Wauquiez v. Macron

Stratégiquement, Laurent Wauquiez ne serait-il pas l’élève d’Emmanuel Macron ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Laurent Wauquiez en 2014 by UMP photos(CC BY-NC-ND 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Wauquiez v. Macron

Publié le 28 juin 2018
- A +

Par Vincent Feré.
Un article de Trop Libre

Pour la plupart des commentateurs politiques, la cause est entendue : Laurent Wauquiez mène les Républicains à leur perte et l’éviction brutale, il y a une semaine, de la numéro 2 du parti, Virginie Calmels, n’a pas manqué de les conforter dans leur diagnostic.

Naturellement personne ne nie les difficultés de LR qui, au passage, concernent aussi l’autre grand parti historique de gouvernement, le Parti socialiste. Laurent Wauquiez non plus sans doute et, comme Emmanuel Macron, il a probablement acté la disparition des partis traditionnels qui renvoie à une crise profonde de la représentation politique et de la démocratie.

Et d’ailleurs, LR pour Wauquiez diffère-t-il vraiment de LREM pour Macron ?

La crise des partis traditionnels et de la représentation politique

Il y a un an les élections législatives, en donnant la majorité absolue à la République En Marche qui n’existait pas quelques mois auparavant, ont consacré l’effondrement des deux grands partis de gouvernement, LR et le PS, qui avaient alterné au pouvoir depuis les débuts de la Cinquième République. Or même si de Gaulle, sous la IVè, n’a eu de cesse de stigmatiser le rôle des partis, incarnation à ses yeux des « jeux, poisons et délices du système », la Constitution de 1958 stipule dans son article 4 :

Les partis et groupes politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.

C’était dans le fond acter que depuis la fin du XIXè siècle et l’affaire Dreyfus, la structure partisane avait été la réponse apportée à l’entrée des masses dans la vie politique. La droite a certes répugné davantage que la gauche à s’organiser ainsi mais le parti est devenu au fil du temps le lieu où se joue la vie politique. Et ironie de l’histoire, le fonctionnement des institutions de la Cinquième République a même donné naissance au gaullisme partisan.

Dans un ouvrage qui a fait date1, Maurice Duverger opposait alors aux partis de cadre, essentiellement composés de notables, peu centralisés et simples machines électorales, les partis de masse, avec de nombreux militants et, souvent, un leader charismatique. De fait, le PCF, le PS, l’UDF et le RPR qui ont dominé la vie politique des premières décennies de la Cinquième République relevaient de l’un ou l’autre des types analysés par Maurice Duverger.

Or ces organisations traditionnelles sont aujourd’hui en voie de disparition. En effet, elles ne répondent plus aux attentes des citoyens dans un contexte de crise de la représentation politique dont la montée de l’abstention et les bons scores des partis populistes sur fond de poussée de la « démocratie illibérale » en Europe sont un bon révélateur. Elles ont de fait été balayées aux dernières élections législatives.

Wauquiez à l’école de Macron

C’est du reste en dehors de ces partis traditionnels qu’Emmanuel Macron, à la grande stupéfaction des observateurs, a bâti sa victoire à l’élection présidentielle. De fait, LREM n’est ni un parti de cadre ni un parti de masse. Certes, les élites sociales constituent l’essentiel de ses membres mais la structure est hyper-centralisée et comme le note le politologue Pierre Martin, les décisions y viennent d’en haut : les commissions d’investiture pour les élections se réunissent sans que les militants ne votent.

Ce n’est donc pas un parti de cadre. Ce n’est pas davantage un parti de masse : nombre d’adhérents qui ont cru naïvement à une nouvelle manière de faire de la politique, plus horizontale et appuyée sur les réseaux sociaux ont été déçus par la verticalité de l’exercice du pouvoir au sein de LREM. Ils l’ont quitté. Un « parti attrape tout » alors ? Sans doute sur le plan idéologique, avec le fameux « en même temps » mais pas sur le plan sociologique ; ce qui n’est pas sans danger, puisqu’Emmanuel Macron élu par une partie de la gauche est de plus en plus clairement identifié à la droite dans les sondages.

Un « parti pivot » aussi au sens où l’entend Serge Berstein à propos des radicaux sous la Troisième République ? Probablement le souhaite-t-il en tout cas puisque Christophe Castaner, délégué général de LREM, propose aux élections municipales de 2020 de soutenir aussi bien des maires de gauche que de droite. Mais on peut voir aussi les choses autrement : un leader et une organisation dévouée à sa cause, une idéologie simple : « et de droite et de gauche » : un populisme distingué en somme. Dans le fond, qu’est-ce que LREM sans Emmanuel Macron ? La réponse est sans doute : pas grand-chose. LREM n’est en effet pour l’instant rien d’autre que le soutien du Président de la République qui ne tardera pas – un quinquennat, c’est court – à se « remettre en marche » pour sa réélection en 2022. Et après une éventuelle défaite ?

