L’interventionnisme contre-productif de l’Union Européenne

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L’interventionnisme contre-productif de l’Union Européenne

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 2 novembre 2018
- A +

Joie, bonheur et saucisses industrielles : l’Europe s’occupe encore et toujours des interwebs. Joie, bonheur et fourchette en plastique : elle le fait pour les mauvaises raisons, s’y prend mal et obtient le contraire de ce qu’elle espérait. Tout se déroule donc comme prévu.

Afin de préciser ma pensée, point n’est besoin de revenir fort en arrière : il suffira de remonter il y a cinq mois de cela. On se rappellera en effet que fin mai entrait en application le fameux Règlement général sur la protection des données (RGPD).

Pour ceux qui n’auraient pas suivi, l’idée était au départ d’enfin limiter l’usage abusif par les sociétés commerciales des données récoltées auprès des internautes lors de leurs visites sur les sites web et autres applications diverses, variées et mobiles. Pour ce faire, le Règlement entendait imposer un certain nombre d’enquiquinements administratifs et techniques aux sociétés en question, et ce afin de garantir à l’internaute que ses données personnelles ne seraient pas sauvagement abusées au détour d’une ruelle internet sombre.

Comme d’habitude, le règlement ainsi imposé partait d’un bon sentiment aussi idiot que mal défini par les députés européens, frétillants d’aise lorsqu’il s’est agi de voter ce nouvel embarras, mais complètement inconséquents lorsqu’il s’agira d’en mesurer les effets délétères. Au départ, les cibles étaient claires : il était temps de mettre un frein décisif à Google, Facebook et ces autres grosses entreprises américaines venues, jusque dans nos bras, piller les données de nos filles et nos compagnes.

Et sans surprise, lors de l’application de ce règlement, en mai dernier, je notais (plus ou moins goguenard) déjà des petits effets de bords indésirables : diminution drastique des revenus publicitaires de certains sites (très majoritairement européens) qui ont, depuis, dû largement revoir leurs méthodes de travail, accès devenu impossible pour des Européens à des sites Nord-Américains par simple refus d’appliquer ce règlement coûteux, et surtout, absence totale de toute application de ce règlement aux données captées par les États et leurs administrations.

Bref, tout montrait déjà que ce RGPD était une fausse bonne idée.

Depuis, quelques mois se sont écoulés et des signes supplémentaires d’un ratage complet de la cible s’amoncellent : non seulement les données des individus ne semblent pas plus protégées, mais en plus et au contraire même du but affiché, ce règlement semble avoir augmenté l’hégémonie des principales entreprises américaines sur les réseaux.

On apprend ainsi que, loin d’avoir donné des armes aux utilisateurs contre les éventuels abus de Google et d’autres concernant leurs données, ce règlement semble bel et bien avoir accru la part de marché de Google dans la gestion des pisteurs publicitaires. Et si le nombre de ces pisteurs a bien diminué (et pour cause, leur existence pouvant contrevenir à ce RGPD), seuls ont survécu ceux de sociétés ayant les capacités de coller à la nouvelle règlementation en vigueur.

Autrement dit, le RGPD a tout simplement aidé Google à se débarrasser de ses concurrents européens en leur rendant plus délicate la tâche de conformité aux normes imposées. Et si le nombre de ces pisteurs a effectivement diminué sur pas mal de sites, il a en revanche progressé pour Google et sa régie publicitaire.

En somme, tout se passe comme si le règlement, pondu par nos futés députés, avait aidé Google au lieu de lui mettre des bâtons dans les roues. Bien joué.

Cette petite odeur de moisi qui pourrit l’atmosphère européenne et ses règlements à la con pourrait n’être que passagère et seulement le résultat d’une mauvaise décision alors que, le reste du temps, tout se passe finalement bien dans le monde merveilleux de la Normalisation Forcenée du continent européen.

Il n’en est rien : ce qui s’est passé avec le RGPD n’est que l’une des occurrences de ces idioties auxquels nos parlementaires nous habituent avec une constance qui frise l’abnégation. Se tirer des balles dans le pied n’est ni un accident, ni un sport extrême rarement pratiqué, mais bien une véritable tradition soigneusement entretenue et exécutée avec une régularité quasi monomaniaque.

