Puisque tu paies, je prends le menu gastronomique

Ceux qui se gavent aux dépens des autres devraient avoir honte. Cette honte arrivera lorsque les autres seront forcés de tailler dans les dépenses.

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Puisque tu paies, je prends le menu gastronomique

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 24 août 2018
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Par Russell Roberts, depuis les États-Unis.

Alors que le Congrès s’apprête à tenter de réduire les dépenses, je me souviens d’une soirée l’automne dernier au théâtre St. Louis Repertory. Avant le lever de rideau, le directeur de la compagnie est apparu et nous a encouragés à voter contre un projet de limitation des taxes d’État. Il craignait que cela mène à une réduction du financement de sa compagnie.

Je me suis tourné vers ma voisine et je lui ai demandé si le fait que son billet de spectacle soit subventionné par un fermier dans le fin fond du Missouri la gênait.  Elle m’a répondu que non, car il recevait probablement des aides lui aussi. Elle semblait penser que, d’une manière ou d’une autre, cela devait s’équilibrer.

Je l’ai laissée tranquille, mais j’avais envie de dire que non, cela ne s’équilibre pas. Si cela s’équilibrait pour tout le monde, alors la dépense publique serait vraiment d’un ennui mortel : tout cet argent qui circule, tous ces employés du fisc, tous ces taux de taxation marginaux qui découragent l’effort au travail, tout ça pour que chacun reçoive la même part.

La collectivisation néfaste

Ici à St. Louis, nous venons de terminer Metrolink, un réseau de train local. La construction a coûté 380 M$. Nous, les habitants d’ici, n’y avons aucunement contribué de notre poche. Il a été financé par le reste du pays. Ne devrions-nous pas nous sentir coupables de faire payer les habitants du Kentucky, du Mississipi et du Maine pour nos trajets en ville jusqu’au stade de hockey ? Non, disent les bénéficiaires. Après tout, nous avons payé pour BART à San Francisco, pour MARTA à Atlanta et pour tous les autres réseaux de transport en commun extraordinairement chers et sous-utilisés, dont les avantages sont bien en dessous des coûts. Ce n’est que justice, à chacun son tour de profiter de la gamelle.

Cette argumentation implacable me rappelle un drôle de restaurant.

Quand tu manges là-bas, tu dépenses environ 6 $ : un sandwich, des frites et une boisson. Bien sûr, tu aimerais profiter d’un dessert et d’une deuxième boisson, mais cela coûte 4 $ supplémentaires. Le supplément de repas ne vaut pas 4 $ à tes yeux, donc tu en restes à 6 $.

De temps à autre, tu vas dans ce même restaurant avec trois amis. Vous avez l’habitude de diviser l’addition en quatre parts égales. Tu réalises au bout d’un moment que les 4 $ de boisson et de dessert te reviendront à seulement 1 $, puisque le total est divisé par quatre. Pourquoi ne pas commander boisson et dessert ? Si tu es quelqu’un de sympa, tu préfères sans doute éviter à tes amis de subventionner tes suppléments. Il t’est même venu à l’esprit qu’eux aussi pourraient commander des suppléments financés de ta poche. Mais ce sont tes amis. Ils ne te feraient pas une chose pareille et tu ne leur ferais pas ça non plus. Et si l’un des membres du groupe essaye, la pression sociale y mettra bon ordre.

L’argent des autres

Mais supposons maintenant que l’addition soit répartie non pas à chaque table, mais sur les 100 convives assis à toutes les tables. Maintenant la boisson et le dessert à 4 $ coûtent seulement 4 cents. C’est facile à présent de dépenser sans compter.  D’ailleurs tu ne vas pas te contenter d’une boisson et d’un dessert ; tu vas commander un steak et ajouter une bouteille de vin. Imaginons que toi et tous les autres commandent des repas à 40 $. La note du restaurant sera de 4000 $. Divisée par 100 convives, ta part revient à 40 $. Voilà l’ironie de l’histoire. Comme ma voisine au théâtre, tu auras ta « part équitable ».

Mais ce résultat est désastreux. Quand tu dînes seul, tu dépenses 6 $. Le steak et d’autres bonnes choses à 34 $. Mais une fois dans la course avec les autres, tu as choisi un repas très au-delà de ton budget, dont les avantages sont bien inférieurs au coût.

La sobriété n’est pas récompensée. Si tu reviens à ton menu à 6 $ en espérant économiser de l’argent, ta note sera tout de même proche de 40 $, à moins que les 99 autres convives se modèrent aussi. Le bon citoyen se trouve bien bête.

C’est l’histoire du parlementaire nouvellement élu qui arrive au Congrès, bien décidé à tailler dans le gras du budget, qui se retrouve en difficulté dans sa circonscription car les projets locaux vont aussi être coupés. Au lieu de montrer fièrement la voie, il est obligé de se battre pour ces projets afin de s’assurer que sa circonscription reçoive sa « part équitable ».

La situation empire lorsqu’il y a des gloutons et des ivrognes au restaurant, mêlés à des personnes au régime et des abstinents. L’addition moyenne sera peut-être de 40 $, mais certains mangent pour 80 $ de nourriture alors que d’autres se contentent d’une salade et d’un thé glacé.

Ceux qui ont un appétit modeste aimeraient bien fuir le gueuleton, mais supposons que ce soit le seul restaurant en ville et qu’on soit forcé d’y prendre son dîner chaque soir. La rancœur et la colère arrivent naturellement. Et comme c’est le seul restaurant en ville, on imagine la qualité du service.