En face, Laurent Wauquiez veut exister en incarnant l’opposition radicale au président de la République. Il s’appuie sur une structure, LR, qui dispose d’une implantation locale encore solide. Les militants le suivent, les sondages consécutifs à l’éviction de Virginie Calmels le montrent bien. Dans sa logique, l’exercice de son autorité le conforte plutôt que de le desservir comme le répètent à l’envi les commentateurs.

Un chef, une idéologie claire, proche du populisme d’extrême droite, une structure partisane aux ordres : stratégiquement, Wauquiez ne serait-il pas l’élève de Macron ? LR n’a jamais été un parti de cadre, ce n’est plus non plus un parti de masse, la belle affaire, LREM non plus. Wauquiez est seul ? Sans doute mais Emmanuel Macron l’est aussi d’une certaine façon, comme le notait justement Dominique Reynié il y a un an.

Dans un cas comme dans l’autre, il y a finalement une tentative de s’adapter aux conditions nouvelles créées par la crise de la démocratie représentative. Il n’est pas sûr toutefois que ce soit le moyen d’y remédier en profondeur et pas davantage de régler la crise française qui, comme la crise européenne, est aussi sociale. Or Macron comme Wauquiez oublient la question sociale : le premier pense qu’elle se réglera d’elle-même, le second mise sur la question identitaire.

Xavier Bertrand, lui aussi en rupture de ban avec les partis traditionnels, vient opportunément de rappeler qu’elle était le cœur du problème2.

Une troisième voie/voix ?

Sur le web

  1. Maurice Duverger, Les Partis politiques, Seuil, 1981.
  2. Le Monde du 19 juin 2018.
Voir les commentaires (13)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (13)
  • Bonjour.

    Le gros pb de Wauquiez, c’est qu’il est totalement transparent. Je n’ai aucun souvenir d’une position idéologique de ce politique. Les insoumis ont un discours audible, des prises de position visibles.

    Wauquiez, rien.

    • Désolé: un pays se définie avant tout par une identité, une communauté d’idée, de culture, d’histoire commune, de langage, une spécificité par rapport aux extérieurs aux frontières. Pour que la France reste la France wauquiez est là pour défendre cette identité

      • @ le papet
        Ça, c’est un souvenir gaullien d’une France souverainiste et nationaliste qui a quand même fini par accepter l’indépendance algérienne: les temps ont changé, des traités ont été signés et la mondialisation-globalisation existe.
        La France de Ch.De Gaulle était florissante durant les 30 glorieuses: ce n’est plus exactement le cas!

        Malgré votre conservatisme, il faut parfois accepter l’évolution et en assumer les charges: on peut se prétendre co-leader de l’Union Européenne mais si on n’en respecte même pas les règles, ça fait tache et ça décribilise!

  • Ce qui dérange la classe politique , médias compris , c’est que Wauquiez s’est démarqué volontairement des schémas habituels . Autrefois nous avions un centre droit et un centre gauche . Chirac , centriste , a été le premier à imposer la confusion : trop de monde au centre alors baptisons nous  » droite  » ! Résultat : deux mandats avec les pleins pouvoirs à ne rien faire ou presque . La politique s’est sclérosée en France entre le PS et l’UMP avec les résultats que l’on connaît . Rendons grâce à Wauquiez d’avoir secoué le cocotier à tort ou à raison . Trop de gens de  » droite  » se sont précipités chez Macron pour travailler avec des ex PS et s’en accommodent très bien . Peut-être sortirons nous enfin de l’enfumage professionnel entretenu par les politiques .

    • @ Adio
      Oui, sauf que le pragmatisme oblige à se rendre compte que la plupart des pays (excepté la Hongrie ou l’Italie) sont gouverné dans un centre large, ce qui n’est pas étonnant puisque les gens sont personnellement capitalistes si c’est possible, sur le plan financier, mais pas extrémiste anti-sociaux pour autant, sans compter qu’ils peuvent sans doute, en bénéficier aussi!

      Avouez qu’E.Macron a eu le culot de parier sur le centre en lieux et places de ces droites et gauches éculées qui se retrouvaient souvent à +/- 1/2 amputées au pouvoir puisque pas le choix de plus de 50% de la population (élections par défaut). Le vote majoritaire est évidemment archaïque! Actuellement, la Démocratie se veut proportionnelle pour autant qu’on respecte les minorités. La Constitution de Ch.De Gaulle était faite pour lui-même, un militaire! Pas pour les suivants! Mais ils l’ont trouvée si pratique et confortable! … qu’ils rêvent tous d’en user!

