Loi PACTE : la grogne des commissaires aux comptes

Après les cheminots et les retraités, ce sont les commissaires aux comptes qui ont défilé jeudi dernier. En cause, la loi PACTE portée par Bruno Le Maire.

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Loi PACTE : la grogne des commissaires aux comptes

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 19 mai 2018
- A +

Par Romain Gérardin-Fresse. 

Une habitude bien française consiste à confier un mandat aux gens et de leur contester le droit d’en user.  (Michel Audiard)

Et force est de constater qu’en cette période de troubles en feuilleton, on ne peut lui donner tort.

Après les cheminots, les agents du service public et les retraités, voici venu le tour d’une profession peu habituée à faire parler d’elle sous cet aspect : les commissaires aux comptes.

Ce jeudi, les quelques 13.000 membres de la profession étaient appelés à manifester pour faire entendre leur voix, pourtant souvent timorée. S’il est vrai qu’ils sont davantage habitués à étudier la régularité qu’à battre le pavé, il faut leur reconnaître qu’il leur était important d’exprimer leur mécontentement.

Au cœur du scandale, la fameuse Loi PACTE, acronyme pour « Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises », portée par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

La réforme-phare du quinquennat prévoit en effet un relèvement du seuil à partir duquel l’intervention d’un commissaire aux comptes deviendra obligatoire.

Aujourd’hui norme légale pour les Sociétés par Action Simplifiée de plus de 20 salariés et atteignant 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, le projet porté par le gouvernement viserait à aligner les édictions législatives sur la base des normes européennes.

À l’origine, un rapport rendu en mars dernier par l’Inspection Générale des Finances, qui préconise de relever le seuil à 8 millions d’euros, permettant ainsi un allègement des charges pesant sur les entités commerciales, et a fortiori les plus petites, de l’ordre de 5500 € par an.

Une manière de supprimer l’obligation pour les PME, et d’aller dans le sens de ce qui était promis par le gouvernement, et réclamé à cor et à cri depuis des années par les entrepreneurs : la simplification des démarches.

Le bonheur des uns fait le malheur des autres

Seulement voilà, si les commissaires aux comptes reconnaissent à demi-mot que le seuil de 2 millions est trop bas (alors même qu’ils s’étaient déjà insurgés en 2008 contre un premier relèvement) et complexifie la vie des dirigeants, notamment de structures de taille intermédiaire, ils estiment que l’application de ce texte entraînerait une baisse d’un quart de leur chiffre d’affaires, soit 620 millions d’euros par an.

À l’appui de leur défense, il faut avouer que la justification apportée par Jean Bouquot, le président de la Compagnie Générale des Commissaires, est pour le moins cocasse. Ce dernier estime en effet que laisser davantage de liberté à 150.000 entreprises de plus qu’à l’heure actuelle (la réforme tendrait à faire passer de 200.000 à 50.000 le nombre de sociétés certifiées sur la base de 3 millions d’entreprises sur le territoire) tendrait à « ignorer une caractéristique française selon laquelle on ne respecte bien la loi que si quelqu’un y veille ».

De son côté, le ministre de l’Économie préfère se référer à ce qu’il s’est produit en 2004 au Royaume-Uni lors de la mise en place d’une mesure similaire, et constater que pour 40% des sociétés concernées, la mission obligatoire s’est transformée en mission contractuelle sur la base d’une décision volontaire des dirigeants.

Mais cela ne semble pas rassurer les professionnels du chiffre, pour lesquels une mesure juste serait de couper la poire en deux, et d’instaurer un seuil minimal à 4 millions d’euros.

Vers une évolution de la mission du commissaire aux comptes ?

La solution serait peut-être d’envisager une mutation de la mission première du commissaire aux comptes, parfois considéré comme répressive pour certains, en une mission de conseil dans un domaine beaucoup plus large.

L’instauration du RGPD (Règlement Général pour la Protection des Données), le 25 mai prochain, ouvrira la voie à la nécessité, légale ou organisationnelle, de se doter d’un référent en la matière, nouvellement dénommé DPO (Data Protection Officer), qui se posera en véritable chef d’orchestre de la conformité.

Il pourrait être opportun pour les commissaires aux comptes de proposer ce type de missions.

Le développement de méthodes de financement alternatives au système bancaire traditionnel, notamment par le crow-funding ou le financement participatif, nécessiterait lui aussi un encadrement aux fins que ces procédés encore marginaux, puissent être maîtrisés par les dirigeants d’entreprise.

Jean Monnet aimait à dire que « les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. » Peut-être alors sommes-nous à l’aube d’une véritable modification de la mission exercée par les commissaires aux comptes.

