Hommage à Henri Michel : quand les Wailers et le FC Nantes s’affrontaient à la Jonelière

Hommage à Henri Michel, footballeur exceptionnel, décédé le 24 avril dernier.

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Capture d'écran Youtube France3 Pays de la Loire : mort d'Henri Michel

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Hommage à Henri Michel : quand les Wailers et le FC Nantes s’affrontaient à la Jonelière

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 30 avril 2018
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Par Marc Bidan1.
Un article de The Conversation

L’Afrique, au travers de son portail Africa Top Sport recense les hommages nombreux et vibrants à Henri Michel. La France de l’UNFP poste sur son compte Twitter « Henri Michel, monument du football français, nous a quittés ce matin ». Le président de la République, en visite d’État aux USA, via le site de l’Élysée salue la « discrétion et l’humilité » de l’homme. Le Grand Ouest, au travers de son quotidien emblématique évoque lui la « vague d’émotion » qui submerge la toile. Nantes est en deuil et la vaillante association « à la nantaise » lance l’idée d’une statue

Mais que se passe-t-il ?

En effet, l’émotion, la peine et l’onde de choc suscitées par le décès de ce « monument » sont immenses. Immense, tout d’abord sur le rond territoire de la « planète foot » selon la formule consacrée. Immense ensuite sur les plats bords de l’Erdre et de la Loire, là où le jeu à la nantaise est né et s’est fixé un peu (aussi) grâce à lui. Immense enfin, lorsqu’on évoque un football romanesque et fulgurant, aujourd’hui disparu au profit d’un spectacle devenu bankable.

Cet article s’appuie donc en toute partialité sur les trois aspects de cette émotion. Il propose aussi une recension de liens montrant l’attachement d’une région – notamment via le journal phare qu’est Ouest-France – à un homme, à son apport footballistique, à sa classe et à sa fidélité à un club.

La planète foot submergée par l’émotion

Henri Michel n’était pas qu’un cygne, un seigneur, une classe, un indestructible… c’était une personnalité forte, intelligente et attachante qui évoluait bien loin des éléments de langage et de communication qui affadissent l’ensemble de l’écosystème du football moderne.

Il fut un footballeur brillant, joueur et aérien – élégant énoncerions-nous désormais – doté de capacités physiques exceptionnelles, d’un sens du jeu fulgurant, d’une frappe fluide et d’une hygiène de vie disons… discutable. En un mot, joliment prononcé hier midi par son successeur à la tête des bleus – succession délicate et actée après un piteux nul à Chypre en qualifications de la coupe du monde 1990 – un « mec formidable » !

Il fut aussi un capitaine « meneur d’hommes » vaillant, respecté et respectueux qui organisait le jeu pour faire briller une génération de canaris (1966-1982) autant que ses coéquipiers nappés de bleu durant quelques 58 sélections en équipe de France A.

Il fut un entraîneur inventif et généreux en France (1984-1988) avec quelques matchs de légendes – dont le fameux France-Brésil mexicain de 1986 – à son actif. Un coach respecté en Afrique. « Henri Michel, l’Africain » est d’ailleurs largement salué et remercié sur le vaste continent au regard du « sorcier blanc » qu’il fut parfois par exemple au Maroc, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Tunisie, en Guinée Equatoriale, en Afrique du Sud et même au Kenya.

Il fut aussi un ami respecté et fidèle qui dans le même temps se forgea quelques ennemis – parfois outranciers – tout aussi fidèles et revanchards. Il est donc tout à fait logique qu’avec lui disparaisse un peu le « football des copains ».

Tristesse sur les bords de l’Erdre et de la Loire

Henri Michel était l’une personnalités les plus admirées et respectée du mythique – celui avec un « y » – Football Club de Nantes de Marcel Saupin (sur les bords de la Loire) à la Beaujoire en passant bien sûr par le verdoyant centre d’entraînement de la Jonelière (sur les bords de l’Erdre).

Nous parlons bien là de la légende des légendes et d’un garçon « beau comme un dieu » (J.C. Suaudeau) qui débarque à Nantes depuis Aix en Provence, où il naquit en 1947, au milieu des années 1960 pour y aligner 532 matchs en 16 années.

D’un point de vue purement factuel, mais également dithyrambique, sa carrière en jaune et vert notamment à Marcel Saupin fut simplement exceptionnelle. Cinq années d’invincibilité totale du FC Nantes à Saupin, soit 92 matches étalés de 1976 à 1981 ce qui constitue un record toujours d’actualité, trois titres de champion de France en 1973, en 1977 et en 1980 et une Coupe de France en 1979.

Et sur une plus longue période, quelque 44 saisons (comme le département ( !) en division 1) y compris les chefs d’œuvres footballistiques des années 1990. Les mythiques Nantes–St. Étienne des années 70 et 80 sont alors remplacés par les somptueux Nantes–PSG des 90.

