Taddéï était de retour hier soir sur une chaîne publique

Débat policé autour du libéralisme, hier soir sur Russia Today France. Avec Frédéric Taddéï en meneur de plateau, on se serait presque cru sur France Télévisions.

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Taddéï était de retour hier soir sur une chaîne publique

Publié le 28 septembre 2018
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Par Ludovic Delory.

Frédéric Taddéï affirme ne pas regarder la télé. Même pas ses propres émissions. En se posant en non-spectateur, il joue la carte du journaliste ouvert mais non neutre. Faut-il y voir une qualité ou un défaut ? Sa position, en tout cas, suscite le clivage au sein d’une profession toujours sujette à débat. Et en pleine disruption.

Citons-le dans cette interview récente accordée à France Inter (11 min. 01) :

Le problème, c’est que vous n’avez plus de vrai débat à la télévision française et que ça n’a l’air de gêner aucun journaliste.

Il est amusant de suivre cette joute entre une journaliste payée par le contribuable français et un journaliste payé par le contribuable russe. Leurs positions antagonistes soulèvent une question cruciale pour le public : comment informer librement ?

Liberté ou pluralité ?

« Interdit d’interdire » était un premier test, hier soir. En acceptant d’organiser des débats sur Russia Today France, émanation francophone de la chaîne d’État russe, l’ex-journaliste du service public français a soulevé la bronca des commentateurs du PAF. Amusant toujours, dans la mesure où cette chaîne, financée par un gouvernement ne cachant pas ses opinions, est contrôlée, en France, par une « autorité administrative indépendante » (le CSA) financée… par le gouvernement français. Russia Today France est dans le collimateur de l’Élysée — qui, lui, n’a évidemment rien d’indépendant avec le gouvernement.

On allait donc voir ce qu’on allait voir. Le thème de cette première émission s’avérait d’ailleurs alléchant, puisqu’il portait sur le supposé libéralisme de l’économie européenne. Un plateau classique attendait les téléspectateurs. À gauche : l’historien Emmanuel Todd et la blogueuse Coralie Delaume ; à droite, l’économiste Nicolas Baverez et, pour défendre le libéralisme, Ferghane Azihari, journaliste, analyste et habitué des colonnes de Contrepoints.

Beaucoup de bruit pour rien

Ce fut un débat policé, de haut niveau, au cours duquel les invités croisèrent leurs points de vue sans clash ni véritable débat, en fait. Une table ronde d’idées autour de laquelle Emmanuel Todd dissocie liberté politique et liberté économique. Ferghane Azihari évoque la « vision jacobine de l’Europe » et plaide pour davantage de concurrence fiscale entre les États. Coralie Delaume fait une fixette sur le couple franco-allemand — au centre, il est vrai, de son dernier livre — tandis que Nicolas Baverez ose avancer le terme de « démocrature » de Vladimir Poutine à 5 minutes de la fin de l’émission.

Ouf ! Il était temps de voir si l’animateur, vendu aux Russes, allait s’insurger, remettre en place son invité,… mais non. Frédéric Taddéï est resté fidèle à sa posture non-interventionniste. Les chiens de garde de la déontologie en seront pour leurs frais. Du moins pour cette première émission. Une heure d’entre-soi, de points de vue certes différents mais jamais poussés jusqu’au bout.

Bref, un débat digne du service public. Frédéric Taddéï a sans doute raison : il n’y a plus de vrai débat à la télévision.

Voir les commentaires (21)

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  • Considérant la fréquence de sa présence aux côtés de Taddeï, Todd est sans doute pacsé avec lui.

    • @ Walsdorff
      Que ces messieurs soient pacsés ou pas fait partie de leur sphère privée, on s’en fout!
      Par contre, que ce soient 5 Français qui débattent du libéralisme ou de son aspect économique ou son aspect politique ou d’un libéralisme de l’Union Européenne ou de celui de D.Trump, c’est autrement plus paradoxal!

    • C’est à dire qu’il faut trouver un gaucho moins infâme que les autres, c’est pas évident.

