La « peine de mort inadmissible » : le Pape François ne transige pas

Dorénavant, avec ce coup décisif du Pape François, les pays de culture catholique ne pourront plus se réfugier derrière une ambiguïté autorisant la peine de mort sur un plan politique alors que le registre sacré la récuse absolument.

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La « peine de mort inadmissible » : le Pape François ne transige pas

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 6 août 2018
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Par Philippe Bilger.

Le Pape François n’est pas ordinaire.

Entre provocations et imprudences, fulgurances et audaces, politisation et rigueur doctrinale, avancées et conservatisme, il ne cesse de surprendre au point que le catholicisme traditionnel ne se cache pas d’éprouver de la nostalgie pour Benoît XVI en espérant par ailleurs, pour l’Église, un futur moins bouleversant.

Pourtant le pape vient d’accomplir un geste fort qui se situe dans la droite ligne d’une religion qui ne veut plus transiger avec ses valeurs. Il a déclaré la peine de mort « inadmissible » et l’article du catéchisme de l’Église catholique en condamne désormais le principe (Le Figaro).

Pour ceux dont la philosophie s’accordait depuis toujours avec ce refus, rien de nouveau sinon la confirmation solennelle d’un humanisme ne tolérant aucune exception.

Mais, si on s’attache à revenir sur l’histoire des relations entre ce qu’on doit à Dieu et ce qui relève de César, nul doute que la modification par rescrit de l’article 2267 du catéchisme va enlever aux pouvoirs se réclamant d’une culture chrétienne la justification pragmatique qui leur permettait d’oublier cette dernière pour se plier à la raison de l’État.

Dorénavant, avec ce coup décisif du Pape François, on ne pourra plus se réfugier derrière une ambiguïté autorisant, au nom d’un double langage, la peine de mort sur un plan profane et politique alors que le registre sacré la récuse absolument.

Prenons l’exemple du général de Gaulle qui en plusieurs périodes de sa vie historique n’a pas vraiment lésiné sur les exécutions de peines capitales alors que par ailleurs sa pratique intime et revendiquée l’inscrivait dans le catholicisme. Sans doute aurait-il eu plus de mal à se sentir à l’aise comme chef d’État et en qualité de chrétien avec cette interdiction officielle et doctrinale de la peine de mort. Les circonvolutions n’auraient plus été possibles et il aurait fallu choisir son camp sans prétendre jouer sur les deux tableaux.

Si l’Église catholique a œuvré en effet depuis des décennies à l’abolition de la peine capitale, la manière dont elle semblait s’en accommoder parce que le registre du régalien n’était pas le sien a sans doute atténué la portée de ses condamnations morales. Alors qu’il s’agit maintenant de sa part d’une « opposition catégorique » qui serait vide de sens si le pouvoir papal ne faisait pas tout pour la faire respecter, et d’abord par ceux se recommandant du catholicisme.

Je me souviens, durant ma vie professionnelle et lors des multiples conférences qui l’ont accompagnée et suivie, des inévitables débats sur la peine de mort et des questions qui m’étaient posées : l’avais-je requise, l’aurais-je requise ? Je répondais que la peine de mort sanction absolue aurait exigé une justice absolue, ce qui n’était évidemment jamais le cas. Même dans l’arsenal législatif, je ne l’aurais jamais demandée contre un accusé parce qu’elle aurait ressorti à mon sens plus à la métaphysique qu’à la technique. À la transcendance plus qu’à notre humanité ordinaire.

Je suis heureux d’avoir été modestement confirmé par le Pape François.

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  • « nul doute que la modification par rescrit de l’article 2267 du catéchisme va enlever aux pouvoirs se réclamant d’une culture chrétienne la justification pragmatique qui leur permettait d’oublier cette dernière pour se plier à la raison de l’État. »

    Je pensais que le pape était le chef de l’église catholique mais selon vous, il serait le chef de tous les chrétiens.
    C’est fâcheux parce que je ne vois pas à quel titre les chrétiens dans leur ensemble devraient obéir au pape.

