Gilets jaunes : vers un État plus violent ?

Mais que sont devenus les corps intermédiaires qui servaient de contrepoids à l’État ?

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Gilets jaunes by Thomas Bresson (CC BY 2.0)

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Gilets jaunes : vers un État plus violent ?

Publié le 26 novembre 2018
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Par PABerryer.

Alors que les manifestations de samedi ont été particulièrement mouvementées tant dans les rues que dans les mots de nos dirigeants, il faut revenir sur les propos de président du Sénat, Gérard Larcher.

Cette semaine, il a soutenu le mouvement dit des Gilets Jaunes en proposant la suppression de la hausse des taxes sur le carburant prévue pour janvier. Il s’est également déclaré en faveur de la proposition du dirigeant de la CFDT de réunir les corps intermédiaires.

Le premier point, la suppression de la hausse des taxes, est frappé au coin du bon sens et ne sera donc pas retenu comme l’a encore rappelé François de Rugy, la dernière caution écologique du gouvernement. L’État étant plus que jamais aux abois financièrement, puisqu’il continue d’augmenter ses dépenses sans frein, il a plus que jamais besoin d’argent frais. Il ne cessera donc pas ses rapines et continuera à trouver des prétextes plus ou moins bidon comme l’écologie pour continuer.

Les annonces faites pour tenter de calmer les choses ne sont qu’un écran de fumée : l’argent promis ne compensera pas la ponction et, surtout, la complexité des démarches est telle qu’il est improbable que les potentiels ayants droit à ces aides les réclament. Bercy a fait ses comptes, l’opération restera rentable et ne sera pas annulée.

Le second point, la réunion des différents corps intermédiaires, est des plus intéressants tant cette crise des Gilets jaunes illustre leur affaiblissement dramatique. Tous, communes, syndicats, fédérations professionnelles, associations, ont été court-circuités et considèrent avec réticence ce mouvement qui sort des cadres habituels. Ils n’en sont pas à l’origine et ne parviennent pas à le canaliser. Ces traditionnels corps intermédiaires ressemblent désormais à des coquilles vides et même la conférence proposée par le président de la CFDT ne pourrait probablement pas y changer grand-chose.

L’État est le premier responsable de cette situation de dépérissement des corps intermédiaires. Depuis la Révolution française, il a été leur premier ennemi. Il les a détruits en 1789, au nom de l’unité et de la centralisation du pays, et ceux qui survécurent furent sans cesse brimés, contrôlés, régulés.

C’est sans doute la plus grande faute de la Restauration que de ne pas avoir jeté à bas l’héritage révolutionnaire en matière de centralisation : les départements et les préfets ! Dans cette affaire des Gilets jaunes, l’État joue la carte de l’intimidation face aux manifestants ; il est le plus fort et ses besoins d’argent dictent la marche à suivre. Ses rodomontades ont un fort parfum d’hypocrisie tant il ne montre habituellement pas une telle détermination quand les grévistes fonctionnarisés habituels paralysent la France : SNCF, RATP ou Air France.

Quel rôle pour les corps intermédiaires ?

Ainsi, aujourd’hui, quel rôle peuvent jouer les corps intermédiaires ? A priori, aucun. Les communes sont toutes logées à la même enseigne avec peu de marge de manœuvre tant et si bien que la moitié des maires ne veut pas rempiler en 2020.

Seuls ceux des plus grosses agglomérations tirent leur épingle du jeu, mais rarement au profit de leurs administrés. Une grosse mairie est une baronnie bien sympathique et permet de jouer au pseudo féodal comme en témoigne l’exemple de Gérard Collomb.

Les fédérations professionnelles cherchent davantage à maintenir leurs privilèges que de servir leur profession ; les syndicats pèsent 8 % de la population active dont, pour l’essentiel, des fonctionnaires. L’État a corrompu les corps intermédiaires afin qu’ils n’entravent pas le mouvement de centralisation opéré à son profit depuis plus de deux siècles.

