Lutte contre la fraude fiscale : l’État s’immisce toujours plus dans votre vie

Contre la fraude fiscale se prépare un projet de loi qui va violer la confidentialité et nuire à la sécurité des contribuables.

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2013-04-25 by Laetitia et Christophe Beauducel (CC BY-NC-ND 2.0)

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Lutte contre la fraude fiscale : l’État s’immisce toujours plus dans votre vie

Publié le 6 mai 2018
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Par Jean-Philippe Delsol.
Un article de l’Iref-Europe

Pour réduire la fraude fiscale, dont il dit lui-même que les « chiffres ne sont pas vérifiés », le ministre Gérald Darmanin serait sans doute mieux avisé de simplifier et clarifier la loi fiscale, de rendre l’impôt plus raisonnable et moins spoliateur.

Il ne suffit pas que les dépenses publiques représentent en France 56,5 % du PIB et que les prélèvements fiscaux français, de 45 % du PIB, soient désormais les plus élevés de tous les pays développés. L’État évoque une fraude fiscale de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an pour accroître son emprise sur les particuliers et les entreprises.

Nouvel impôt, nouvelle récolte des données personnelles

Au 31 mars de cette année, toutes les sociétés ont dû déclarer au greffe du tribunal de commerce leurs bénéficiaires économiques ultimes et chaque changement de ces bénéficiaires justifiera une nouvelle formalité. Même pour les sociétés civiles immobilières qui détiennent un patrimoine personnel ! Chaque fois, il faut payer 54,42 €, ce qui est une forme de nouvelle imposition.

Mais surtout, c’est un moyen pour l’État de disposer de données supplémentaires sur chacun. Pour mieux identifier les potentiels fraudeurs, le projet de loi examiné ce 28 mars au Conseil des ministres favorisera l’échange d’informations entre administrations et leur travail sur les données des contribuables. L’État se permet ainsi ce qu’il reproche aux GAFA.

Il est vrai qu’il est capable déjà de violer la confidentialité à laquelle est tenue l’administration fiscale et à laquelle a droit tout contribuable. Ce 28 mars, dans une émission sur France 3 intitulée Pièces à conviction et qui ressemblait plus à un Piège à conviction, l’ancien ministre Christian Eckert a exposé sans vergogne que de son temps M. Bernard Arnault avait fait l’objet d’un contrôle et d’un redressement.

Des mesures pour lutter contre la fraude fiscale

Mais pour surmonter cet obstacle qu’est encore la confidentialité, le projet de loi susvisé propose d’instituer le name and shame, consistant à désigner publiquement les fraudeurs.

Ce projet de loi propose d’autres mesures pour lutter contre la fraude fiscale et notamment le renforcement des sanctions et l’instauration à Bercy d’une nouvelle police fiscale. Celle-ci rassemblera une cinquantaine de fonctionnaires et viendra concurrencer le département qui, au sein du ministère de l’Intérieur, suit ces affaires de délinquance.

S’il peut être concevable de renforcer les effectifs de lutte contre la fraude fiscale, il ne paraît guère approprié de recréer entre services une guerre comme celle qui empoisonne depuis toujours la police et la gendarmerie ou d’alimenter des polémiques comme celles qui se perpétuent entre le RAID et le GIGN.

Le gouvernement souhaite en sus sanctionner les « tiers complices de fraude fiscale et sociale », qu’il appelle des officines (cabinets d’avocats, sociétés de conseil…) ayant élaboré des montages frauduleux ou abusifs. Certes, il va de soi que les conseils ne peuvent pas impunément être complices de la fraude de leurs clients. Il n’y a pas besoin d’une loi nouvelle pour les en punir. Quant aux avocats leur déontologie renforce encore leur devoir de respect de la légalité.

Cette mesure est extrêmement dangereuse en ce sens qu’elle risque de priver les citoyens de conseils objectifs et indépendants. La fiscalité n’est pas toujours blanche ou noire, et elle est de plus en plus grise par la faute du législateur et de l’administration dont les lois et règlements sont de plus en plus obscurs. Le rôle des conseils est d’essayer d’interpréter le droit et de le faire progresser avec prudence et discernement. Seront-ils muselés à l’avenir par peur d’évoquer la possibilité de prendre des décisions susceptibles ultérieurement d’être considérées irrégulières ?