C’est ainsi que, depuis des années, les politiciens européens entendent briser des monopoles comme Don Quichotte entendait briser des géants (avec du même le même résultat pitoyable). Il en est allé ainsi de Microsoft qui devait, à tout prix (et avec une forte amende) séparer son système d’exploitation informatique de son navigateur internet, ce qui fut aussi grotesquement inutile que coûteux avec l’apparition de navigateurs bien plus performants et heureusement indépendants de la volonté du législateur (sans quoi nous aurions écopé d’une infâme usine à gaz subventionnée).

De la même façon, cela fait des années que l’Union Européenne et ses fins politiciens entendent briser l’affreux « monopole » de Google, soit sur les moteurs de recherche, soit sur la publicité, soit sur les systèmes d’exploitation pour téléphones portables, soit (introduire ici un marché juteux difficile à taxer encore plus sans se faire repérer).

À force d’essayer, les instances européennes y sont parvenues : Google a récemment écopé d’une amende, évidemment record (d’un peu plus de 4 milliards d’euros), pour avoir méchamment profité de sa position dominante dans le domaine des systèmes d’exploitation et dans les outils de recherches sur téléphones mobiles (ici, Android donc). Et quand bien même la firme américaine a dernièrement fait appel, elle a dû débourser ces milliards dont on sait déjà qu’ils seront forcément employés pour de beaux objectifs et de saines aventures.

Manque de bol, Google n’entend cependant pas se laisser faire : puisqu’on lui impose de proposer des systèmes d’exploitations totalement libérés de tout lien avec ses outils de recherche et de marketing publicitaire, la firme américaine propose donc de fournir Android, ou bien packagé gratuitement avec ses outils traditionnels, ou bien libre de toutes ces offres et, dans ce cas, à des prix savamment étudiés.

Autrement dit, un fabricant de téléphone pourra, conformément aux demandes européennes, disposer d’un système Android nettoyé de toute influence de Google, mais à un prix allant de quelques euros à plus de 30. Ce qui revient à augmenter mécaniquement de ce coût le prix des téléphones mobiles Android « sans Google ».

Selon toute vraisemblance, les fabricants et les consommateurs ne verront donc aucune différence : Google conservera l’intégralité de son hégémonie, et l’Union Européenne se sera une nouvelle fois ridiculisée tant l’impact effectif sera parfaitement invisible. Et puis, réussir à faire payer par le consommateur un produit au départ intégralement pris en charge par une société privée, c’est tout de même une belle réussite pour le politicien moyen, non ?

Quant aux 4 milliards encaissés pour le moment, il est plus que probable que les Américains les récupèreront amplement en répondant du berger à la bergère via l’une ou l’autre loi arbitraire sur les productions européennes (nombreuses, dodues et très exposées).

De ces guégerres minables, de ces réglementations idiotes, les consommateurs et contribuables de ces deux continents seront les grands perdants, comme d’habitude.


—-

Sur le web

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  • La propriété privée étant inaliénable, celle de nos données personnelles ne fait pas exception à la règle.
    Plutôt que de réglementer l’usage de nos données une fois qu’elles ont été récoltées, le RGPD aurait du seulement s’intéresser à la sauvegarde de notre propriété de ces données.

    • Bonjour cachou
      Propriété et vie privée ne sont pas les mêmes choses. Les données collectées par les acteurs du net ne relèvent ni de la propriété privée, ni de la vie privée. Ce sont des données que vous avez fournies aux acteurs du web et ces données appartiennent à ceux-ci, comme tout fichier de clientèle.
      Quand vous allez le matin chercher votre baguette chez votre boulanger, la boulangère vous fait un grand sourire et un bonjour Mr Cachou; « une baguette bien cuite comme d’habitude ? ».

      Vite une loi RGPD pour les boulangers.

      • Une meilleure analogie que votre aimable boulangère serait plutôt une douzaine d’espions mal déguisés qui vous suivent du matin au soir quand vous sortez de chez vous, notent tout ce que vous faites et gravent ça dans le marbre.
        La seule manière d’y échapper est de rester chez vous.