La situation actuelle commence à ressembler fortement à celle de certains courants se rattachant au jacobinisme c’est-à-dire à l’émancipation, fut-elle forcée, de l’individu comme le rappelle si bien Rousseau, à savoir forcer l’individu à être libre1 : désormais pratiquement plus rien ne sépare l’individu de l’État.

La violence de l’État risque de s’amplifier

Comme l’on pouvait s’y attendre, cela risque moins de déboucher sur une ère de liberté que sur une période de grande violence de l’État à l’encontre des individus. En effet, pratiquement rien ne se dresse désormais pour faire barrière, mais cela permettra peut-être de lever le voile sur la violence inhérente de l’État moderne corrompu et incapable d’assurer ses fonctions régaliennes, préférant favoriser sa propre clientèle, c’est-à-dire les fonctionnaires. Cette violence de l’État ne s’arrêtera plus et, lorsqu’il faudra de nouveau l’enchaîner, cela ne se fera probablement pas dans le consensus.

Il faut dès lors s’attendre à davantage de mouvements de type Gilets Jaunes et davantage de violence de la part de l’État. Rien de bon, en particulier pour les libertés individuelles, ne sortira de ces affrontements. Pourtant, un rien suffirait à changer les choses :

  • Supprimer la réglementation actuelle en matière syndicale et laisser émerger de nouvelles organisations ;
  • Laisser aux individus impliqués la liberté de fonder des fédérations professionnelles et d’y adhérer, ou pas ;
  • Restaurer les libertés communales, c’est-à-dire la libre organisation et administration des communes. Rien de plus étrange que d’uniformiser les élections municipales alors que chaque commune a ses propres problématiques.

Libertés, autonomie et choix sont à même de permettre aux corps intermédiaires de se reconstruire sur des bases saines et de servir utilement non seulement de contrepoids à l’État mais également d’interlocuteur représentatif.

Il faut tourner le dos au jacobinisme et au centralisme pour permettre à une société libre de fonctionner correctement. Cela implique, de la part de l’État, une redéfinition de son action à travers une application étendue du principe de subsidiarité et une réduction drastique de son domaine d’activité. Aucun espoir à avoir sur le court terme tant l’État ne semble pas vouloir renoncer à ses prédations. Plus le temps passera, plus sa folie taxatoire continuera et plus s’estompera la différence avec la mafia.

  1. « Afin donc que le pacte social ne soit pas un vain formulaire, il renferme tacitement cet engagement qui seul peut donner de la force aux autres, que quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on le forcera d’être libre (…) » Du Contrat social, L. I, Chapitre VII.
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  • Je ne partage qu’à moitié cette analyse et pas du tout la conclusion. Pour moi, il y a une crise de la haute fonction publique, incapable d’entendre autre chose que sa propre voix. Pour contrebalancer le pouvoir autistes des « experts » je n’entrevois que deux remèdes vigoureux :
    1. une assemblée nationale plus représentative des Français (introduction de la proportionnelle)
    2. des RV périodiques de démocratie directe par le biais de référendums (cf votations suisses)
    Voilà qui me semble être la seule chose capable de mettre un terme à la tentation jacobine permanente de ce pays ainsi qu’à son indécrottable immobilisme.

    • 1. Une assemblée élue à la proportionnelle çà change quoi ? Ok, elle sera un peu plus représentative des idées des français. Et alors ? Je ne me satisfais pas de la loi du plus fort, même si le plus fort est élu à la proportionnelle ou qu’il a mes idées.
      2. Des rdv périodiques ( comme les serviettes ? ) pour demander l avis du peuple. La aussi, la majorite imposera à la minorité. Vous allez me dire c est le principe de la démocratie. Merci je sais, mais je ne suis pas démocrate. Je crains d être au delà…
      Bref je ne vois pas bien ce que vos propositions ( qui sont également celles de Merluche et Penle, sans que je dise que vous avez leurs idées, entendons nous bien ) changent fondamentalement à ce gros merdier qui s appelle État.
      Liberté, responsabilité, respect du droit de propriété, droit à la sécurité et à la poursuite de son propre bonheur. Le reste c est du pipeau d étatistes qui sait mieux que moi comment je dois vivre.