    A ce propos puisque nous parlons religion, il n’a jamais était écrit « tu ne tueras pas », mais « tu ne commettras pas le meurtre », environ 1200 ans avant l’avènement du christianisme.
    Pour ceux qui se sentent concernés, ce commandement est toujours d’actualité…

  • La réponse d’Alphonse Karr, que Messieurs les assassins commencent, n’est pas qu’une boutade simpliste. Le pape sait-il bien organiser les priorités dans son agenda ? Combien de justiciables qui risquent la peine de mort, et combien d’innocents qui risquent de se faire assassiner ? En montrant bien haut et bien fort qu’il se préoccupe des premiers, le pape ne peut empêcher de faire de la publicité au message déplorable qu’il oublie les seconds…

    • Il me semble que la peine de mort a tué plus d’innocents qu’elle n’en a sauvé (par la peur qu’elle instige aux criminels). Cette estimation prend bien sûr en compte les dictatures qui condamnent à tour de bras. Esperons en tout cas que dans une dictature type Venezuela où il y a beaucoup de catholiques l’annonce puisse epagner des vies humaines.

      • Je ne parle pas de l’éventuel et incertain effet dissuasif de la peine de mort, mais de l’abandon dans lequel se trouvent trop souvent les victimes d’assassins et leurs proches.

  • Jésus christ n’a jamais été contre la peine de mort ?!?! Encore une deviance et fausse interprétation de l’église catholique.
    Venant d’un pape socialiste (contradiction fondamentale avec le christianisme: collectivisme contre individualisme) ce n’est pas étonnant.
    Le choix de la peine de mort doit être réservée aux victimes ou aux ayant droit de la victime, et à eux seuls, dans le principe de proportionnalité des peines.

    Être pour ou contre la peine de mort quand on n’est pas concerné, c’est discuter sur le sexe des anges.
    Sardou avait tout compris avec sa chanson « je suis pour »

  • La mort volontairement donnée ne doit pas être une peine alors que rien ne justifie son application. Ce n’est pas à l’Etat de donner la mort, en dehors des nécessités de la guerre de défense. C’est pourquoi la décision du Pape est respectable dans l’absolu et s’impose naturellement à toutes les autorités humaines.

    En revanche, la suppression de la peine de mort ne doit pas servir de point de départ et d’encouragement à une philosophie pénale laxiste conduisant à un allègement progressif des peines, jusqu’à leur disparition dans les cas extrêmes. Au contraire, la suppression de la peine de mort doit s’accompagner d’un alourdissement significatif des peines prononcées en cas de récidives multiples et de perpétuités réelles plus nombreuses pour les cas les plus graves (récidives de tentatives d’assassinats), ceci afin de rétablir l’équilibre de la protection des individus en particulier et de la société en général.

    Egalement, la suppression de la peine de mort trouve un équilibre social dans une sérieuse reconnaissance et acceptation de la nécessité de la légitime défense individuelle, acte de police et non de justice, cadre dans lequel il doit être communément admis la possibilité de la mort de l’agresseur, contrainte certes regrettable mais parfois nécessaire. A cet effet, il convient de considérer que la légitime défense n’est pas proportionnée si la victime n’est pas certaine de pouvoir prendre le dessus contre son agresseur en le mettant d’elle-même hors d’état de nuire. C’est encore plus vrai avec les forces de l’ordre. Par exemple, deux policiers encerclés par une bande menaçante d’une dizaine d’agresseurs sont parfaitement légitimes à faire usage de leurs armes, non seulement pour se défendre, mais surtout pour les mettre hors d’état de nuire et faire cesser le trouble.

    Une appréciation bien trop étroite de la légitime défense par la loi et les juges conduit à un sous-dimensionnement injustifiable de la possibilité de se défendre réellement. Elle engendre de nouvelles violences et injustices à foison, le retour anarchique de la loi du plus fort, le développement des comportements de meutes et le désarmement progressif des forces de l’ordre constamment mise en défaut et saturée de missions de fausse sécurité (limitation à 80 km/h) pour la détourner de ses véritables missions de sécurité, situations d’autant plus injustes et hideuses qu’elles surviennent sous le regard complice et satisfait de l’Etat obèse collectiviste, au mépris du devoir le plus élémentaire d’un Etat régalien normalement constitué.