        Au début, ils ne sont pas bien méchants. Ils vous crient parfois des slogans publicitaires. Mais qui sait ce qu’ils en feront dans 10 ans, 30 ans?

        Cela ne veut pas dire que le RGPD est une bonne chose, toute réglementation favorise les plus gros acteurs, qui peuvent amortir les coûts fixes sur un plus grand volume.

        Ce qu’il aurait fallu est une application claire de la responsabilité civile en cas de mauvais usage des données, y compris en cas de piratage.

        Vous collectez des données, très bien, mais vous en êtes responsable. Si vous vendez ces données, vous continuez à en être responsable, quitte à vous retourner ensuite contre votre client, si l’usage des données porte préjudice à quiconque.

        • Bonjour Tamraf
          Mais vous pouvez surfer anonyme, effacer vos cookies, avoir un moteur de recherche anonyme, utiliser Tor si vous êtes paranoïaque.
          Mais je n’ai pas le choix quand ma déclaration est préremplie par Bercy, ils ont mes informations banquaires.
          C’est tjs la meme chose, il y a un pb, au lieu de régler le pb par vous même, vous vous retournez vers l’état nounou au lieu de vous prendre en charge comme un adulte.
          SOYEZ ADULTE.
          Ne comptez pas sur l’état pour vous aider.
          Prenez vous en charge.

          • Je demande simplement que les acteurs du web soient responsables de leur actes et vous me sortez l’état nounou. Si je vous casse votre voiture et que vous me mettez au tribunal, c’est aussi l’état nounou?

            Je suis adulte et je ne compte certainement pas sur l’état. C’est probablement lui aussi qui ferait le plus grand mal avec les données récoltées. Regardez ce qui se passe en Chine avec le « score social ».

            Bizarrement, l’état s’est exonéré du RGPD…

        • @ Tamraf

          Évidemment que vous ne pouvez pas mettre à l’abri des choses aussi publiques que vos nom et prénom, date de naissance, adresse, profession et votre statut (célibataire, marié …): tout cela est public!
          Mais par internet, là on a besoin de vigiles et de défenseurs: franchement, j’ai acquis plusieurs filtres et je ne me trouve pas du tout incommodé par une invasion publicitaire de mon écran! Même Google me prévient et me déconseille d’ouvrir la pièce jointe d’un spam!
          Donc non, j’ai l’impression que, cette fois, h16 se bat contre des moulins.
          On verra bien l’efficacité du RGPD lors du premier procès sur ce motif, comme c’est la règle!
          Alors anti-U.E. de principe (comme beaucoup de Français)?

      • @ Gillib : Les données personnelles sont une partie de l’identité, et à mon sens sont plus proches encore de la personnalité que la propriété d’un bien.
        Cette collecte de données tous azimuts est susceptible d’apporter des progrès considérables, mais le problème est que l’on ne sait pas exactement ce qui est capté, par qui et pour qui, pour quoi faire, etc … Le seul moyen pour en garder le contrôle est de se cacher avec les lourdeurs que cela entraîne, ou de s’extraire du système.
        Considérer qu’au départ ces données sont notre propriété aurait l’avantage de continuer à en permettre le partage contre un service comme actuellement, mais en gardant un contrôle total sur leur utilisation future : préservation, location pour un but précis, vente ou don, etc …, comme pour n’importe quel autre titre de propriété.

        • Compliqué à mettre une limite à ce que vous considérez être des données privées.
          Votre identité n’est pas vraiment privée : c’est l’Etat qui vous a délivré vos papiers d’identité (ainsi que la carte Vitale, etc). Est-ce que vous comptez demander à l’Etat une rémunération contre l’utilisation de ces données, de quelque manière que ce soit ?
          Puis, qu’est-ce que vous comptez vouloir protéger, à part l’identité à proprement parler ? Votre adresse ? Vos numéros de téléphone ? Votre situation familiale ? Vos études ? On peut continuer comme ça à l’infini, mais à un moment donné il faut s’arrêter aussi…
          Ce qui est plus problématique, ce sont les vraies données que nous mettons à disposition, souvent sans trop faire gaffe, comme par exemple vos photos privées que vous stockez sur le cloud. Dans la plupart des cas, une note de bas de page dans un (très) long document de conditions générales stipule que, une fois transmises, ces données deviennent la propriété de la société qui les gère.
          Et c’est là où l’attitude des « responsables » politiques européens (tout à fait irresponsables, en fait, au passage) est inacceptable. Car, au lieu d’encourager la concurrence et l’émergence de nouveaux acteurs (pour que le client ait vraiment le choix), les réglementations produites ne font que renforcer la position dominante des GAFAM. Mais, comme leurs propres poches leur sont plus près… ils ne s’intéressent plus aux nôtres, c’est humain.