L’État fait main basse sur les conseillers

Un exemple récent est celui des apports d’actions de sociétés à une autre société avec soulte en sursis d’imposition qui a été permis par la loi pendant 25 ans, sur la base de directives européennes, jusqu’à ce qu’en 2016 l’administration considère, à tort du point de vue de la quasi-totalité des spécialistes de la question, qu’il s’agit d’un abus de droit, assorti de 80 % de pénalités, et engage des centaines de redressements pour des montants parfois considérables. Sous l’emprise de la nouvelle loi, les avocats qui ont mis en œuvre ces schémas en toute bonne foi seraient également poursuivis !

Cet exemple technique souligne l’insécurité créée par la loi, qui sera augmentée par la destruction d’une relation de totale confiance entre les contribuables et leurs conseils. D’une certaine manière, l’État cherche par ce projet de loi à prendre la main sur les conseils, à en faire des agents de l’État, comme il encourage déjà les entreprises à soumettre elles-mêmes leurs opérations de Crédit Impôt Recherche au contrôle de l’administration et les petites entreprises à demander à être contrôlées (article L. 13 CA et L.13 C du livre des procédures fiscales).

Pour réduire la fraude fiscale, dont il dit lui-même que les « chiffres ne sont pas vérifiés », Gérald Darmanin serait sans doute mieux avisé de simplifier et clarifier la loi fiscale, de rendre l’impôt plus raisonnable et moins spoliateur.

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  • « …simplifier et clarifier la loi fiscale, rendre l’impôt plus raisonnable et moins spoliateur… »
    Voilà ce qui serait un objectif à atteindre dans un régime politique et économique d’inspiration libérale avec pour finalité de tendre vers le plein emploi et le développement du pouvoir d’achat de tous.
    A l’opposé, pour permettre à la sphère administrative de pouvoir continuer à se développer on essaye d’optimiser les prélèvements sur les entreprises et les entrepreneurs afin d’assurer le train de vie du gargantua Étatique français…

    • @Duglandin
      Bonjour,
      « Voilà ce qui serait un objectif à atteindre dans un régime politique et économique d’inspiration libérale avec pour finalité de tendre vers le plein emploi et le développement du pouvoir d’achat de tous. »
      Comme il s’agit de l’exact opposé en tout point au libéralisme, nous avons donc un régime autoritaire au minimum.

    • La lutte contre la fraude fiscale bien que justifiée permet aux politiciens et à la haute administration de donner dans la démagogie afin d’éviter tout discours et toute action de réduction de la dépense publique et des prélèvements obligatoires devenus confiscatoires. Le plus délirant est que si on écoute nos politiciens et notre haute fonction publique il y aurait des dizaines de milliards de fraude fiscale à récupérer (80 milliards pour certains). Ce serait magnifique, non ? Car ainsi on aurait des prélèvements obligatoires qui passeraient de 47% (pas 45% comme annoncé par la désinformation ambiante) à 50%. Youppie, j’ai bon, j’ai décroché la queue du mickey…

  • Le Pays France ressemble de plus en plus à une dictature.
    Pour assurer son avenir, les jeunes entrepreneurs ont intérêt à quitter le pays au plus vite. C’est malheureux à dire mais c’est la triste réalité car si c’est le privillège de l’Etat, les collectivités locales ne sont pas en reste. Pour finir, hélas aussi on a tellement infantilisé et féminisé la population entière qu’il n’y a plus aucune réaction et si par malheur un homme a le courrage de réagir, aussitôt vous avez une bande de brailleuses sur toutes les chaînes de télévision pour le traiter de facho. et il en est de même pour la sécurité. Le rique 0 est déjà trop important dans ce triste pays qui ose encore donner des leçons aux autres!

    • Mais nous sommes en dictature : ce n’est pas le pays qui décide mais les petits commissaires de l’UE, encore appelée IVème reich.