    En conséquence, la suppression de la peine de mort doit forcément s’accompagner de la liberté de détenir des armes pour tout honnête citoyen, sans oublier les forces de l’ordre locales ou nationales pour lesquelles le port d’arme est un devoir. Ce n’est pas un hasard si l’acte fondateur des dictatures consiste à désarmer les citoyens. Il n’y a pas de différence d’objectif entre le dictateur et le criminel. Les deux poursuivent le même but, l’assujettissement complet de l’autre, la négation absolue de la liberté d’autrui.

    A ce titre, la décision du Pape, dans ses limites trop rapidement atteintes, à défaut d’entrer dans la complexité du sujet, méconnaît gravement la réalité du terrain. Elle est par exemple incompatible avec le dévoiement notoire de la justice observé en France parce qu’elle l’encourage à poursuivre son œuvre laxiste néfaste, une œuvre fondée sur le mépris et la haine des victimes, tout en étant ultra-complaisante avec les agresseurs, avec pour conséquence la multiplication des crimes et délits dont le nombre moyen a été multiplié par 6 en 70 ans.

    En condamnant le principe de la peine de mort sans distinction, le Pape a omis de mettre dans la balance un autre aspect au moins aussi fondamental du Catéchisme, à savoir que :
    « L’amour envers soi-même demeure un principe fondamental de la moralité. Il est donc légitime de faire respecter son propre droit à la vie. Qui défend sa vie n’est pas coupable d’homicide même s’il est contraint de porter à son agresseur un coup mortel… Il n’est pas nécessaire au salut que l’on omette cet acte de protection mesurée pour éviter de tuer l’autre ; car on est davantage tenu de veiller à sa propre vie qu’à celle d’autrui… La défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur hors d’état de nuire. »

  • Le pape devrait réaliser que plus personne ne l’écoute!! Les Etats sont sécularisés et l’Eglise n’a pas à dicter la politique!

    P.S c’est le pire pape de toute l’histoire de la papauté! Alexandre VI fut bien meilleur! Et on peut se demander s’il n’est pas un antipape!

  • Pour quelle raison cette nouvelle saillie de Bergoglio ?

  • le droit de tuer aussi et que pense t-il des pédophiles au sein de l’église ?

  • Dans ce cas là que le pape condamne Dieu car il a été le premier à condamner à mort tous les hommes en leur donnant un corps mortel . On pourrait même dire que c un assassin de masse . Après tout , le mec , c Dieu , quand même , ce n’est pas n’importe qui , c pas un mec lambda dans la rue : il aurait donc pu faire l’homme immortel , sans maladie ni rien . Il a TOUS les pouvoirs !!! Pourquoi laisse t’il donc l’homme mourir ? Le pape se croirait-il supérieur à Dieu ?
    . Dans un autre ordre d’idée , selon le pape , contre la peine de mort , si on était encore pendant la guerre , il ne faut pas tuer les nazis , et les prisonniers des camps de concentration ne doivent pas tuer les SS non plus ( car après tout ce sont des vies humaines ) ? Et si en cas d’agression vous risquez de vous faire tuer , il faut vous laisser tuer pour ne pas risquer de tuer votre agresseur?

  • Si vous lisez  » Sanglante bible  » de Théodore de Laconis , vous verrez que dans l’ancien testament Dieu a trucidé des centaines de milliers de personnes , peut-être plus ( pratiquement toute l’humanité avec le Déluge et même les animaux qui n’avaient rien fait )) , des peuples entiers . Qu’en pense le pape? ( je sais bien que d’autres religions n’ont pas fait mieux , mais comme le sujet est le pape … Staline et Hitler auraient aimé…

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