Burkina Faso : réformer l’État pour « dégraisser le mammouth »

La rationalisation du système de rémunération dans la fonction publique apparaît comme une condition de viabilité pour les finances publiques du Burkina Faso.

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Burkina Faso : réformer l’État pour « dégraisser le mammouth »

Publié le 3 juillet 2018
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Par Mauriac Ahouangansi.
Un article de Libre Afrique

Du 12 au 14 juin 2018, le Burkina Faso a organisé une conférence des forces vives de la nation avec pour sujet central la rationalisation du système de rémunération des agents publics de l’État. La masse salariale du pays enfle et inquiète le gouvernement et ses partenaires qui ambitionnent de la contrôler et par suite, la réduire. Comment réussir un tel exploit dans un pays où les revendications salariales sont omniprésentes ?

Commencer par la chasse à la gabegie

La problématique de la masse salariale est très sensible au Burkina Faso. Pourtant, les précédents gouvernements n’ont pas pu poser les jalons pour la solutionner. La masse salariale publique du pays est passée de 35,8 % des recettes publiques en 2013 à 53% en 2017, selon le Fonds Monétaire International (FMI).

Une situation en déphasage avec les critères communautaires de l’UEOMA qui recommande un ratio de 35% des recettes publiques pour la masse salariale au sein de l’administration. Des 620 milliards Francs CFA actuels, il est prévu que cette masse salariale passe à environ 1000 milliards en 2020, creusant avec elle le déficit budgétaire, déjà à 8% du PIB.

Pour inverser cette tendance, des mesures drastiques et brusques engendreraient plus de tensions. Il faudrait commencer d’abord par relancer des audits pour débusquer les fonctionnaires fictifs qui émargent au budget de l’État et l’alourdissent frauduleusement.

En 2012, 6250 cas de fonctionnaires suspects avaient été découverts. En 2015, 1213 cas représentant environ 2,7 milliards ont été recensés. Cette persistance de la fraude justifie largement que le gouvernement fasse de nouveaux audits. Mais il apparaît tout aussi urgent de débusquer les fonctionnaires certes réels mais qui perçoivent des rémunérations irrégulières, que ce soient des primes indues ou des salaires ne correspondant pas à leur statut actuel. L’efficacité de ces mesures nécessite que l’on mette fin au recrutement gré à gré de prestataires. Toutefois ces mesures d’urgence ne sont bénéfiques qu’à court terme. Il faut donc envisager des mesures structurelles pour juguler durablement le phénomène.

Instaurer la culture du résultat

Rationaliser le système de rémunération dans la fonction publique est une initiative salutaire. Cependant, une approche durable et efficace consisterait pour le gouvernement à attaquer la racine du mal. Pour ce faire, il pourrait rationaliser le fonctionnement de l’administration publique en termes d’emploi des compétences en instaurant une nouvelle dynamique de travail et de rémunération basée sur la performance.

La croissance de l’emploi public s’est établie en moyenne à 7% ces dernières années selon le FMI, ce qui est déjà beaucoup. Les autorités pourraient, entre autres, instituer la catégorie d’agents contractuels de l’État dans les corps qui n’en disposent pas encore pour lier le recrutement aux besoins réels. Il serait en outre bénéfique de ralentir le rythme des recrutements et d’instaurer une politique d’intéressement afin de hausser le rendement des quelques 170 000 fonctionnaires.

En effet, de meilleures performances de la fonction publique pourraient hausser la productivité, ce qui réduirait le besoin pour procéder à de nouveaux recrutements, et alléger ainsi la masse salariale. Selon le FMI, l’instauration de la culture du résultat aux Philippines en 2012 a permis à la fois d’économiser sur la masse salariale et d’accroître l’efficacité de l’administration publique.

Il s’agit de prendre en compte les performances individuelles pour une partie des primes et les performances collectives pour l’autre partie. Ceci devrait être accompagné par l’amélioration des conditions de travail et l’informatisation d’une partie des procédures afin de rendre possibles les performances escomptées. Enfin, l’instauration des promotions par méritocratie et des rémunérations liées au poste et non à la carrière est impérative pour une plus grande efficacité.

Repenser les missions de l’État

La rationalisation de la masse salariale au Burkina passe inévitablement par la rationalisation des interventions de l’État. En effet, les ingérences de l’État central génèrent des coûts importants en ressources humaines. D’où la nécessité de mettre à plat la répartition des tâches entre l’administration centrale et les collectivités locales.

Une équation que les autorités peuvent résoudre en appliquant le principe de subsidiarité qui préconise qu’un service public donné devrait être prioritairement confié au niveau de gouvernement le plus bas, capable de le délivrer efficacement. Dans cette perspective, le recrutement de personnel se fait également au niveau des collectivités locales, en fonction des besoins réels.

Cela permettra de limiter les doublons, les gaspillages en matière d’allocation des ressources, ce qui permettra de réduire les salaires et les indemnités liées aux missions. Il s’ensuivra une économie considérable quand on sait qu’au Burkina, près de la moitié de la masse salariale dans la fonction publique est constituée d’indemnités et d’allocations selon un rapport du FMI. Toutefois, la complexité de la problématique du système de rémunération nécessite quelques mesures supplémentaires pour sa résolution.

L’une des mesures complémentaires aux réformes suivant le principe de subsidiarité serait d’opérer une nouvelle division de travail entre le secteur public et le secteur privé suivant le principe d’efficacité. Celui-ci stipule que tout ce qui peut être accompli par le secteur privé devrait être délégué par l’État.

En effet, la recherche permanente d’efficacité et d’efficience dans les entreprises privées les pousse à rationaliser au maximum leurs moyens de production pour un rapport qualité/dépense optimal. Pour bénéficier de cette efficacité et alléger la masse salariale, l’État burkinabé pourrait donc opérer son retrait maîtrisé des activités économiques du pays en maintenant son rôle de régulateur.

Cela consisterait donc à libéraliser, dans les règles de l’art, un certain nombre de secteurs d’activités. Ces réformes auront d’une part pour effet, de créer des opportunités d’affaires au privé ; et d’autre part d’alléger la masse salariale de l’État. Au final, l’État peut de son côté être aussi efficace sur les tâches prioritaires ne pouvant être cédées.

La rationalisation du système de rémunération dans la fonction publique apparaît comme une condition de viabilité pour les finances publiques. Mais l’atteinte de cet objectif appelle à des changements structurels dans le fonctionnement même de l’administration publique Burkinabé. La lucidité doit donc guider les autorités pour des réformes idoines.

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