    • La population se féminise naturellement, sans aide de l’Etat ou des collectivités locales (50% des naissances).
      Effectivement les interventions des brailleuses sont condamnables mais vos propos sont une suite d’amalgames incompréhensibles.

  • La notion d’abus de droit impunément détournée par Bercy est à mes yeux le pire exemple de fraude fiscale.

    • La notion d’abus de droit est un véritable piège tendu par nos agents Étatiques pour remettre en question l’application d’un fondement juridique ou règlementaire permettant de réduire un prélèvement fiscal.
      Mais voyons donc, en France, le bon entrepreneur doit se déterminer dans son quotidien professionnel, en fonction d’un maximum d’impôts et de taxes diverses à payer!

  • Article qui met en évidence un vrai paradoxe : d’un côté, chacun souhaite que le gouvernement lutte plus efficacement contre la fraude fiscale et d’un autre cet avocat pousse des cris d’orfraie devant le recul de la liberté des citoyens !
    Pour celui qui a la conscience tranquille, pas de problème de confidentialité.

    • Dans l’arsenal fabuleux de la fiscalité française, le bon citoyen doit opter pour l’application de la règle fiscale qui lui permettrait de payer le plus d’impôts, sans sourciller et à la bonne échéance.

    • Ôtes ta barbe Hamon, on t’a reconnu !

    • JCD54
      Bonjour,
      « Pour celui qui a la conscience tranquille, pas de problème de confidentialité. »
      Vous ne semblez pas voir que le problème n’est pas de cacher quoique ce soit : le problème est que l’Etat, par son administration, veut avoir de plus en plus de données concernant ses administrés. Reprocher aux GAFA la fuite, l’échange, et l’utilisation des données personnnelles des utilisateurs, en réclamant haut et fort une santion financière, puis se permettre de faire la même chose, sous couvert de la Loi, est une hypocrisie sans limite.
      Seul celui qui n’est pas soumis à la ponction a l’esprit tranquille. Et encore, peut-être se demande-t-il « Jusqu’à quand ? »
      « la fraude fiscale »
      C’est l’Etat qui décide de ce qu’est la fraude. Du jour au lendemain il peut décider que ce qui était permis, ou qui n’était pas purement interdit EST de la fraude. Cela est valable pour les impôts autant que pour le reste, y compris ce que contiennent les données personnelles.
      L’Etat ne veut pas votre bien. Il veut vos biens (https://www.contrepoints.org/2017/05/17/289576-impots-cet-etat-veut-a-propriete)
      « Le Peuple n’a qu’un ennemi son gouvernement. » A. de Saint-Just. Ceci se vérifie depuis des millénaires, et encore de nos jours.

    • IL vous faudrait lire le code des Impôts. Avoir la conscience tranquille alors que l’on y trouve sans cesse de belles phrases à double sens, je vous souhaite bien du plaisir…

    • Et hop un Spountz de contrepoints 🙂

  • BONJOUR
    on vas de plus en plus en dictature
    Faut espérer que les gens vont réagir ( je ne crois pas HELAS) heureusement que je suis âgé JE PLEIN TRES FORT LES GENERATIONS SUIVANTES

  • Merci à Laurent 46. Ça en devient pathétique!!!

  • L’insécurité fiscale créée par les lois initiées par les politiciens français et la haute fonction publique n’a cessé de croitre depuis 50 ans. De fait, la conséquence en est la destruction d’une relation de confiance entre les contribuables et l’État. Et il ne faut pas se faire d’illusion, cette situation ne fera que croitre et embellir tant l’appétit de cet État Moloch ne peut être assouvi et il continuera donc à dévorer ses enfants. Il suffit de voir la croissance continue des dépenses publiques qu’aucun homme politique ne met en cause fondamentalement dans ce pays. Une seule issue la fuite !