  • Wauquiez se limite à la question de l’immigration et une assez vague défense de la « francitude ». Pour l’économie et « l’écologie » il ne dit rien d’original, Wauquiez comme Macron font du sous-Hollande.
    Or le problème français est d’abord là, recul économique, délires environnementaux.
    Wauquiez n’a rien d’intéressant à dire, dommage.

    • C’est vraie pour l’écologique, j’ai proposé à Wauquiez une nouvelle politique écologique: a savoir que l’augmentation de C02 est bon pour les plantes dont c’est la nourriture principale, donc bon pour les animaux qui mangent ces plantes, donc bon pour les hommes qui mangent des plantes et des animaux Au crétacé il y avait 3 fois d C02 qu’aujourd’hui et les dinosaures étaient immenses tout comme la végétation. L’exploitation des gaz de schistes est sans danger en France lorsque l’on connait les exigences sanitaires pour faire un forage, pas comme aux Etats Unis. En exploitant l’énergie nucléaire, on ne fait qu’imiter le soleil astre nucléaire par excellence, qui est la source de vie sur la terre. Enterrer les déchets nucléaires sous 500 m d’argile est géologiquement sans aucun danger ne déplaisent aux écologistes dont aucun ne pratique la géologie. Arrêtons de prêter l’oreille aux marchands de peur dus à leur ignorance de sciences

      • @ le papet
        Faut pas déc…!
        Croire qu’augmenter la part de CO2 dans l’atmosphère n’aura que des conséquences positives, on n’en sait sans doute rien: cela n’a jamais été essayé et je n’ai pu récupérer le témoignage du moindre dinosaure!
        Prédire ce qui arrivera aux déchets radioactifs et à leur contenant, même sous 500 m d’argile, dans 100, 200 ou 500 ans: on n’en sait rien! (Ce que je sais, c’est que le 1ier site choisi a été refusé du côté de la Marne! Bref, pas de solution! Et l’électro-nucléaire n’a pas su créer un climat de confiance à son sujet! Tant pis!
        Enfin, vous m’avez fait rire (votre syllogisme en cascade!). Merci!

  • Il n’y a qu’un digne élève de Sciences Po, pour voir en Xavier Bertrand, un homme tiède mélangé à de l’eau tiède, une alternative crédible.
    La voie de l’extrême centre que pousse Macron n’est assurément pas l’avenir. Ça n’est pas la première fois que la France se trompe (elle avait déjà manqué dans les années 80, le tournant Thatcher Reagan) et que l’histoire lui donne tort.
    Xavier Bertrand incarne la même ligne politique de Macron, juste en plus rond dans les formes. Cette voie mène à une impasse, changer la forme n’y changera rien dans le fond.

  • les élites formés par L’ENA et orienté vers les partis traditionnels ,les Français n’en veulent plus…Macron en est un exemple ,il aurait pu attendre longtemps pour parvenir au pouvoir ..avec une communication et la complicité des médias ,ils à bousculé les partis politiques traditionnels…les retournements de veste Droite /Gauche ,les opportunistes désirant garder leurs avantages à fait le reste….le pouvoir use très vite ,les égos incontrôlables,ce système n’est pas le meilleur…
    la patte de l’ENA est là…prêt à foutre le Bordel…c’est un système maffieux jusqu’à quand ?

  • a Orior..vous avez raison ..c’est un assureur au départ comme le commercial Solere ..de là Com,sans plus …maïs c’est-à-dire gens là sont dangereux….

  • Jeudi voulais dire c’est-à-dire gens là

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
7
Sauvegarder cet article

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’êtr... Poursuivre la lecture

Le fait pour un gouvernement de solliciter et d’obtenir la confiance de l'Assemblée contribue à la prévisibilité, la stabilité et la sincérité de l’action publique, et cela devrait être reconnu comme indispensable.

Le 30 janvier dernier, Gabriel Attal a prononcé son discours de politique générale, sans solliciter la confiance de l’Assemblée, avant qu’une motion de censure soit soumise, puis rejetée le 5 février. Le gouvernement Attal, comme le gouvernement Borne avant lui, a donc le droit d’exister, mais sans soutien de la chambre.

... Poursuivre la lecture
8
Sauvegarder cet article
« Je déteste tous les Français »

Le 3 février dernier, un immigré malien de 32 ans, Sagou Gouno Kassogue, a attaqué au couteau et blessé grièvement des passagers de la Gare de Lyon. Finalement maîtrisé par l’action conjuguée des passants, des agents de sécurité et des membres de la police ferroviaire, l’homme en garde à vue a été mis en examen pour tentative d’assassinat aggravée et violence avec armes aggravée.

Les premiers éléments de l’enquête dévoilés par le préfet de police de Paris révèlent les discours conspirationnistes d’un in... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles