Éducation : ne tirez pas sur les profs !

Il y a beaucoup à blâmer dans l’institution scolaire. Mais sachons reconnaître que la plupart des fonctionnaires sont des gens honnêtes et travailleurs, dont le plus grand défaut est de ne pas oser mordre la main qui les nourrit et les maltraite.

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Éducation : ne tirez pas sur les profs !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 28 avril 2018
- A +

Par Stanislas Kowalski.

Sans surprise, les syndicats de la fonction publique sont vent debout contre toute réforme du statut de fonctionnaire. Les réflexes corporatistes suscitent naturellement l’agacement des usagers prisonniers des grèves, ou des contribuables qui voient la facture s’alourdir à chaque réforme. Dans le climat délétère des luttes sociales, on a parfois envie de blâmer les agents pour les défauts du système. On accuse les fonctionnaires d’être des paresseux improductifs, comme si c’était le problème majeur d’une structure kafkaïenne ! Le problème est surtout qu’ils travaillent bien trop à produire de la complexité, et que leur travail n’est pas validé par des consommateurs libres.

On accuse les professeurs d’être des privilégiés avec leurs 18 heures par semaine et leurs vacances scolaires, sans voir le travail effectué en dehors des cours. Beaucoup d’enseignants dépassent régulièrement les 45 heures, vite atteintes avec quelques paquets de rédactions à corriger (15 minutes par copie, 30 pour une dissertation de lycée). Les 18 heures, c’est la partie stressante du travail. Et quand bien même ! Il est normal qu’un métier ait ses avantages. Ce qui est moins normal, c’est que les salaires et le temps de travail soient définis arbitrairement.

 

Définir les camps

Dans les combats politiques, définir des camps est une étape importante. C’est un mal nécessaire. Il faut savoir reconnaître ses ennemis quand on en a. Et l’on ne se dresse pas tout seul face à une foule aveugle.

Mais ne forcez pas les gens honnêtes à choisir un camp, au risque d’en faire vos ennemis. Qu’ils viennent à vous d’eux-mêmes ou qu’ils restent neutres. J’ai bien conscience qu’une telle position est démodée et peut-être même naïve, en ces temps où l’intersectionnalité des luttes pousse l’esprit de parti jusqu’à ses dernières limites. Mais passer pour un naïf est un risque nécessaire, pour ne pas tomber dans le risque ô combien plus redoutable de perdre le sens même de nos luttes.

Plus on exige de preuves de loyauté dans des luttes complexes, plus la probabilité est grande de soutenir des abominations. On nous enjoint de prendre tout le package ! Si la convergence des luttes devient une exigence absolue, la probabilité d’avoir un fruit pourri dans le package arrive à 100 %. Et la probabilité que ce fruit pourri ne contamine tout le lot devrait faire trembler n’importe quel homme d’expérience. Je n’aime pas me laisser enfermer derrière une étiquette, même une étiquette libérale, même si, de fait, mes positions sont généralement libérales. Il vaut bien mieux s’en tenir à l’analyse de problèmes concrets et ciblés.

 

Complaintes des familles

Quand je donnais des cours particuliers, j’ai souvent été amené à écouter les complaintes des familles sur les professeurs. On paie rarement 40 euros de l’heure si tout va bien. La plupart du temps, ces plaintes ne me surprenaient pas. Quelques-unes correspondent à un manque de professionnalisme évident. Le professeur ne prépare pas ses cours ou il est souvent absent. Il n’y a pas grand-chose à en dire. La paresse n’a pas vraiment besoin d’explication. Le reste du temps, il s’agit presque toujours de l’application de préceptes venus de l’Éducation nationale.

Beaucoup de professeurs souffrent de ces injonctions. Une des plus grandes souffrances que l’on peut ressentir au travail, c’est de devoir suivre des ordres absurdes ou injustes, ou ce que l’on croit absurde ou injuste. Un client malapris, un élève violent, c’est encore supportable, si je sais comment je dois réagir. Ryan a giflé son camarade, on l’envoie en retenue. La réponse est claire et le litige peut s’éteindre. Mais d’être pris en tenaille entre des élèves insolents d’un côté, et de l’autre une hiérarchie qui désavoue toutes vos décisions en matière de discipline, c’est véritablement l’enfer. Et je pèse mes mots.