  • « …simplifier et clarifier la loi fiscale, rendre l’impôt plus raisonnable et moins spoliateur… »
    Vous n’y pensez pas … si l’impôt devient simple et transparent comment nos zélites pourront elles frauder ???
    Il faut être réaliste les crocodiles prospèrent dans les marigots en eaux troubles …
    Alors continuons à complexifier à l’infini afin que le citoyen n’y comprenne rien et tout baignera

    • @Toubib53
      Bonjour,
      La complexification des lois fiscales, et des autres, toujours plus nombreuses, plus floues, ne sert qu’à embrouiller le citoyen afin qu’il ne s’intéresse plus à rien. Ne s’intéressant à rien, il deviendra ignorant, et plus facile à manipuler/contrôler.
      « Toutes les fois que la tyrannie s’efforce de soumettre la masse d’un peuple à la volonté d’une de ses portions, elle compte parmi ses moyens les préjugés et l’ignorance de ses victimes. » Condorcet – 1795

  • Ces monstres d’hypocrisie qui se placent en champions de l’honnêteté… me donnent la nausée !!!! Une seule question s’impose : où sont passés les millions que « Jupiter » a gagné à la banque Rothschild ? Ils n’apparaissent nullement dans sa déclaration de patrimoine ! Qui est en fraude ?
    Ce qui est offusquant et révoltant ce n’est pas le fait qu’il ait gagné de telles sommes (l’authenticité de ces gains dus à sa soi-disant « intelligence » serait à vérifier) mais c’est la sournoiserie de les « planquer » et de suspecter d’autres de fraude fiscales ! On détourne ainsi l’attention…
    Les donneurs de leçon feraient bien mieux de se taire !

    • La fiscalité des oeuvres d’Art peut être très utile…. Une vieille croûte achetée 10 € sur un marché au puces peut faire l’affaire.

      • je ne comprends pas bien…
        pouvez vous expliquer un peu plus ?
        je veux bien acheter une merde à 10 euros et dire que c’est une oeuvre d’art. mais ensuite, comment utiliser cette merde pour payer moins d’impôts ?

  • Dans l’esprit de Bercy , optimisation fiscale se confond de plus en plus avec évasion fiscale, comme dans la tête de la plupart des journalistes ( voir Bourdin ou Plenel lors du débat avec le président)
    Et de la bonne optimisation devient….de l’abus de droit ! Mais qui abuse???

  • Il suffirait qu’il n’y ait qu’une seule imposition pour tous les revenus, mettons 15%, et un impôt négatif pour la redistribution vers les plus démunis. Ce serait bien sûr une armée de fonctionnaires au chômage, tous ceux qui vivent de la complexité mise en place par les Etats dont les avocats fiscalistes (désolé pour l’auteur de l’article…) devraient chercher un travail un peu plus utile…
    Mais , je vous rassure, cela n’arrivera jamais car trop de personnes, et pas que des fonctionnaires, vivent de la complexité et les Etats et les élus eux-mêmes construisent leur main-mise sur les populations que par la complexité des règles qu’ils mettent en place.

  • Bonjour,

    Je ne comprend pas pourquoi vous payez vos impôts. Il suffit de ne donner vos contacts qu’a vos amis famille et de bien cloisonner votre patron et votre propriétaire et vous n’aurez jamais aucun problème.

    Il y a moins d’un flic pour 1000 citoyens, moins d’un juge pour 100.000. Quelques dizaines de contrôleurs fiscaux. Volez tout ce que vous voulez, si vous foutez pas le bordel, vous serez ignoré ou toléré. Ils ne coupent que ce qui dépassent.

    ++

    • @lucas31
      Bonjour,
      Vu que ce sera le nouveau travail de votre patron de faire celui du fisc, vous aurez du mal à passer au travers. L’Administration dans toute sa masse emm. .de déjà bien assez les patrons sans en plus qu’ils se mettent à prendre des risques fiscaux pour leurs salariés.
      Il y a un policier/gendarme pour 268 habitants. (effectif Police Nationale : 149.700 : effectif Gendarmerie nationale : 100.000)
      « Volez tout ce que vous voulez » puis allez vous mettre à l’abri dans ces zones oubliées de la République.

  • Encore des mesures contreproductives et qui vont probablement inciter des résidents de l’Enfer fiscal ( notre beau pays) à aller voir du côté des Paradis fiscaux

  • Les commentaires sont fermés.

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