Redevance : la télévision ne devra pas craindre le financement volontaire

Posséder un téléviseur pour financer l’audiovisuel public. Ne pas en posséder aussi. Cacophonie autour d’une redevance qui n’a rien de libéral.

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Redevance : la télévision ne devra pas craindre le financement volontaire

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 18 septembre 2018
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Par Aurore Bobier.

Il est toujours important de rappeler le cheminement historique qui a précédé une situation de crise. L’audiovisuel est lié en France à l’idée d’un monopole. En 1945, seule la télévision publique a le droit de diffuser librement sur les ondes. Il s’agit alors d’une administration, rattachée au ministère de l’Information. En 1964, une loi transforme cette administration en un établissement public industriel et commercial doté d’un conseil d’administration, avec la création de l’Office de Radio-Télévision Française. En 1974, une nouvelle loi entame une phase de mise en concurrence des chaînes publiques et près de dix ans plus tard, la loi du 29 juillet 1982 déclare que la « communication audiovisuelle est libre ».

Mais le système n’en demeure pas moins extrêmement réglementé et imprégné de la présence de la puissance étatique. Les années suivantes ont été marquées par la course à l’audience, la privatisation politisée et fortement réglementée, ainsi que par l’essor du numérique. Toutes ces étapes n’ont pas renforcé l’audiovisuel public, mais l’ont au contraire transformé en un boulet de plus en plus lourd aux pieds de l’État.

La ministre de la Culture Françoise Nyssen a annoncé le 14 septembre vouloir déconnecter la redevance télé de la détention d’un téléviseur dès 2020. Cette annonce fait suite à l’avis publié en octobre 2017 présenté au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation sur le projet de loi de finances pour 2018, par Frédérique Dumas et Béatrice Piron. Une réforme budgétaire permettrait certes de régler les difficultés financières que connaissent actuellement France Télévisions et autres chaînes publiques. Mais au prix d’une redevance universelle, qui fera payer tout un chacun pour un service qui n’est pas forcément utilisé par tous. Tout cela au détriment des incitations à fournir un service de qualité à un coût acceptable.

Il est vrai qu’actuellement, le visionnage de la télévision se développe de plus en plus en ligne et ne répond plus au critère de la détention d’un téléviseur. L’agence Médiamétrie a d’ailleurs révélé dans une enquête de janvier 2018 que chaque jour, 20,1% des Français de 4 ans et plus qui ne possèdent pas de téléviseur regardent des programmes de télévision sur un ordinateur, un téléphone mobile ou une tablette.

Il n’est pas précisé si ce visionnage sur Internet concerne des chaînes publiques ou non, et ce seul constat ne peut pas justifier une extension universelle du versement de la redevance audiovisuelle. Le fait que chacun a une consommation différente des programmes de télévision et des chaînes incite à se baser sur un système ouvert permettant de choisir ce que l’on souhaite financer, ou non.

D’autres sources de financement peuvent alors être envisagées comme le micro-paiement, les abonnements, ou les contreparties publicitaires.

Une conception passéiste de l’impôt

La France est loin d’être le seul pays européen à réfléchir sur l’organisation du service public audiovisuel. En Suisse, le récent référendum sur la suppression de la redevance audiovisuelle, société recevant la redevance télévision et la reversant aux bénéficiaires, a soulevé la question de la fin des subventions de l’audiovisuel et de sa privatisation. Les partisans de cette option soulevaient notamment l’injustice du dispositif qui consistait à obliger quiconque détenant un téléviseur à financer des médias qu’il ne regardait pas forcément. Non seulement cette solution a été écartée, mais la Suisse a de surcroît renforcé la collectivisation du financement de l’audiovisuel public : à partir de 2019, la taxe sera payée par tous, même ceux qui n’ont pas de poste de télévision ou de radio.

En Suisse comme en France, les justifications d’une telle extension sont discutables. Rien ne permet d’affirmer que l’universalisation du financement de l’audiovisuel serait un vecteur de qualité et d’accessibilité de l’information et des programmes culturels. Au contraire, dans un système pluraliste et ouvert à la concurrence, sans aucune redevance publique, la diversité de l’offre médiatique sera reine.

