La Commission nationale des sanctions : surveillance et délation ?

Lundi 7 mai 2018, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a reçu de Francis Lamy la traditionnelle remise du rapport d’activité de la Commission nationale des sanctions. Mais savez-vous de quoi il s’agit ?

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La Commission nationale des sanctions : surveillance et délation ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 11 mai 2018
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Par Thibault Doidy de Kerguelen.

La Commission nationale des sanctions est un dispositif de surveillance de certaines activités. La Commission nationale des sanctions est une institution indépendante…  installée auprès du ministre chargé de l’Économie. Telle est sa définition figurant sur son site officiel.

 

Le caractère indépendant de la Commission nationale des sanctions

La Commission nationale des sanctions est composée :

  • d’un conseiller d’État, président, désigné par le vice-président du Conseil d’État (lui même nommé en Conseil des ministres sur proposition du garde des Sceaux),
  • d’un conseiller à la Cour de cassation, désigné par le premier président de la Cour de cassation (lui-même nommé par le président de la République)
  • d’un conseiller-maître à la Cour des comptes, désigné par le premier président de la Cour des comptes (lui même désigné par décret du Conseil des ministres),
  • de quatre personnalités « qualifiées » en matière juridique ou économique.

 

L’objet de la Commission nationale des sanctions

Le rôle officiel de la Commission nationale des sanctions est d’être un acteur de la lutte contre le blanchiment des capitaux et de l’inévitable « financement du terrorisme ».

Beaucoup plus prosaïquement, elle sanctionne les professionnels relevant de sa compétence qui n’appliquent pas leurs obligations, comme celle de déclarer à Tracfin les soupçons et les informations dont ils ont connaissance afin de lutter contre la fraude fiscale, les règlements en espèces, la fraude douanière et sociale ou, bien entendu, le « financement du terrorisme ».

Elle est chargée de surveiller et de sanctionner les professionnels suivants :

  • agents immobiliers,
  • sociétés de domiciliation,
  • opérateurs de jeux et paris, y compris en ligne.

 

Et, désormais, depuis l’ordonnance du 1er décembre 2016 ayant transposé la quatrième directive européenne sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme :

  • les antiquaires,
  • les marchands d’œuvres d’art,
  • les personnes se livrant au commerce de biens de luxe et acceptant les règlements en espèce ou en monnaie électronique supérieurs à 10 000 euros,
  • les agents sportifs.

 

Vous noterez au passage qu’à part dans la catégorie « opérateurs de jeux » (et encore, pas en France..), aucun professionnel de ces secteurs n’a été pour l’instant condamné pour financement du terrorisme, contrairement à d’autres activités comme les transports, la restauration, le commerce international, les associations qui, elles, ont plusieurs cas de condamnations, mais ne figurent pas parmi les secteurs surveillés par la Commission.

 

Bilan 2017 de l’action de la Commission

Le président de la Commission nationale des sanctions a présenté au ministre le bilan des travaux de la Commission pour l’année 2017 :

49 décisions de sanction : 24 décisions sanctionnaient des personnes morales, et 25 décisions des personnes physiques, dirigeantes de ces personnes morales

Ces décisions concernaient des entreprises appartenant :

  • au secteur des agences immobilières pour 76 % d’entre elles,
  • au secteur de la domiciliation pour 20 % d’entre elles et
  • au secteur des jeux et paris pour 4 % d’entre elles.

 

87 sanctions  se décomposant en :

  • 25 interdictions temporaires d’exercice d’activité,
  • 13 avertissements,
  • 39 sanctions pécuniaires, de 1000 à 30 000 euros.

 

Depuis sa création en 2014, la Commission a sanctionné au total 128 professionnels. Gageons que l’élargissement de son champ d’investigation va lui permettre d’accélérer sa montée en puissance…

 

Allocution du ministre

Bruno Le Maire, ministre de tutelle de la Commission, a souligné :

« La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme était au cœur des priorités des autorités françaises, comme l’a montré l’organisation de la conférence sur la lutte contre le financement de Daech et d’Al-Qaïda qui s’est tenue à Paris les 25 et 26 avril. »

Réitérant l’appel de ses prédécesseurs à la délation, et faisant même dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale une obligation de cette délation, il a ajouté :

« Elle implique aussi la mobilisation forte des professionnels. L’augmentation du nombre de déclarations de soupçons en 2017 pour l’ensemble des professionnels assujettis témoigne d’une prise de conscience qui doit se poursuivre alors que les risques sont toujours présents. »

Un monde dans lequel chacun doit surveiller chacun, ça ne vous rappelle rien ?

Sur le web

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  • En parlant de Tracfin et de délation,
    le fils de Fabius il en est où de son achat à 7 million d’Euro en juillet 2012 boulevard Saint-Germain ?

  •  » Ces lois dont les coupables sont le prétexte, et les innocents le but « …

  • Ce mélange des genres hallucinant entre fraude fiscale, blanchiment et terrorisme est tellement énorme qu’on se demande encore comment une telle arnaque a pu être acceptée par les peuples… sachant que la France, pour une fois, ne fait qu’emboiter le pas à d’autres pays, dont les Etats-Unis, qui ont été les premiers à partir dans cette logique après le 11 septembre 2001. Cet attentat aura décidément été une magnifique aubaine pour les étatistes forcenés de la taxe et de la surveillance.

    • @ BrunoJ
      La ficelle est tellement grosse pour laver plus blanc que blanc les trafics de vente avec l’étranger, spécialement des armes françaises, dans ce cas-ci, au prix d’une CNS rémunérant de grands commis de l’état pour leur discrétion docile!

    • Surtout qu’en matière de terrorisme, l’Etat français n’a aucune leçon à donner. Cf. le Rainbow Warrior.

  • Et moi qui suis résident à l’étranger, aucune banque française ne me prête un centime…
    J’aimerai bien voir la tronche des banquiers locaux, pas plus propres que les français, mais pas moins, quand ils liront ma réponse par courrier.
    J’en ai plein le c.l de ces gens là.

    le but principal est evidemment fiscal

    fistal, non ?

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Jacques Amar est Maître de conférences HDR en droit privé, CR2D à l'Université Dauphine-PSL et docteur en sociologie à l'Université Paris Dauphine – PSL. Arnaud Raynouard est Professeur des universités en droit, CR2D à l'Université Dauphine-PSL.

 

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