          • Oui, identité n’était pas le bon terme.
            Individualité aurait peut-être été meilleur, et ça concerne effectivement les photos et vidéos, documents, mails, tracés de déplacements, données médicales, etc … et non les caractères « publics » de l’identité.

  • Bruxelles fait décidément tout pour couler l’Union européenne. Déjà qu’en 1995 55% avait voté contre je n’ose imaginé ce que cela donnerait aujourd’hui après toutes ses nuisances et ses âneries!

    • @ Virgile
      Mais non, ce n’est pas « Bruxelles » mais bien les députés européens (et donc Français) qui ont voté ce texte (relisez l’article si vous ne me croyez pas).

  • il faut bien que toute cette bureaucratie européenne (fonctionnaires doublement payés et non imposés) s’occupe, vu qu’ils n’ont pas à gagner leur vie !
    donc aux prochaines élections : voter, éliminer (Coluche).

    • @breizh
      Bonjour,
      S’ils étaient à ne rien faire, ce serait des emplois fictifs et au pric qu’ils nous coûtent, ils auraient quelques soucis.

    • @ breizh
      D’abord les fonctionnaires européens ne votent pas les lois, mais les députés dont un certain nombre de Français!
      Ensuite l’administration de l’U.E. à Bruxelles est équivalente à celle de la seule Ville de Paris pour 450 millions d’Européens: ça n’a rien d’exagéré! Mais l’U.E. est ouverte à toute candidature de tous pays, pour autant que vous ayez une compétence et la pratique de plusieurs langues: on gagne bien mais pas pour rien!

      • les fonctionnaires européens élaborent ces directives sans contrôle direct des citoyens européens. Vu le résultat de ces élaborations, ils sont trop nombreux (et trop payés pour ce qu’ils font, je maintiens).

  • Nos futés députés, du moins se trouvent-ils ainsi, commencent ainsi, osés. Ils finiront par des députés dépités à cette vitesse. Il va falloir créer l’anti-député.

  • STF , le gouvernement fait une loi , le parlement la vote , la majorité absolue . l’on peut considérer comme emploi fictif , lorsque
    vous avez 56 députés présent pour voter une loi … le reste est un emploi fictif ? ils ne sont là pour voter ..!!!

  • Le problème typique des technocrates : la réalité n’existe pas en dehors de leurs normes…

  • Les GAFAM doivent avoir mis en place un lobby extrêmement efficace à Bruxelles.
    Et ce n’est pas une blague.

    • @ durru
      Mais évidemment!
      Et il y a d’ailleurs un registre des lobbies pour l’accès aux différents paliers de la commission, du parlement ou de l’administration. Aucun état européen n’est aussi démocratique et transparent que l’U.E.: c’est évidemment la condition de fiabilité pour tous les états! Le plus est évidemment que tous les états-membres soient au courant de tout, sans forcément faire de même vis-à-vis de leur population, j’entends bien!

      • Monsieur, vous employez une langue à vous, propre et personnelle.
        Je ne comprends pas du tout pourquoi l’UE, avec ses mécanismes de délégation de responsabilité, avec ses nominations par élection indirecte (à la Commission, par exemple) à partir d’élus eux-mêmes souvent élus de manière indirecte (premiers ministres, par exemple), serait « démocratique ». Quant à l’autre adjectif, « transparent », on repassera.
        En ce qui concerne les lobbies, vous trouvez peut-être normal d’encourager les rentes de situation. Un libéral, par contre, non.

  •  » Des productions européennes dodues…  »
    Comme j’ai rigolé !
    Et j’en rigole encore… 🙂

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