 

Le professeur est un allié

Ne faites pas du professeur un ennemi, alors que vous pourriez en faire un allié. Supposons une mère inquiète à propos de la lecture. En fin de CP son fils montre des signes inquiétants d’échec. On pense à une dyslexie. Il récite par cœur des pages entières du manuel de lecture, mais se trouve perdu face à un texte nouveau pourtant très simple. Quand il lit, il devine et remplace des mots. Il n’accorde qu’une très faible attention aux lettres qui composent les mots inconnus. C’est laborieux pour l’enfant et pénible pour tout le monde. Le marmot commence à prendre la lecture en grippe et à se dire qu’il n’y arrivera jamais. La mère a de bonnes raisons de craindre les effets d’une méthode globale ou de quelque poison du même tonneau.

Imaginons que la mère aille voir l’instituteur en disant : « Je suis en colère. C’est n’importe quoi votre truc. Mon cousin, qui s’y connaît, m’a dit que…» Tout est perdu. L’instituteur se sent agressé, à juste titre. Pire, il ressent un profond sentiment d’injustice et d’impuissance. Or il peut se trouver que l’instituteur suive cette fameuse méthode à contrecœur. La mère l’accuse d’une chose sur laquelle il n’a pas de prise, ou croit ne pas avoir de prise.

Si la conversation avait été amenée un peu différemment, on aurait pu arriver à une belle convergence. L’inquiétude de la mère aurait pu rencontrer les doutes du professeur. Le professeur en serait ressorti avec l’idée qu’au moins un parent est de son côté, ce qui lui aurait donné le courage de résister aux ordres absurdes. La mère aurait obtenu au moins quelques conseils pour améliorer la situation, peut-être une adresse, peut-être même l’abandon des silhouettes de mots ou l’introduction d’un exercice de syllabage. « Je vais essayer de reprendre mon cours en étant un peu plus explicite. »

Bien sûr, la mère ne peut pas espérer un changement radical. L’instituteur n’a ni le budget ni l’autorité pour remplacer les manuels du jour au lendemain. Il n’a pas le temps de changer toutes ses préparations de cours d’ici la fin de l’année et, de toute façon, il ne faudrait pas qu’il rejette rageusement tout ce qu’il sait faire. Mais c’est déjà un point de départ plus constructif que d’avoir un instituteur ébranlé dans son autorité. Les professeurs aussi doivent préserver leur self-esteem, parfois, au moins pour survivre… Il faudra reparler de cette question, qui est très hasardeuse.

Il y a beaucoup à blâmer dans l’institution scolaire. Mais sachons reconnaître que la plupart des fonctionnaires sont des gens honnêtes et travailleurs, dont le plus grand défaut, au fond, est de ne pas oser mordre la main qui les nourrit et les maltraite.

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  • revenons au principal..l’école est de donner l’instruction,le savoir et aux parents d’éduquer les enfants ..et ne pas se décharger sur les profs…c’est simple à mettre en application…

  • Le premier blâme à adresser à l’EN, c’est son budget : 50 milliards d’€uro.
    Et ce ne sont que des salaires !
    Imaginez bien que dans une telle masse salariale il est normal d’y trouver son lot de paumés, de tordus et autres illuminés du carafon.
    Collez pareil calque sur une administration dépassée, archaïque et rétrograde et vous obtenez le cocktail dans lequel vous plongez vos enfants. Bon courage.

  • je suis assez d’accord dans l’ensemble avec l’auteur, mais l’excuse du travail à la maison est valable pour toutes les professions (moindre pour les salariés peut être) et n’est donc pas recevable.

