parti ou l’idéologie, les politiques ont en commun la volonté de réguler, d’imposer, en bref s’occuper des affaires des autres.

    Pour se faire élire, il faut promettre aux gens de se mêler de leurs affaires, les gens comprennent ‘s’occuper des affaires du voisin’, et votent pour eux.

    Les libéraux, par définition, n’en éprouvent pas le besoin, ils n’ont pas ce besoin de regrouper les poules dans le poulailler industriel.

    Alors en disant ‘faites ce que vous voulez de votre vie, je ne vous empêcherai pas de le faire’, les gens, conditionnés par des décennies de socialisme, croient entendre ‘démerdez vous, ne comptez pas sur moi’;

    Ce ne sont pas les libéraux qui ne sont pas prêts pour le pouvoir, ce sont les électeurs/poules qui leur refusent le pouvoir d’ouvrir les portes.
    Ils préfèrent le confort de la vis à granulés à la liberté de gratter pour retrouver le goût des vermisseaux et des graines.

    Les libéraux pourraient aussi apprendre à mentir, mais il faudrait changer de nom….

    • vous avez très bien résumé la situation bravo

    • Très bien écrit!

      « les gens comprennent ‘s’occuper des affaires du voisin’  »

      Y aurait-il un moyen de faire comprendre à l’electeur que l’idée qu’il veut imposer à ses voisins lui reviendra au centuple parce que tous ses voisins lui imposeront chacun leurs idées?

  • La liberté ne devrait pas être un choix ou un luxe pour les seuls riches. C’est ce que les sans dents de France ne comprennent pas. La liberté conduit à l’égalité puis à la fraternité. Car c’est le seul moyen de s’enrichir. Sans argent rien n’est possible. Aussi il serait avisé que l’Etat commence à respecter notre argent pour montrer son respect au peuple. Tant que l’Etat trouvera plus intéressant d’asservir que de libérer rien ne changera. En tout cas pas en France sans une aide massive des médias généralistes (bfm wc, presse écrite, Internet). Toute cette cleptocratie qui vit si bien du malheur des autres. Le challenge est immense. Lutter contre le léviathan avec un canif alors même qu’il faudrait un lance roquettes.

    •  » La liberté conduit à l’égalité  »

      Vous pouvez préciser ce que vous voulez dire par  » la liberté conduit à l’égalité  » ? Juste pour éviter toute confusion sur le sens du mot.

    • Non la liberté ne conduit pas a l’égalité. l’égalité conduit au socialisme et le socialisme conduit a la faillite.
      La liberté c’est la décision de l’individu de vivre comme il l’entend sans porter atteinte aux autres et sans que les autres viennent lui dicter sa conduite pour répondre a une idéologie , ou a une croyance et encore moins a lui imposer un discours moral.

  • Je pense que la proposition libérale est déjà bien documentée par de nombreux et excellents think tanks comme l’IREF, l’iFRAP, le Cercle Frédéric Bastiat et ses excellents WE de la Liberté à Dax, l’Institut Molinari, Coppet et bien d’autres… Nul besoin de reconstruire une proposition libérale. Mais bien entendu tous les libéraux se réjouissent que Génération Libre vienne s’ajouter à la liste des think tanks libéraux et apporte sa contribution.

  • @Le nouveau, c’est la déclaration des droits de l’homme. C’est dans cet ordre. Pourquoi à votre avis ? C’est un système inclusif comme en maths avec les bulles. A englobe b qui englobe c. Aujourd’hui l’Etat nous dépossède complètement de notre humanité en nous asservissant. Où est la liberté quand on paye 57% du PIB pour des technocrates. Où est l’égalité quand des fonctionnaires s’octroient des droits supérieurs aux autres citoyens. Où est la fraternité quand on supprime liberté et égalité ?

    • @ golum,

      Merci pour ces précisions. Effectivement vos propos sur l’égalité sont justes. Rien à voir avec l’égalitarisme socialiste.

  • Si en premier lieu, on redonnait au mot démocratie un peu de contenu, â savoir la liberté du citoyen face à l’Etat et la possibilité pour les citoyens de décider vraiment de ce qui les concerne?(sans étre manipulés par une caste médiatique aux ordres d’une oligarchie…)

  • @chc, je ne suis pas l’auteur de la DEH. L’égalité devant la loi. Le libéralisme ne dit rien d’autre. Que Macron préfère répondre à ses maîtres plutôt que de craindre le peuple est la route vers la guerre civile.

  • Sur la démocratie:

    https://www.amazon.fr/Depasser-democratie-solidarite-prosperite-publiques/dp/1482344181

    Je crois que les Français commencent à chercher. A essayer de comprendre. Je souhaite pour 2019 une avalanche de libéralisme dans les médias.

    Que l’on retrouve enfin notre dignité humaine et le respect des autres.

    Mais il faudra probablement ensevelir l’Elysée sous une grosse couche de merde fraîche pour aider son locataire à mieux comprendre le peuple qu’il gouverne avec une main fiévreuse et pas inspirée.

    Oui, les limaces Françaises peuvent se transformer !
    Espérons en lions affamés d’espaces et de liberté.

    • Pour l’instant je les trouve surtout affamé de faire payer les autres à leur place, suffit de voir les revendications des gilets jaunes…

  • @chc ?
    Je ne suis en rien un expert du libéralisme. A priori les libéraux ne sont pas d’accord avec les mêmes choses (cf revenu universel par ex). Il y a un consensus pour dire moins d’Etat, moins de taxes, moins de lois, plus de liberté et de responsabilité. Pour moi c’est surtout l’urgence de supprimer le statut des fonctionnaires. Supprimer les avantages et les niches. Redonner du souffle aux gens.

    •  » Il y a un consensus pour dire moins d’Etat, moins de taxes, moins de lois, plus de liberté et de responsabilité. Pour moi c’est surtout l’urgence de supprimer le statut des fonctionnaires. Supprimer les avantages et les niches. Redonner du souffle aux gens.  »

      Un expert du libéralisme ne dirait pas mieux.

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