  • Quand les journalistes sont de gauche politiquement corrects il n’y a plus de journalisme, seulement un tribunal de l’Inquisition, ce qu’est la télévision en France… et aux USA !

    • @Virgile

      L’émission « ce soir ou jamais » de Taddéï avait par exemple le simple mérite d’exister, et permettait la confrontation de sensibilités diverses voire radicalement opposées, nécessaire dans le PAF.
      Partager en permanence des points de vue avec des personnes à 100% acquises à vos idées ne permet pas d’évoluer et constitue un véritable enfermement intellectuel.
      La contradiction à l’occasion d’un débat permet d’affiner les jugements pour peu qu’elle soit juste et étayée.
      De telles émissions télévisées permettant la réflexion ,courantes le siècle dernier, sont aujourd’hui quasi inexistantes à contrario des émissions vedettes de télé-réalité diffusées en boucle.
      Devrait-on voir un signe annonciateur d’une certaine régression, même si l’on peut admettre que tous les goûts doivent être satisfaits?

    • « Quand les journalistes sont de gauche politiquement corrects »
      Pléonasme. Sinon ils sont chômeurs.

  • Emmanuel Todd et Coralie Delaume croient-ils réellement dans leurs affabulations ?

    « Pour déréguler il faut gratter énormément de papier […] c’est quelque chose de très volontariste. C’est extrêmement bureaucratique » Et en guise d’exemple : l’amas de réglementations pondues par Bruxelles.

    Sinon, à quel moment fait-on passer des tests de logiques de base aux intervenants de plateau télé ?

  • Je trouve cet article très à charge.

    Je connais deux journalistes français à peu près corrects :
    – TADDEI,
    – BOURDIN.

  • Second constat intéressant, microcosme du phagocytage de la société libérale par les socialistes : les deux seuls à interrompre d’autres intervenants au milieu de leur exposé, des socialistes.

    • @ Zod
      Non, c’est une dérive connue des « débats électoraux » où la technique est dirigée sur 2 objectifs:
      – séduire en délivrant son message
      – empêcher l’adversaire de s’exprimer en l’interrompant par des questions ou des contradictions.
      Et c’est loin d’être le privilège des socialistes!

    • Tout à fait, Todd est extrêmement pénible à ce sujet, tout le contraire de Baverez ou de Azihari qui respectent leurs interlocuteurs. Delaume intervient mais n’interrompt pas son interlocuteur. Pire, dominée par Todd, elle n’a pas su s’exprimer autant qu’elle le souhaitait. Si Todd n’avait pas été présent, le débat aurait été de bien meilleure qualité sur la forme et donc sur le fond.

      Il y a chez Todd une volonté manifeste de refuser le débat, une forme de totalitarisme de la pensée, une agressivité permanente qui nous apprend qu’il doute de sa pensée. Au fond, Todd n’a qu’une confiance limitée dans ses propres affirmations.

      • Oui – grande frustration du débat, lorsque Azihari aborde le chômage en France, le manque de qualification des chômeurs et finalement le code du travail qui les marginalise de facto ; exposé qui aurait fini par mettre en exergue la possibilité d’avoir une économie florissante au sein de l’UE, malgré le manque de souveraineté monétaire (Hollande, Allemagne, Finlande), à condition d’avoir des lois locales pertinentes – Todd l’interrompt tout feu tout flamme en invoquant l’absence de caractère démocratique de la remarque, et que l’Etat doit assurer la vie convenable de chaque citoyen, que c’est ça la démocratie.

        Le débat allait toucher un point très important : la responsabilité, et des individus, et des Etats. Mais grâce à cette interruption importune, le débat est retombé comme un soufflet raté.

        Azihari connait sa leçon, mais gagnerait à contrôler son élocution, tantôt trop rapide, tantôt hasardeuse et s’affirmer dans le cas d’interruption du genre. Le temps de faire ses armes.