  • « 15 min par copie » vous dites, mouai, je n’y crois pas trop, pour avoir des profs dans la famille, c’est plus 5 min voir moins. Et lorsque je prenais le tram à Paris, je voyais régulièrement des profs corriger dans les transports en communs (un environnement propice à une correction sans erreurs, cela va sans dire)

    • Tout dépend du degré de précision dans les appréciations et de la qualité des devoirs. Si les élèves travaillent correctement pendant une heure ou une heure et demi, il est difficile de descendre en-dessous de 10 minutes.
      Bien sûr, certaines copies de bac sont tellement mauvaises qu’on peut s’en sortir en 3 minutes.
      Un professeur qui fait son travail correctement doit y passer du temps. Si vous avez réussi à guider les élèves de manière à ce qu’ils aient quelque chose à dire et que vous attendez une reprise sérieuse de leur part, vous ne pouvez pas vous contenter de mettre une note au doigt mouillé et de barrer les fautes d’orthographe.
      Je ne peux évidemment pas garantir que tous les professeurs travailleront consciencieusement. Mais je peux vous garantir que, si vous méprisez leur temps de travail, vous en aurez pour votre mépris.

    • +1
      1 devoir par trimestre max. 2h par trimestre par classe. Perso c’était largement en dessous.

      Et si le professeur est en terminal il a des décharges horaires (28 000 postes équivalents temps plein).

  • C’est peut-être un défaut, mais c’est loin d’être le plus grand. Dans mon classement, la tête est occupée par l’absence de corrélation entre l’emploi et les résultats. Que le fonctionnaire fasse le job ou non, les répercussions sur son traitement sont minimes, celles sur sa sécurité de l’emploi sont nulles.Devant un observateur extérieur, il va bien sûr mettre en avant sa conscience professionnelle, sa vocation, son idéalisme. Mais en pratique, ça ne tient pas devant le sentiment qu’il n’est pas payé pour atteindre un objectif, mais pour se faire bien voir de sa hiérarchie, de ses collègues, et des emm… potentiels (les parents).
    C’est pourquoi il est indispensable de réinstaurer une forme de corrélation de l’emploi aux résultats, par exemple par le chèque éducation. Dans un tel contexte, les moyens supplémentaires dont ils nous rebattent les oreilles ne s’obtiendraient pas en allant manifester avec les cheminots, en votant pour les partis politiques à la clientèle enseignante bien établie, ou en flattant les associations bien en cour, mais en ouvrant à leurs élèves la porte d’entrée vers une vie satisfaisante.

    • +1

      Il y a un gros problème de recrutement… celui des enseignants bien sûr… sans lien avec des compétences pédagogiques et la motivation nécessaire… mais aussi des eleves… dont une poignée devrait relever d’une structure psycho-sociale quand ce n’est pas judiciaire… plutôt que perturber les’colleges et mettre à mal l’echelle Des sanctions.
      Donnons la possibilité aux enseignants de créer leur établissement, en autonomie totale, sous la direction d’un chef d’établissement responsable de l’execution D’un projet pédagogique adopté par les parents et les enseignants…
      Et leurs motivations leur compétences s’exprimeront..

  • Mais on doit tirer à boulet rouge sur le système..

    Une remarque essentielle… du point de vue collectif on ne peut pas définir ce qu’est un bon prof. voire une bonne éducation…
    Imaginons donc un ministère de l’alimentation nationale..prônant la choucroute tous les jours ( ou si vous voulez une alimentation « optimum » décidée par des pseudo savants ayant normalisé magiquement apport nutritionnel, gout, environnement etc)…certes il y aurait de bons soldats de ce système et peut être des usagers fort satisfaits de cette abondance de choucroute…mais ceux qui exècrent la choucroute ils font quoi?..ils se mortifient de n’être pas « normaux »?

    on va rappeler la raison d’etre du statut de fonctionnaire pour les professeurs…euh…. c’est rassurant et avantageux pour les profs…à part ça je ne vois pas trop où est l’avantage pour les usagers du système!

    • dans un système privé, les profs qui ne satisfont pas les usagers n’ont pas de boulot… dans un système public il faut satisfaire le ministère…

      dans un système public le bon prof est celui qui est bien noté par sa hiérarchie qui le paye…et on VOIT qu’il arrive que les usagers soient en désaccord notoire avec la hiérarchie… plus rigolo on voit parfois des profs s’approprier le système..je fais ce que je veux dans ma classe mais je touche le salaire payé par l’etat.

      Les profs servent l’etat pas les enfants. le reste relève du mythe collectiviste.