      • 1) une Assemblee a la proportionelle rendra l Assemblee ingouvernable. On a eut lex sous la IV republique. C est les petit parti avec 1 ou 2 deputes qui feront la loi en s alliant afin de donner une majorite (c est comme ca que Mitterrand a ete ministre quasiment tout le temps). On peut voir se phenomene deletere en action aujourd hui par ex en Israel

        2) dans le systeme suisse, c est plus subtil que ca. les votations poussent au consensus (autrement dit pas 51 % pour qui imposent leur vue aux 49 % contre). En tout cas, ca serait une grosse force de rappel pour nos enarques qui decident sans se preocuper de ce que la « populace » veut. Un Systeme de votation eviterai que les gens doivent descendre dans la rue et tout casser pour se faire entendre (ce que je ne soutiens pas mais c est helas la seule facon de faire avancer ses demandes en France)

        • La Belgique a été sans gouvernement pendant près de 2 ans. Et pendant ce temps, l’état du pays s’est légèrement amélioré. Il y a assez de lois inutiles en France. Inutile d’en rajouter, sauf à devenir le Brésil sans le soleil…

        • Les cas des « petits partis » peut se régler avec le système d’élection : est-ce qu’on favorise le parti gagnant (prime à la majorité) ? Est-ce qu’on favorise les « petits partis » (reliquats de sièges accordés aux partis n’en ayant pas encore, en cas de fractions dans les résultats)
          etc.

          Une assemblée proportionnelle a un effet de bord intéressant : plutot que de s’allier sur des promesses (système français d’alliances entre les 1er et 2e tour d’élections), on s’alliera sur des actes concrets après élections (système allemand).

      • Il ne faut pas mélanger proportionnelle avec autre chose au sein d’une même assemblée, au risque de rendre illisible sa représentativité.

        Les députés actuels, élus de circonscriptions sont censés représenter les localités et leurs spécificités.
        Une assemblée proportionnelle représenterait les opinions des français au niveau national.

        Il nous faut deux assemblées : une 100% proportionnelle, et une 100% locale

    • Pour le Sénat, renforcer ses pouvoirs. Pour l’Assemblée, renouvellement par moitié ou par tiers tous les 2 ans, et même en cas de dissolution, pas de changement de ce calendrier.
      Mais l’important est de mettre en place la subsidiarité, avec un recours possible à une annulation constitutionnelle chaque fois qu’une décision remonte plus haut qu’il n’est absolument nécessaire.

  • Les corps intermédiaires n’ont pas disparu…

    Ils font partie (du moins leur structure et leurs apparatchiks) de cette « État Profond » très bien décrit par Jacques Besnard dans son livre « La Droite imaginaire », récemment évoqué dans ces colonnes…

    https://www.contrepoints.org/2018/11/25/330947-portrait-de-la-droite-de-la-revolution-a-nos-jours?utm_source=Newsletter+Contrepoints&utm_campaign=ee1d6ff77b-Newsletter_auto_Mailchimp&utm_medium=email&utm_term=0_865f2d37b0-ee1d6ff77b-114246365&mc_cid=ee1d6ff77b&mc_eid=f6f1e69b63

  • « Il les a détruits en 1789, au nom de l’unité et de la centralisation du pays, et ceux qui survécurent furent sans cesse brimés, contrôlés, régulés. »
    Pire, il les a surtout financés, ce qui est le meilleur moyen de les asservir. Une démocratie ne peut exister sans contrepouvoirs indépendants de l’Etat au sein la société civile. Mais ils ont tous été phagocytés. Le processus a souvent été le suivant: 1) des instances représentatives diverses naissent naturellement, 2) l’Etat leur demande de se regrouper en « fédération » (parents d’élèves, usagers de la santé etc…), 3) la fédération devient le seul interlocuteur… qui, à ce titre, reçoit des subsides du pouvoir. Fin de la représentation réelle de la sociéte civile. Le financement des associations et des médias est bien sûr également un élément clé de ce système totalitaire.