Si la qualité est au rendez-vous, pourquoi spolier ?

En France, au lieu d’opter pour la solution de facilité d’une redevance universelle, les médias publics gagneraient donc à rechercher des modèles économiques plus respectueux des aspirations de leur audience. La qualité et la neutralité des programmes d’information ou de divertissement ne dépendent pas de l’extension de l’obligation de verser la redevance.

De nombreuses chaînes de télévision privées fonctionnent sur la base de l’abonnement ou d’autres modèles de financement comme la publicité, les jeux-concours, etc. Certains privilégieront un média qui apporte une information de qualité et approfondie, d’autres des programmes aux sujets variés et de registres différents. Si l’audiovisuel public a confiance en la qualité de ses programmes, il ne devrait pas craindre un financement volontaire, de la part des téléspectateurs ou bien des annonceurs. Ainsi, il ne paraît pas légitime de faire payer à tous une redevance qui soit en réalité la manne d’une offre ne pouvant pas correspondre à toutes les envies. Universaliser la redevance audiovisuelle, c’est bien relayer des « usagers » au rang de consommateurs d’une offre médiatique qu’ils n’auraient pas choisie.

 

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  • Pourquoi ne pas faire une redevance à la carte? On ne payerait que pour les médias qui nous intéressent.

    Pourquoi ne pas crypter les chaines et ouvrir les canaux que quand on a payé?

    Peut on facturer un service que l’on a jamais demandé et que l’on ne consomme pas? Si j’envoie une facture à Françoise Nyssen pour un service que je lui aurais soi-disant fourni, va elle le payer?

    • Parce que presque personne ne s abonnera pour les chaînes du service publique.

      Pourquoi ne pas crypter? Même réponse, donc moins de pognons des autres à claquer.

      Oui, il y a énormément de services facturés par l’etat que l’on ne consomme pas. C est ça l’état, une mafia qui agit dans ses propres intérêts. Essayez donc de ne pas payer, vous verrez de près le monopole de la force.

      « Si l’impôt, payé sous la contrainte, est impossible à distinguer du vol, il s’ensuit que l’État, qui subsiste par l’impôt, est une vaste organisation criminelle, bien plus considérable et efficace que n’importe quelle mafia « privée  » ne le fut jamais. »
      Murray Rothbard

    • Parce que dans un vrai système concurrentiel, tel que celui que vous décrivez, les chaînes de l’Etat n’ont aucune chance, et le savent fort bien.

      • On peut aisément arriver à la même conclusion, aucune chance de survie pour l’assurance maladie, l éduc naze, ou d autres trucs obligatoires et monopolistiques, le jour où une concurrence non faussée s installe. C est quand ?
        Comme ils le savent fort bien, comme vous le dites, nous ne les convaincrons jamais avec des arguments.
        A part la résistance à l oppression en hackant le système ou se barrer en Nouvelle Zélande, je ne vois pas.

      • Sur le plan des programmes c’est pas évident si on regarde les audiences des chaines publiques, il y a bien concurrence avec le privé ce qui nuit d’ailleurs parfois à la qualité. Je ne pense pas que le téléspecteur choisit de regarder le public parce qu’il a payé sa redevance.
        Mais dans ce cas si le public propose ce que fait le privé autant privatiser. Le public pourquoi pas si la programmation et le financement sont pertinents et surtout si l’Etat ne s’en mêle pas.

  • Je ne regarde plus la TV depuis des annees (et mon fils n a jamais regardé la TV). Autrement dit, vous allez avoir plein de gens qui paient aujourd hui (j ai encore une TV) mais qui ne paieraient plus demain. Donc une grosse perte pour les chaines de TV

    Les chaines actuelles sont essentiellement regardees par des retraités ou des CSP -. Les seuls qui aient du temps et qui peuvent supporter Drucker et des programmes aussi intelligent que les feux de l amour ou plus belle la vie. Probleme, actuellement leurs programmes sont payé par tous. Donc ils seraient perdant s ils devraient payer pour leur programme (a moins que Durcker accepte d etre paye 50 % de moins ;-))

    Quant a l argument de la qualité, je suis sceptique. Pour avoir du succes une chaine TV doit faire dans le bas de gamme. Qui regarde Arte ? Si on regarde les chaines privees, pour faire de l audience elles doivent plutôt aller dans les themes racoleurs. Regardez TF1 ou les chaines de Berlusconi (ou feu la 5)

    • @cdg : tout à fait d’accord ; en peu de mots, vous montrez que la question est complexe.
      NB : je n’ai pas la télévision et je ne regarde que très rarement des émissions, essentiellement via YouTube.