Un tel restaurant peut être un lieu agréable si ceux qui ont un appétit léger apprécient le spectacle de la gloutonnerie de ceux qui mangent et boivent allègrement. De nombreux services publics suscitent une large adhésion. Mais pas tous. Combien d’Américains, en dehors des agriculteurs, bénéficient des subventions agricoles ? Combien d’Américains qui ne prennent jamais le train bénéficient des subventions d’Amtrak1 ?

Ceux qui se gavent aux dépens des autres devraient avoir honte. Cette honte arrivera lorsque les autres seront forcés de tailler dans les dépenses. Il faudra des coupes sombres et il faudra fermer le festin public là où quelques-uns s’engraissent aux frais de la multitude.

Traduction fm06 pour Contrepoints.

Sur le web

 

  1.  Amtrak est la compagnie nationale des chemins de fers des USA.
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  • ah le « c’est subventionné » donc on fait une affaire…une honte en effet.
    reste que les gens savent..
    ce qui m’amuse est que les m^mes personnes qui défendent le subventionnement sont aussi souvent des critiques acerbes de la société de consommation alors qu’il n’y pas plus forte incitation à la consommation que celle là, c’est celui qui ne « consomme » pas qui perd ..

    je pense de plus en plus après moult engueulades familiales que la question n’est pas l’ignorance mais une forme d’aveuglement volontaire. ça ressemble un peu à une personne qui achète un objet trop cher pour leur bourse en promotion…en arguant que la réduction de prix d’un est un « gain ».

    • ou l’aveuglement nourrit l’ignorance et l’ignorance nourrit l’aveuglement..
      L’humain est opportuniste comme n’importe quel animal.

  • Aller au restaurant avec des amis, autrement qu’en les invitant ou en étant invité, c’est possible ça ?

    • Oui et si un de vos amis est Suisse il mangera peu et payera uniquement ce qu il a pris au centime pres. On comprend pourquoi la Suisse ne connais pas ce genre de soucis (mais en a d autres bonjour la convivialité. ..)

    • @ cachou42
      Non! Franchement!
      Mais c’est celui qui invite qui choisit le restaurant donc la gamme de prix!
      Mais n’invitez pas par formalité. Payer pour le bonheur de vos amis n’est sans doute qu’une petite part de ce qu’ils ont fait pour vous: alors, au diable l’avarice!
      Si ce n’est pas le cas, ne les invitez pas!

  • Je me faisais justement la réflexion, avant de lire l’article, que les 289, millions d’indemnité au jardinier soi-disant victime du glyphosate ne seraient bien évidemment pas payés par Monsanto, qui ne fabrique pas d’argent à partir de rien, mais par la population mondiale à raison, donc, de 5 cents par terrien de plus de 14 ans.

    • ils risquent bien de ne pas être payés tout court, vu que le jugement va faire l’objet d’un appel.

    • Sauf si Monsanto attaque le jardinier ses avocats et le CIRCque pour conspiration criminelle comme une certaine major l’a fait…

  • Bon article, à mettre en rapport avec ce qu’on peut lire ici : https://www.nextinpact.com/news/106952-comment-gauche-a-gere-baton-merdeux-hadopi-pendant-cinq-ans.htm

    Parole d’ancien député au sujet de la Hadopi : « Avouons que durant ces cinq années, et notamment parce que son budget a été amené à baisser durant la plus grande partie du quinquennat, il y avait une réduction de voilure qui amenait à ce que la Hadopi soit quand même sortie un peu du champ. »
    En bref : « on aurait aimé supprimer ce truc mais ça aurait fait hurler certaines personnes influentes, donc on a préféré baisser son budget pour la neutraliser ». Baisser, pas annuler. Coût pour le contribuable (budget baissé) : 6 millions d’euros par an. C’est pas cher, c’est l’État qui paie…

  • Discussion avec un type sympa qui gère une « entreprise » de location de roulottes avec cheval pour les touristes dans la Monts d’Arrée….
    Sans une méga subvention du conseil général il n’a plus qu’à fermer boutique….Pourquoi n’ajuste t’il pas ses prix à ses couts?
    -Ça serait trop cher pour les clients….
    Pourquoi ne vise t’il pas une autre clientèle capable de payer plus cher
    -Il faudrait faire de la com. et de la pub. et il n’aime pas ça
    Pourquoi n’élargit il pas sa période de travail au delà de juin-septembre?
    -Parce qu’il faudrait travailler dans de mauvaises conditions météorologiques et que lui part à la montagne faire des saisons laissant ses chevaux à la garde de son « palefrenier »…Qui s’en fout totalement.
    Bilan: parce qu’un type est un gestionnaire à la noix, mes impôts servent à payer les vacances de quelques bobos happy few et à offrir au dit gestionnaires des loisirs qu’il occupe à se remplir les poches (5000€/ mois comme barman)

    • @ Kansas beat
      Oui, d’accord! Mais c’est la vie qui fait ça! On naît dans un pays qui a ses lois et on s’adapte en se débrouillant pour faire bouillir la marmite!

      Tout le monde n’a pas vocation à changer le monde! Les gens sont plus opportunistes et ne demandent qu’à vivre bien et à l’aise!
      Le bien de la communauté nationale passe largement après … ou pas du tout!

      • La loi interdit les excès immoraux, parfois elle interdit bien d’autres choses, parfois elle se laisse utiliser pour faire échec à la logique commerciale. Tout le monde a vocation à avoir un sens moral qui lui fait obéir à la loi dans le premier cas, prendre d’une humeur mitigée le second, et éviter de profiter du troisième. La multiplication de ceux qui ne se gênent pas pour profiter du troisième aurait fait s’étrangler mon grand-père, et je crois que je tiens quelque chose de lui…

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