Venezuela : l’inéluctable échec des mesures contre l’hyperinflation

Si la hausse folle des prix se poursuit, les Vénézuéliens seront bientôt à nouveau obligés de faire leurs courses munis de liasses de billets conséquentes.

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Buhonero frutero By: Jaume Escofet - CC BY 2.0

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Venezuela : l’inéluctable échec des mesures contre l’hyperinflation

Publié le 19 septembre 2018
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Par Gabriel A. Giménez Roche.
Un article de The Conversation

À Caracas, la lutte contre l’hyperinflation est la grande priorité. Il y a quelques semaines, le président vénézuélien, Nicolás Maduro, a annoncé une nouvelle série de mesures économiques visant à stabiliser une situation hors de contrôle : une poussée de 1 000 000 % d’ici la fin de l’année est anticipée. Or, ces mesures se révèleront probablement inutiles, comme toutes les mesures précédentes du gouvernement en la matière.

La première mesure emblématique du gouvernement a été d’enlever cinq zéros des billets du bolívar fuerte lequel, pour l’occasion, a changé de nom pour devenir le bolívar soberano. Objectif : simplifier la vie quotidienne des Vénézuéliens, qui utiliseront des liasses moins épaisses pour faire leurs achats. Mais cette mesure n’est qu’un palliatif. Rappelons que le bolívar fuerte était déjà une version de la monnaie précédente dont les billets avaient été allégés de trois zéros, en 2008

Si la hausse folle des prix se poursuit, les Vénézuéliens seront donc bientôt à nouveau obligés de faire leurs courses munis de liasses de billets conséquentes.

 

Caracas lâché par ses alliés

Durant les années 1990, l’Argentine et le Brésil avaient, eux, réussi à stabiliser l’hyperinflation. Contrairement au Venezuela, ils avaient réuni toutes les conditions nécessaires à cet objectif. D’abord, ils ont porté la création monétaire à des niveaux extrêmement bas. Or, il y a fort à parier que le gouvernement Maduro continuera à recourir à la planche à billets, ne serait-ce que pour financer un déficit budgétaire qui atteint depuis longtemps près de 20 % du PIB par an. Le gouvernement n’a en effet plus accès au crédit car il a perdu toute crédibilité sur les marchés financiers internationaux – nous y reviendrons. Même la Russie et la Chine, ses alliés de longue date, l’ont lâché…

En outre, ces déficits risquent d’augmenter, car l’autre mesure phare du gouvernement est la hausse de 3300 % du salaire minimum, en bolívares soberanos bien sûr. Cette hausse ne fera que nourrir l’inertie hyperinflationniste, puisqu’elle sera subventionnée en activant, une nouvelle fois, la planche à billets.

 

Des réserves en dollars très faibles

Les plans brésilien et argentin doivent leur succès dans les années 1990 à une autre condition inexistante au Venezuela : leur monnaie nationale respective — le real brésilien et le peso argentin —, était indexée à une valeur stable et forte, le dollar américain, pour rétablir la confiance. Autrement dit, les banques centrales argentine et brésilienne soutenaient un taux de change fixe entre le dollar et leurs monnaies. Pour ce faire, les deux pays avaient accumulé suffisamment de réserves de dollars pour soutenir la convertibilité. Ce que n’a absolument pas fait le Venezuela dans un contexte de relations glaciales avec Washington.