    • Bas de gamme égal ce que veulent voir les gens ?
      Haut de gamme c’est l’inénarrable arte ?
      On est mal barre avec une telle profondeur philosophique faisant du peuple des ânes que l’on doit bater avec des tonnes de Culture officielle.
      La télé n’est plus depuis très longtemps une ouverture sur le monde de population mal informée !

      • Arte se distingue de programmes pourris c’est pas forcément du haut de gamme, c’est juste bien meilleur…la chaîne rmc découverte est pas mal aussi ou la 5 voir la 3 parfois avec de vieux films (ah l’époque de la dernière séance) le reste franchement on s’en passe aisément.

  • Le gouvernement a mal joué. Au lieu d’annoncer l’extension de la redevance, il aurait du afficher sa disparition totale. Les trois milliards et quelques qu’elle rapporte auraient alors été noyés dans le budget général, et avec un petit tour de passe-passe comme savent si bien le faire les magiciens de Bercy (on déshabille Paul pour habiller Pierre), hop ni vu ni connu, on n’en parle plus et on fait un super coup médiatique.

    • … Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté …
      … La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique …
      … Pour l’entretien de la force publique, … , une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
      Donc les propriétaires de yachts ont déjà payé, et largement. Les autres aussi. Cela n’empêche pas de donner volontairement en sus aux sauveteurs, mais les dons supplémentaires devraient être affectés à des aspects de confort, non essentiels aux sauveteurs pour remplir leur mission. Faire dépendre la garantie des droits fondamentaux d’un financement volontaire, dans un pays où la pression fiscale est la plus élevée du monde, est ignoble. Et encore plus ignoble quand cette pression fiscale sert à entretenir un audiovisuel public qui n’a rien à voir avec ces droits fondamentaux.

  • Le financement volontaire, cela existe déjà aux USA, c’est le PBS.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Public_Broadcasting_Service

    Ca fonctionne très bien.

  • La redevance télé ne devrait pas exister car elle est illégale. Qu’elle soit universelle ou non. Car ce qu’on appelle le service public de l’audiovisuel ne se distingue en rien des offres privées. Si l’on fait une comparaison avec ce qui distingue fiscalement une activité non lucrative, donc non soumise à l’impôt, par exemple pour les associations, on applique la règle des 4P : produit, public, prix, publicité. Selon aucun de ces critères le service public de l’audiovisuel ne se distingue des offres privés. Le service public de l’audiovisuel est donc selon les règles de Bercy, un service marchand. Il ne peut donc pas être financé par l’impôt. Donc aux crânes d’œuf de l’ENA d’inventer le mode de financement.
    Et l’appel au public, comme le fait PBS aux USA, serait la solution idéale, car cela permettrait d’avoir un service public de très haute qualité, au lieu d’avoir un concours à qui fera le pire pour racoler les instincts les plus vils du téléspectateurs (et rendre disponible sa cervelle pour la publicité…)

  • Quelle est la proportion des personnes recevant la télé par un moyen qui ne gère pas une CAM (carte d’abonnement type C+) ou un contrôle d’accès équivalent?

    Les télé SONY ont un emplacement CAM. Les « box » gèrent soit une CAM soit un puce SIM équivalente. Android gère le contrôle d’accès au niveau matériel. Etc.

    (Cela permettrait de passer des flux en accès payant.)

  • On fait comme a Hong kong et en Chine, pas de redevance tele.
    Y’a plus de pub c’est tout.

  • Les commentaires sont fermés.

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