  • Et François de rugir… Mais que sait-il fait d’autre cet individu obtus ❓

    • J’imagine qu’il sait flatter ceux qui l’ont propulsé si haut, en totale contradiction avec l’étendue de ses compétences.

  • Les corps intermédiaires sont comme la langue d’Ésope. Bénéfiques en épaulant l’individu contre l’État, problématiques quand ils enferment l’individu dans une communauté religieuse ou ethnique.

    L’équilibre parfait est difficile à trouver, mais dans le cas de la France il est clair, comme le souligne l’auteur de l’article, que le problème est de trouver un contrepoids à un État qui sert d’abord les intérêts de la caste des hauts fonctionnaires qui ont monopolisé la représentation politique.

    Ils lâcheront d’autant moins facilement que leurs opportunités de carrière dans le secteur marchand se réduisent parce que les grandes entreprises sont de plus en plus mondialisées avec des actionnaires qui ne sont pas impressionnés par les compétences des énarques.

    • @Aristote (quel beau pseudo) A mon avis, le problème fondamental du pays et des autres, c’est la représentation nationale. Instituée pour faire entendre à Paris la voix du petit peuple, elle s’est transformée en une sélection de tout ce qui est à la fois sans cerveau , sans conviction et avec de gros appétits financiers.
      En résumé : les élections ne sélectionnent plus que des mafieux.

  • Une simple question, quelles sont vraiment les barrières à la création d’un nouveau syndicat? Pourquoi de nouvelles organisations ne peuvent-elles pas émerger?

    J’ai l’impression qu’il suffirait de rassembler quelques salariés d’une même entreprise pour pouvoir créer un syndicat.

    Merci de votre réponse

  • quand un gouvernement a la majorité absolue autant supprimé la dite assemblée , cela fera des economies !!!!

    • Les parlementaires étaient habituellement un poil moins soumis par le passé. C’est une première, le parti qui a remporté l’élection présidentielle « assume » que ses élus à l’Assemblée ne sont là que pour répercuter la volonté du parti central, et qu’aucune dissidence (ou réflexion) n’est tolérée…

  • Voltaire avait écrit: « la politique est un moyen donné à des gens sans scrupules de diriger des gens sans mémoires ». Précédemment, Bossuet avait dit: Dieu rit des hommes qui chérissent les causes dont ils déplorent les effets ». Ces deux affirmations se sont aujourd’hui agrégées. Les corps intermédiaires se sont nourrit des bienfaits de l’état et ne peuvent donc plus jouer leur rôle d’intermédiation. Le peuple a chéri Macron et aujourd’hui déplore son cynisme, à juste titre. Cette somme est une des cause de la désespérance à laquelle notre peuple est confrontée. Dieu, doit avoir un sourire  » en coin » s’il n’est pas occupé ailleurs.

  • Tout le monde ici sait qu’il faut réduire drastiquement le périmètre de l’Etat. La question c’est comment ?
    Comment faire entendre raison à notre énarque président, à ses séides, à ses émules, à ses concurrents, bref à la totalité de nos prétendues élites politiques ? Croyez vous qu’ils ont la moindre intention de lâcher un tel fromage ?
    Comment se faire entendre tout simplement, quand le système « démocratique » est basé sur l’envie et la jalousie la plus crasse ?

    • Commençons par faire entendre nos propositions aux gilets jaunes. Il y a de bonnes chances qu’ils nous écoutent, et que nombre d’entre eux se rendent compte qu’elles apportent quelque chose à leur situation, quand celles de FI ou RN ne visent qu’à nommer d’autres rats au palais des fromages.

    • @Synge : Réduire le périmètre et restaurer un contre-pouvoir (cf l’article), ce n’est pas la même chose.

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