        • La dernière intervention de Azihari était à mon sens excellente car elle a consisté à stopper le débat qui s’était embourbé avec l’Allemagne pour le recentrer sur la liberté économique, il a été coupé par Todd et ne s’en est pas laisser compter et il l’a mouché avec un point clair et net : si l’Europe était ouverte aux 4 vents, alors la question du brexit ne se poserait car les Anglais n’auraient aucun soucis pour continuer à commercer avec nous. Si son élocution n’était pas parfaite, il s’est affirmé clairement.

      • @ Cavaignac
        Oui, E. Todd fut très décevant dans ce débat sinon très correct et clair mais très inscrit dans le contexte français pour des sujets aussi internationaux.

  • Bon, donc la TV c’est mort? La belle affaire.

    Perso ça m’intéresserait de lire des critiques sur les différents intervenants sur Youtube pouvant proposer des débats de qualité ou non.

  • Je trouve incroyable la schizophrénie aigüe de la présentatrice. Elle commence par admettre que les journalistes français doivent être critiqués, puis a une réaction de fermeture immédiate face à la moindre critique du consensus médiatique émise par Taddeï.

    En tout cas, ce dernier fait preuve d’une incroyable patience et d’une subtilité fort bienvenue. Chapeau !

    • @Baalzeboul

      Bien vu « l’incroyable patience et la subtilité de Taddéï « :
      Reconnaissons la façon calme et pondérée qu’il adopte même en présence de fortes tensions.
      Son expression et sa manière de diriger un débat quelque soit le sujet abordé, l’empreinte de son intelligence,suscitent toujours le plus grand intérêt.
      Qu’attendre de plus d’un journaliste dans l’exercice d’un métier difficile qui est loin d’être à la portée du premier venu ?

    • la justification qu’on la paye avec de l’argent public donc qu’on force donc des gens à lui donner de l’argent nécessite l’existence d’un camp du bien qui lutte contre un camp du mal qui ne peut être relativisé.

      la même idée conduit à considérer que certains élus sont illégitimes..

      pour résumer la démocratie oui et totale à la condition que ses idées l’emportent. le rejet de trump est avant tout celui de la démonstration que la démocratie doit être bornée car elle ne préserve en rien d’un trump..leur idée de la défense de la liberté d’expression est identique..

      le pire : elle est sincère…elle est absolument aveugle.

      combien d’entre nous on commencé à tiquer sur les médias quand le pen était ouvertement ostracisé..?

  •  » un service public bien séparé des intérêts de l’état » , c’est une idée assez dangereuse d’admettre qu’un état puisse avoir des interets non?l’état a un rôle, un mission…

    bon sang , quelle est la mission suprême d’un service public d’information?
    imagions que ce soit fournit une information complète et objective de l’etat du monde…c’est impossible..d’informer sur tout..il faut trier et analyser l’information. Il faut donc donner une série de faits et un contexte..ce qui implique des choix..

    cette mission est donc impossible à remplir…ça sous entend la remplir au « mieux »..et il faut définir le mieux..et là il faut avoir un but…

    J’ai l’impression que les services publiques pensent d’abord défendre une société ou chaque individu est « respecté » ce qui les amène à rejeter le racisme ou la misogynie, il y a aussi chez a conviction d’etre humaniste ce qui les amène à soutenir les « migrants », on note qu’il n’ont pas contre aucun problème à ne pas respecter ce qui ont une approche simplement différente de l’humanisme ou de la lutte contre le racisme sans parler de la tolérance envers les racistes ou misogynes.
    les médias ont aussi LEUR vision de l’égalité…

    Ils sont aussi nettement en faveur de l’ecologie qui a mes yeux une pure idéologie.

    les médias publiques ont un but politique…ce n’est pas l’égalité mais l’égalitarisme.

    A mes yeux leur défense des individus est excessive…on a pas à me forcer à aimer une personne ou à la respecter , mes valeurs me disent juste que je n’ai pas le droit de l’agresser ou de le contraindre…j’ai certainement moins de problèmes avec un raciste paisible qu’avec un antifa m^me animé des meilleures intentions.

    je ne hais pas un raciste, je hais ses idées.

  • Les commentaires sont fermés.

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