  • Le statut de fonctionnaire devrait être réservé uniquement au régalien. Les profs ne sont pas plus d’utilité publique que mon boulanger et même moins sur la durée d’une vie.

    • Même dans le régalien, l’emploi à vie n’a aucune raison d’être. Les militaires, fonction régalienne s’il en est, sont plus de 50% à être sous contrat à durée déterminée.

  • @mr Kowalski, merci de votre réponse, comme je l’ai dit, je suis dans l’ensemble d’accord avec vous, et il est certain qu’il y a de mauvais profs et des bons, comme dans toutes professions d’ailleurs. Mais encore une fois l’excuse du travail à la maison n’en est pas une. Dans toutes les professions il y a du travail à la maison, la mienne en premier lieu, et je fais déjà + de 40h par semaine officiellement. Les 18h ne sont donc nullement justifiées lorsque le reste de la population active est à 35.
    Il n’y a aucun dénigrement dans mes commentaires, ce sont de simples constatations, et je trouve, malgré tout ce que vous pourrez avancer comme argument, que les profs devraient être logés à la même enseigne que le reste de la population.
    Même si évidemment, le mieux serait de tout privatiser et de laisser le libre choix du temps de travail à chacun.

    • Tout d’abord, je ne crois pas que qui que ce soit ait à s’excuser de travailler x heures par semaines. Les 35 heures ne sont ni une obligation légale, ni une obligation morale. D’ailleurs, il n’y a pas de raison sérieuse d’imposer quoi que ce soit dans ce domaine.

      Ensuite, ne généralisez pas trop à partir de votre expérience personnelle. Beaucoup de métiers permettent de finir sa journée de façon relativement claire.
      Techniquement parlant, il est possible de travailler 70 heures, mais est-ce raisonnable et est-ce généralisable?
      En pratique, je sais que pour enseigner en maintenant la qualité des cours et ma santé mentale et intellectuelle, je ne peux pas dépasser 22 ou 23 heures de cours par semaine.

    • Réponse soft : les heures de travail sont plus légères que les vôtres mais totalement contraintes; pas moyen d’aller pisser pendant le cours (qui durent souvent 2h), et hors de question de poser une RTT pour aller à votre festival de musique préféré.

      Réponse hard : venez dans mon bahut, tenez une semaine à 35h de face à face avec les élèves et on en reparle.

      • @synge le coup du rtt quelle blague! En langage éd Nat ça se appelle congé maladie . Et une journée c est petit joueur. ..

  • L’allégorie de l’arroseur arrosé. C’est ce à quoi me font penser les enseignants (j’en ai plusieurs dans ma famille très proche).
    Ces gens-là, par leur vote, par leur militantisme syndical et politique, par leur volonté de tourner le dos à l’Ancien Monde, par la politisation de l’enseignement et de la pédagogie, par l’endoctrinement de nos enfants, par l’oubli de la vraie nature de leur mission, ont contribué, au premier rang, à l’avènement hégémonique et mortifère de l’idéologie socialisante.
    Aujourd’hui, le monde qu’ils ont largement participé à créer se dresse contre eux.
    Voilà comment l’histoire se fait. Petit à petit, insidieusement. Avec des gens normaux, quelquefois même bien intentionnés.

    • Absolument…Les profs n’enseignent plus, ils font du gardiennage et de la politisation…Et depuis longtemps…
      Ils gavent les gamin d’idioties pseudo environnementales, oublient de leur apprendre à lire et à compter et s’autorisent de jugements sur les parents qui n’entrent pas dans leurs vues…
      Cela va jusqu’à la diffamation sur les réseaux sociaux, mais entre fonctionnaires on se protège, aucun flic ne prendra votre plainte en compte.

    • oui….et je trouve que cet article est une illustration de l’à côté de la plaquisme des profs..
      Enseigner à des gosses qui ne veulent pas apprendre et dont les parents ne sont pas concernés est extrêmement pénible et usant , c’est indubitable..que les profs soient parfois très dévoués ou je ne sais quoi n’est pas un sujet? Ils soutiennent parfois becs et ongles un systèmes pervers en acceptant des pratiques absurdes…

    • @Yves +1 le problème est qu ils ne sont pas les seuls à être arrosés. ..

