Pourquoi il faut continuer à parier sur la Turquie

Si l’effondrement de la livre turque révèle les fragilités économiques du pays, ses fondamentaux – et notamment la jeunesse et la formation de sa population – constituent des bases solides pour son avenir et pour l’après-Erdogan.

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Pourquoi il faut continuer à parier sur la Turquie

Publié le 23 août 2018
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Par Laurence Daziano.
Un article de Trop Libre

L’effondrement de la livre turque , sous le coup des sanctions américaines, met en lumière la mauvaise image de la Turquie, six semaines après la réélection de Recep Tayyip Erdogan. Et pourtant, avec un taux de croissance à faire pâlir Bercy et malgré ses faiblesses structurelles, l’économie turque dispose d’un large potentiel qui pourrait hisser le pays au rang de pays développé d’ici à dix ans.

La Turquie dispose de nombreux atouts :  une croissance de 7,8 % en 2017 , soit la plus élevée du G20 ; des entreprises nombreuses et fortement exportatrices ; une industrie touristique de qualité ; un rayonnement régional, du Turkménistan à l’Afrique de l’Est, qui lui assure des débouchés ; une population jeune et bien formée ; des conglomérats et des grandes entreprises de taille mondiale, à l’image de Turkish Airlines ou des groupes familiaux, Koc, Dogan et Sabanci. Dans le même temps, l’économie turque présente aussi des faiblesses structurelles : un endettement extérieur trop élevé,  une inflation en forte hausse, aux alentours de 15 % . L’atterrissage de l’économie turque, lié à la chute de sa monnaie, révèle ses qualités, ses défauts et son potentiel.

Une économie ouverte sur le monde

L’économie turque est très ouverte sur le monde. Ce facteur constitue la force, autant que la faiblesse de la Turquie. Au-delà de ses liens privilégiés avec l’Union européenne et les États-Unis, Ankara cherche à développer ses propres marchés. Elle attend la reconstruction de la Syrie et de l’Irak car les entreprises turques du BTP y seront au premier rang. Les relations avec la Russie se développent : Moscou apporte son énergie, principalement le gaz, et Ankara accueille les touristes russes. La Chine commence à investir en Turquie dans le cadre des « routes de la soie ».

Enfin, la Turquie investit massivement en Afrique : chaque ouverture d’ambassade est suivie par la mise en service d’une ligne de Turkish Airlines avec Istanbul, qui constitue un hub aérien mondial de premier plan.

L’économie turque est résiliente. Elle n’en est pas à sa première crise et ce n’est certainement pas la dernière. Depuis quarante ans elle se développe, alors que des guerres se déroulent à ses frontières. Cela tient, en grande partie, à la jeunesse et au dynamisme de sa population. Aujourd’hui, un Turc sur trois a moins de trente ans. Cela signifie que la population active, malgré un taux de chômage de 9,6 %, est jeune : réactive, adaptable, curieuse, connectée aux nouvelles technologies, ouverte sur le monde. Cette jeunesse est principalement urbaine.

Un pays fortement urbanisé

La population turque vit désormais plus en zone urbanisée qu’à la campagne. La Turquie compte 80 millions d’habitants dont un quart, 20 millions, résident à Istanbul et dans sa banlieue qui constitue une grande mégapole mondialisée. Enfin, les Turcs ont un vrai esprit entrepreneurial, ayant bâti de longue date des PME exportatrices de grande qualité.

Le facteur démographique est probablement le meilleur espoir de la Turquie car  les villes ont un vote de moins en moins conservateur , comme l’ont démontré les scores récents du président Erdogan à Istanbul et Ankara. Or, l’urbanisation va massivement se poursuivre.

Il y a donc un « pari turc » à faire sur l’avenir : d’ici dix à quinze ans, la population turque (jeune, éduquée et urbaine) aura élu un nouveau président ; l’économie turque constituera une locomotive à la lisière de l’Europe, peut-être même dans un deuxième cercle européen, aux côtés de l’Ukraine et de la Russie, grâce à une union douanière renforcée ; les groupes industriels turcs seront mondialisés. À l’heure où Donald Trump qualifie l’Europe « d’ennemie » et attaque, tour à tour, ses principaux alliés, l’Union européenne serait inspirée d’aider la Turquie à poursuivre sa modernisation et à cultiver les valeurs démocratiques et européennes qui demeurent encore présentes.

Laurence Daziano est maître de conférences en économie à Sciences Po et membre du conseil scientifique de la Fondapol.

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  • Bonjour
    On présente tjs la jeunesse de la population comme un bénéfice, mais c’est aussi un fardeau; incompétence, délinquance, instabilité bien représenté par notre jeunesse estudiantine française tjs prête à faire grève et autres blocage de fac.

  • Vous oubliez un facteur majeur la transformation islamique de la société Turque et ses conséquences.

  • On va être gentil. Disons qu’il y a peut-être deux Turquie : la mauvaise, l’islamiste, celle d’Erdogan qui est majoritaire et islamo-nationaliste et la bonne minoritaire, urbaine, jeune qui veut vivre autrement mais qui est soumise.
    Une remarque quand même : l’importante et influente diaspora turque est majoritairement nostalgo-ottomano-islamo-conservatrice-erdogano-nationaliste à plus de 60 % (cf. les rassemblements turcs en UE et leur « exemplaire » communautarisme!
    Mais c’est vrai que l’article est essentiellement économique. Mais alors comment se fait-il que l’émigration turque soit aussi forte et reste attachée à ce point à ce paranoiäque dictateur ?
    Et comme dit l’autre, un doute m’habite…

  • « Le facteur démographique est probablement le meilleur espoir… »

    Bin tient, en voila un bel exemple de modèle de penser.

    Comme si « la jeunesse » était un bloc homogène. En fait, j’en compte 4 niveaux parfaitement étanches à l’exemple français : celle destinée à diriger, la bourgeoise, la fonctionnarisée, et la délaissée….

    • J’ajoute que l’auteur aurait dû traduire « foe » (mot utilisé par Trump) dans son contexte : Il parlait plutôt d’adversaire, en concurrence sur certains domaines…

  • « Parier sur la Turquie »…
    Quand on mène sa vie et ses affaires, on ne doit légitimement prendre de paris que quand on a déjà tiré tous les enseignements des expériences passées, et qu’on ne risque que ce qu’on peut supporter de perdre. Je ne crois pas qu’avec la Turquie, on soit dans ce cas de figure.

  • Qu’en on investit son argent, on prends un risque. Investir en Turquie et tout perdre, ou devoir verser des pots de vins a daesh ? comme Lafarge, non merci.
    Investir en France, c’est la meme chose, tu n’a pas daesh, mais tu as le fisc, la CGT, les fonctionnaires, non merci.

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