Aujourd’hui, les réserves accumulées en dollars atteignent à peine 9 milliards de dollars à Caracas. C’est très peu pour un pays dont la dette excède 150 milliards et qui multiplie les défauts de paiement. En outre, le gouvernement a préféré le petro au dollar, la cryptomonnaie officielle de l’État, comme référence d’indexation. Or, le cours du petro est lui-même indexé sur le pétrole. Un soutien bien fragile : cela fait en effet plusieurs années que la capacité de production et raffinement de pétrole au Venezuela a baissé de presque 50 %, à cause notamment de l’utilisation politique de l’entreprise pétrolière d’État, PDVSA. N’oublions pas non plus que le petro n’a pratiquement aucun volume de transaction connu dans les marchés. Il faut dire qu’il est peu pratique pour un citoyen lambda de négocier tout seul du pétrole…

En 1992 pour l’Argentine, et en 1994 pour le Brésil, la situation d’hyperinflation, qui se situait entre 800 et 1000 % annuels, a pris fin en quelques semaines. Depuis, les deux pays enregistrent des taux d’inflation à deux chiffres tout au plus. Si ces deux pays n’ont pas réussi à maintenir leur stabilité monétaire ces dernières années, c’est justement par manque de respect des conditions préalablement citées.

 

Le bolívares soberanos déjà déprécié

À l’époque, l’Argentine et le Brésil devaient impérativement rétablir la confiance des marchés financiers internationaux pour éviter les attaques spéculatives contre leur nouvelle monnaie. Ils l’ont fait grâce à des accords passés avec le FMI et leurs principaux créanciers, des banques américaines et européennes. Ces acteurs ont même fourni une partie des réserves nécessaires aux plans de stabilisation de ces deux pays ; sans oublier de mettre de l’ordre dans les finances publiques, réduisant à pratiquement rien le déficit budgétaire pour ainsi éviter toute tentation de surendettement et un nouveau recours à la planche à billets. Aujourd’hui, le Venezuela fait exactement le choix inverse.

Sans diminution de la création monétaire ni responsabilité budgétaire, sans crédibilité sur les marchés, et sans réserves en dollars, le plan contre l’hyperinflation semble économiquement voué à l’échec. Et les dernières mesures en date risquent bien de venir s’ajouter à la longue série de fanfaronnades si chères aux pouvoirs publics vénézuéliens depuis Hugo Chávez. D’ailleurs, depuis l’annonce des mesures, fin août, le dollar est passé de 60 bolívares soberanos à plus de 100 !

Une dépréciation de 37,5 % en quelques jours seulement…

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

The Conversation

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  • A mon avis, le pouvoir Vénézuélien joue la montre en espérant que la montée des prix du pétrole fasse plus que compenser leur baisse de production.
    On dit que l’Humain apprend de ses erreurs mais force est constater que le socialisme sous toutes ses formes a toujours conduit à des catastrophes quelques soient l’époque et la latitude. Et il y en a encore et toujours…

    • @ RB83
      L’article montre tout le bien sensé des critères de convergence de l’U.E. et de la B.C.E. :
      Maîtrise de l’inflation, déficit budgétaire proche de 0, dette publique maintenue raisonnable en % de P.I.B., stabilité des taux de change et convergence des taux d’intérêt.

      Cette histoire vénézuélienne a dû rappeler des souvenirs aux plus âgés: les dévaluations successives du franc français, la création du « nouveau franc » et une inflation moins contrôlée que dans les pays voisins. C’était encore du temps de Ch.De Gaulle, pas spécifiquement « socialiste »!

      D’accord que le Venezuela est devenu la caricature de ce système.

      • Ca montre le bien sensé d’une politique économique intelligente. Pour prendre une analogie avec la santé, c’est comme les bienfaits d’une alimentation saine et de l’exercice régulier. De là à encenser le respect es prescriptions officielles de 5 fruits et légumes par jour et de manger-bouger… Il y a une différence entre faire ce qu’on sait et qu’on comprend comme utile, et suivre les ordres de dirigeants autoritaires au prétexte qu’il arrive que ceux qui ne les suivent pas se plantent.

  • Une nouveau triomphe du Socialisme international.
    Qu’en dit le camarade Merluchon qui voulait appliquer les idées bolivariennes a la France ?