  • @synge ce n’est pas de votre faute effectivement si on vous impose de faire du gardiennage pour des momes qui n’en n’ont rien a foutre de vos cours, mais a ce moment la, si on est pas d’accord, on va voir ailleur, ou on change de boulot.

    Votre argument des cours qui ne peuvent être interrompu (pour aller pisser) n’est pas recevable, c’est la même chose pour le biologiste qui fait une manip, pour le grutier qui lève des charges, pour le musicien pendant un concert, pour le chirurgien qui opère et j’en passe…

    Vous êtes effectivement à plaindre pour pas mal de chose (surtout pour la qualité déplorable de votre auditoire) mais pas pour les horaires

  • Vous faites de gros efforts pour réhabiliter les profs . Bien sûr qu ils sont victimes de leur système tout autant que nos enfants. Le problème est que bcp s en satisfont et bien trop peu d entre eux luttent.Et le système ne sanctionne aucune de leurs carences. J ai vécu pour ma cadette les « problèmes  » d apprentissage de lecture . Nous avons testé avec fiasco total toute tentative de dialogue. Aucune remise en question possible de la part des instits que nous avons croise . Pour eux la faute était évidemment celle de l enfant. Après avoir fait testé cette dernière en long en large et en travers à Necker qui a conclu au fait qu elle n avait aucun problème sauf celui d être plus brillante que les autres ds le maniement des chiffres. Nous avons montré ce rapport à l instit. Sa réponse : ah vous savez c est normal : c est la regle des 80% 20% pour toute méthode il y a des échecs on n y peut rien . Voilà : 20% d échec en lecture, c’est normal. La remise en question, se creuser le crâne pour faire réussir un élève en difficulté cela ne les a pas effleuré une seconde. Et moi je avais une enfant sans aucun problème d apprentissage qui parlait suicide . Bien sûr je suis d une famille éduquée et je m en suis occupée. Aujourd’hui elle est ingénieur. Mais bcp d enfants n auront pas eu sa chance. Ne vous étonnez pas s ils posent des bombes et brûlent les écoles.

    • Il est certain que le statut de fonctionnaire a un effet corrupteur, au sens où il est facile de se retrancher derrière la règle, pour dire « c’est comme ça et pas autrement ». On s’habitue à des pratiques et à des comportements malsains.
      Mon effort de « réhabilitation », comme vous dites, ne doit pas être compris comme une tentative de dédouaner les professeurs de toute responsabilité. Au contraire! Si vous lisez mes autres articles ou mon livre, vous verrez que je suis favorable à une organisation qui les remettrait devant leurs responsabilités.
      Cette réhabilitation est surtout une question de justice et de stratégie politique.
      De justice, parce que les accusations doivent être individualisées. On ne peut blâmer une profession dans son ensemble, en tout cas pas une profession censée apporter un service aussi important que l’éducation.
      Une stratégie politique, parce qu’il est plus productif, dans le doute, d’agir comme si nos interlocuteurs étaient de bonne volonté.
      C’est une posture par défaut. On sait bien qu’il existe des assassins. On sait bien que l’accusé qui est présenté à un jury d’assises a une forte probabilité d’être coupable. Normalement la police a fait son travail. Néanmoins on applique une présomption d’innocence. En ce qui concerne les enseignants français, la probabilité de tomber sur des braves gens reste plus élevée que dans une cour d’assises.

      • Merci pour votre réponse . Je pense comme vous que le statut et l organisation conduit à bien des dérèglements. Une fois dit ça combien d entre eux seraient prêts à quitter ce statut en or ? Combien seraient prêts à être jugés au mérite ? A avoir pour manager leur chef d établissement ? A accepter d être responsable ? Trop peu à mon avis . Leur résistance au moindre changement est massive .