 

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  • énarque, il est directeur de cabinet du Premier ministre Dominique de Villepin entre 2006 et 2007 puis est élu député pour l’UMP dans le département de l’Eure , il est élu député avec 58,3 % des suffrages, Mediapart souligne qu’il n’a alors « aucune attache dans l’Eure, aucune expérience du terrain non plus »
    ministre de l’Agriculture pendant près de trois ans au sein du gouvernement de François Fillon. Il est de nouveau élu député en 2012 . Il se présente à la primaire de la droite et du centre en vue de l’élection présidentielle de 2017, mais n’obtient que 2,4 % des voix.
    Il rejoint ensuite l’équipe du secrétaire général de la présidence de la République de Jacques Chirac, Dominique de Villepin. Il le suit au ministère des Affaires étrangères en 2002 en tant que conseiller pour les affaires étrangères au sein de son cabinet6, au ministère de l’Intérieur en 2004 avec la même attribution7, puis à Matignon en mai 2005, où il devient le conseiller politique du Premier ministre.
    , Bruno Le Maire est désigné pour conduire la liste du parti UMP aux élections régionales en Haute-Normandie. Il ne réussit pas à ravir la région au président sortant socialiste, Alain Le Vern, la liste qu’il conduit obtenant 30,70 % des voix
    Bruno Le Maire est à la primaire de la droite et du centre de 2016.
    ses propositions28 :
    • Suppression de l’impôt sur la fortune ;
    • Suppression du droit de certains syndicats à être seuls à pouvoir présenter des candidats au premier tour des élections syndicales ;
    • Réduction des indemnités chômage et du revenu de solidarité active ;
    • La mise en place de « petits boulots » payés à hauteur de 5 euros par heure, pour les bénéficiaires des minima sociaux.
    Il se classe cinquième du premier tour de la primaire avec 2,4 % des voix. Pour le second tour, il annonce voter pour François Fillon, après avoir pourtant assuré durant sa campagne qu’il « ne [se] rallierai[t] à aucun candidat au second tour ».
    En mai 2017, il devient ministre de l’Économie dans le gouvernement Édouard Philippe, sous la présidence d’Emmanuel Macron. un carriériste rien d’autre , ses performances sont resumées par son score au primaire de la droite.

    • Même un carriériste peut prendre par hasard une bonne mesure. Malheureusement, si comme je le crois il s’agit bien du hasard, la mesure demeurera isolée, fragile, et incompréhensible pour ceux qu’elle désavantage, et perd une bonne partie de son intérêt.

      • @ MichelO
        Bof! C’est un chèvrechoutiste! Si l’U.E. vous dit de diminuer les charges administratives sur les plus petites entreprises, que la France, bien mauvais élève européen, ne vienne pas encore finasser pour cultiver son souverainisme en se voulant toujours co-leader européen, ce qui fait rire tous les autres, A.Merkel, la première!

  • Dans une société comme :
    « Les mutuelles de Bretagne » le commissaire aux comptes doit notamment veiller a ce que les dirigeants et ou les administrateurs n’aient pas de liens d’intérêts particuliers avec la personne morale qu’est l’entreprise, il doit faire ce contrôle chaque année et annoncer le résultats de ses vérifications devant l’assemblée générale.
    Cette nouvelle réglementation et législation serait-elle faite sur proposition du Sieur  » Ferrand « , qui prétends toujours avoir agit dans la légalité. ! ?

  • mettre en application la mesure va créer un bouleversement.Resumons ,diminution de personnels ,c’est une évidence en plus sera impacter les experts comptables,
    sans contrôle,ne va t-il pas y avoir des fraudes ?? comment seront contrôler ces entreprises??bizarre cette loi à qui profite le crime….??

    • Il y a d’autres manières d’éviter les fraudes que le contrôle tatillon et systématique de la moindre PME. En particulier, on pourrait accroître la responsabilité et les sanctions en cas de fraude avérée. Dans ce cas, seuls les fautifs paieraient, alors qu’aujourd’hui les gens honnêtes doivent payer pour prouver qu’ils sont honnêtes !

      • @ MichelO
        Voilà! Vous avez compris! Si on peut craindre des abus ici ou là, c’est au fisc ou au patron ou au C.A. de se payer des contrôleurs!
        Que ce ne soit plus une obligation U.E., tant mieux pour les pays où ce ne sera même pas nécessaire!

  • à Michel0 ,quels contrôles ?quand un ministre change la donne à qui profite le système ????

    • Quand la donne est changée, il convient d’étudier en quoi et si dans sa situation (en ce qui me concerne, celle d’associé dans plusieurs PME) on est pénalisé, avantagé, ou soulagé. La question de qui est à l’origine du changement vient ensuite, c’est l’opinion qu’on s’est faite sur le changement qui dicte celle qu’on se fait sur le ministre ou autre politicien qui en est à l’origine, et non l’inverse.

  • Les commentaires sont fermés.

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