  • Une phrase que j’ais retenue des mes incursions d’alors au delà du rideau de fer:

     » Une sardine est une baleine qui a franchi toutes les étapes du développement socialiste. « 

  • Cela sent la brouette pour payer ses courses… :mrgreen:

    • @ MichelC
      Bien avant que je ne sois né, l’Allemagne a connu les mêmes problèmes, dans les années ’30, avec des prix à adapter quotidiennement (à la hausse) et des timbres postaux au prix à 5 ou 6 « 0 », en mark’s: d’où, depuis, leur crainte viscérale de l’inflation!

    • @MichelC
      A 5.000.000 bolivars le kilo de tomates, plus 3.000.000 le kilo de carottes, plus 2.600.000 LE rouleau de P.Q, 14.600.000 le poulet de 2,2 kg ou 9.500.000 le kilo de viande rouge, 3.000.000 pour 500g de margarine et 2.500.000 le kilo de pâtes on est déjà à 40200 billets de mille pour 7 items (soit 40.200.000 bolivars)
      Les photos sont parlantes : https://www.francetvinfo.fr/monde/venezuela/en-images-acheter-un-kilo-de-tomates-au-venezuela-coute-des-millions_2902581.html
      Une brouette pour payer 7 items et un sac pour les emporter.

      Heureusement que chez nous le cash est en voie d’extinction programmée, parce que les banques n’ont pas les fonds pour nous permettre une telle folie.

  • le néolibéralisme dans ses oeuvres .. quasiment tous les chiffres sont inexacts. poubelle..
    A vrai dire je n’en sais rien mais ces chiffres ont trop ronds pour être « exacts », en outre , il est probable que certains sont impossibles à connaitre sans marge d’erreur.. juste une intervention à la noix, juste pour rappeler un des stratagème pour les défenseurs de maduro d’éviter de se confronter avec la réalité ..changer de sujet..critiquer l’ensemble pour un détail anecdotique..

    le communisme a conduit à la mort 20 millions de chinois…
    mensonge !! 20 057 987 +/- 1000000!!!

    parce que bon, si des gens soutiennent encore le régime de maduro je doute fort qu’il soit possible de les convaincre par la constatation que le pays va à la catastrophe monétaire … UN regime socialiste ne peut pas aller à la catastrophe..!!!

    comme dit not’ bon mélenchon la dette est » illégitime »…alors pourquoi pas la monnaie?
    N’est ce que ce n’est pas non la d »monstration que le saint régime n’est pas esclave de l’économie et de la finance?

    avez vous déjà parlé avec un communiste ou un socialiste?

    • parce que bon on essaye de prouver aux gens que le socialisme conduit à la mort..
      et si les gens pouvaient être convaincus par ce qui se passe au vénézuela ça se saurait..
      il faudrait pouvoir faire dire à mélenchon par exemple « j’ai tort », car beaucoup voient la méluche comme une personne intelligente et un leader à suivre..alors tant que, sans vergogne, il donne le change,et persiste au prix de distorsions incroyables de la réalité ( la question que je me pose est toujours est ce que ce type pense ce qu’il dit???) la masse qui le suit ne bouge pas beaucoup. De temps à autre , un se réveille et le quitte, mais tous les gens qui se sentent non reconnus à leur juste valeur le rejoigne et ça fait un flux constant..

  • parler du vénézuela…ou bien ce qui se passe est un cas d’école des conséquences de la mise en pratique du socialisme ou bien vous parlez à un clone de mélenchon et LA question que vous vous posez est de savoir si le type croit ce qu’il dit ou est juste dans la posture..

    donc le vénézuela est un pays qui fonctionne pas mal et où les problèmes viennent de la contre révolution…

    le piège est de penser global…il est impossible de conclure qu’un pays marche bien ou mal..les gens meurent de faim? pas tous et c’est « secondaire », il y a des arrestations arbitraires? on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs…c’est d’ailleurs anecdotique…

    donc si vous pensez qu’il croit ce qu’il dit c’est un idiot ou un monstre…et en général un bel hypocrite égocentrique.

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