D’ailleurs les hommages sont innombrables, à la fois sur le site de L’Équipe, dans So Foot ou Le Monde mais aussi – et surtout – dans Ouest-France ou Presse Océan, ce qui est révélateur de l’aura populaire d’un homme (le « plus grand des canaris » selon la LFP) dont la fidélité avec les canaris impose le respect.

Il était bien évidemment admiré par ceux qui l’ont côtoyé sur le terrain, sur la pelouse ou sur le banc. Notons par exemple les hommages retenus de l’ancien gardien de but Jean‑Paul Bertrand-Demanes, évoquant dans le journal L’Équipe « beaucoup de joueurs ont marqué l’histoire du FC Nantes, mais Henri Michel est celui qui l’a le plus marquée » ou encore le « grand max » (Maxime Bossis) évoquant sa rencontre avec lui à ses débuts à 16 ans. Notons aussi les croustillantes anecdotes de Éric Pécout arrivé un peu plus tard à Nantes mais très impressionné par la personnalité du boss.

Les hommages sont nombreux, les voix sont posées et les mots sont sobres.

Le roman d’un football disparu

Nous finirons cette chronique forcément partiale et grandiloquente – quoique nous pensons clairement qu’un Henri Michel jouant au Réal ou à l’Ajax de l’époque aurait pu piloter sa carrière à l’image de celle d’autres géants des années 70 comme Beckenbauer ou de Cruijff. Néanmoins, à sa décharge, et en toute mauvaise foi, il est clair que traverser la vie footballistique en pays ligérien est en tout point plus riche que la ternir en terres madrilène ou batave ! – par l’histoire d’une journée devenue roman.

Nous sommes le 2 juillet 1980, un mercredi – jours des grands enfants qui aiment la vie, la nuit et le football – juste après l’entraînement des canaris qui venaient d’être sacrés pour la nième fois (petite vacherie amicale pour nos amis et voisins rennais) « Champions de France » et juste avant un concert qui s’annonçait grandiose au parc des expositions. Ce match fut un enchantement et Gilles Rampillon (moustachu sur la photo ci-dessous !) comme tant d’autres s’en souviennent.

Ce mercredi-là, une toute petite équipe issue de la grande formation des Wailers coachée par un certain Bob Marley voulait se dégourdir les jambes, sur une pelouse digne de ce nom et face à des joueurs sachant dribbler et rigoler, avant un concert prévu le soir même au parc des exposition de… la Beaujoire devant une petite dizaine de milliers de rastamen nantais qui reprendront en cœur « Buffalo Soldier » (1978) ou « Redemption Song » (1978), ce qui n’est pas le moindre des paradoxes de l’histoire de la cité des Ducs.

En face, le défi footballistique fut relevé pour 45 minutes à cinq contre cinq et petits buts ! Ainsi, sur la pelouse grasse et généreuse des bords de l’Erdre, et devant quelques dizaines d’heureux gardiens du temple du « beau jeu à la nantaise », une toute aussi petite équipe de cinq vaillants joueurs de la grande formation du football club de Nantes coachée par un certain Henri Michel et appuyée par quelques gaillards romantiques et moustachus comme Jean‑Paul Bertrand-Demanes, Gilles Rampillon (qui oeuvra ensuite brillamment pendant la coupe du monde 1998 sur les bords de la pelouse à la Beaujoire), Bruno Baronchelli et Loïc Amisse.

Le match fut disputé, et les dribbles de Bob Marley firent merveille (deux buts à son actif). La classe aérienne des nantais permit de sauver la face face aux amateurs – fussent-ils des légendes planétaires – et de clore les débats sur un quatre buts à trois pour les canaris. Puis ce fut l’après-match dans le bus des Wailers avec beaucoup de fumée blanche issue de la pelouse verte pour annoncer le concert du soir, qui à son tour accueillait en tribune nos fiers canaris. Fin de chantier !

La disparition d’Henri Michel, c’est aussi la fin d’un football romanesque et flamboyant et l’avènement d’un foot-business dont la logique intrinsèque n’a plus grand chose à voir avec cet « âge d’or ». Vivement que sa statue soit érigée sur les bords de l’Erdre ou de la Loire (vaste débat nanto-nantais en perspective) pour aller s’y perdre en feuilletant Le bord vertigineux des choses

Sur le web-Article publié sous licence Creative CommonsThe Conversation

  1.  Marc Bidan est professeur des Universités – Management des systèmes d’information – Polytech Nantes, Université de Nantes. Il fut abonné au Football Club de Nantes – tribune Loire – dans les années 1990. Il est passionné d’un jeu à la nantaise théorisé par P. Dessault en 1992 qui repose sur la mobilité, la simplicité et la clairvoyance et qui fut inculqué par José Arribas à partir des années 1960 puis affiné et fixé dans les années 70, 80 et 90 par Jean-Claude Suaudeau et Raynald Denoueix.
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