        • C’est bien le problème. Quoi qu’il en soit toute réforme doit passer par les professeurs actuels. Outre le fait que ce serait extrêmement brutal de réformer le pays en les remplaçant, il est tout simplement impossible de trouver des centaines de milliers de gens qualifiés et volontaires pour le faire.
          Si vous voulez que cela fonctionne, il faut que les professeurs sachent que la réforme n’est pas dirigée contre eux. Il faut évidemment que ce soit vrai.
          On peut d’abord faire remarquer que leur statut n’est pas « en or », comme vous dites. Il a ses avantages et aussi de sérieux inconvénients. La sécurité de l’emploi se paie très cher en liberté pédagogique, en liberté d’installation (voir le système de mutations) et en santé mentale (pour tout un tas de raisons que je n’ai pas le temps d’évoquer ici).
          Par ailleurs, l’autonomie des établissements n’a rien d’une évidence. Les professeurs gauchistes ont, au-delà de leurs biais idéologiques, de sérieux motifs d’inquiétude. Leur expérience des chefs d’établissement n’est pas bonne. Ils n’ont pas choisi leurs chefs. Je veux dire pas du tout. Dès lors on peut comprendre leur crainte de donner plus de pouvoir à des gens carriéristes qui pensent plus à leurs relations avec la hiérarchie ou les parents qu’à l’intérêt des enfants ou à la pédagogie (sans même parler des professeurs). Si l’on ne parle pas dans le même temps du recrutement des chefs d’établissement, la peur qu’ils ne se transforment en kapos ne me paraît pas complètement infondée.
          Il y a une risque non négligeable que l’autonomie soit un simple mot, pour masquer de nouvelles formes de contrôle. Si vous confiez une nouvelle mission à l’échelon inférieur, mais que vous assortissez ce nouveau « pouvoir » de 200 pages de normes et d’exigences nouvelles, vous n’avez pas respecté le principe de subsidiarité. Déléguer, ce n’est pas donner des ordres. L’administration française ne sait pas déléguer. Elles donnent des ordres. Les maires de petits villages pourront vous dire que toutes les nouvelles missions des communes n’ont pas augmenté leur pouvoir de décision. La première question n’est pas de savoir de quelles installations l’école municipale a besoin mais quelles sont les nouvelles normes.
          Chat échaudé craint l’eau froide. Quand un gouvernement parle d’autonomie, les fonctionnaires qui connaissent un peu la musique n’entendent pas liberté, ils entendent caporalisation. Et… c’est parfois vrai. Le système est très orwellien.

          • Une équipe enseignante solidaire derrière une Projet d’établissement, motivée par l’atteinte de cet objectif… n’a strictement rien à craindre de là,plus grande autonomie qui soit…
            et les parents aussi devront adhérer à ce projet éducatif… d’un établissement qu’ils auront choisi… et libre de les exclure en cas’ de comportement contraire aux ambitions partagées.

  • @ Mr Kowalski, la solution la plus simple serait donc de laisser une liberté totale pour la création d’établissements totalement privés, qui viendraient concurrencer les établissements publics actuels (que l’on conserverait tels quels). Les statuts de fonctionnaires, les obligations débiles ,les horaires imposés ne seraient pas appliqués dans les établissements privés. Les professeurs motivés ne tarderaient pas à migrer, ainsi que les élèves vers les meilleurs établissements ( public ou privés) ,le système s’assainirait progressivement, et en douceur.
    Bien sûr, le fond du problème étant le financement, il faudrait que les parents qui choisissent le privé puissent être exonérés de leur contribution financant le système Public. Il faudrait également que l’état traite les établissements privés et publics sur un pieds d’égalité (concernant les normes, obligations diverses et variées, inspections etc. ) et qu’il ne s’immisce plus dans les projets éducatifs.
    Quant aux élèves qui ne sont pas faits pour l’école, il faut le plus tôt possible les orienter vers l’apprentissage d’un métier plutôt que de les laisser pourrir la vie des Profs.
    Avec ca, les professeurs devraient regagner pas mal de considérations de la part de leurs concitoyens.

    • Oui, c’est en gros ma position. Simplement, je ne peux pas tout dire dans chaque article.
      Pour le financement, il est plus sûr de mettre en place un chèque éducation qu’un remboursement d’impôts.

    • +1
      Il n’y a aucun enfant « pas fait pour l’école »… juste « pas fait pour CETTE école « … conçue pour les profs, et leurs enfants…

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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