Le pétrole est redevenu cher, gardons notre nucléaire !

La période du prix de baril de pétrole bon marché est terminée, pourquoi et quelles en sont les conséquences ?

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Le pétrole est redevenu cher, gardons notre nucléaire !

Publié le 27 avril 2018
- A +

Par Yves Montenay.

Le prix du pétrole varie fortement, tout le monde s’y intéresse mais n’en tire pas forcément les bonnes conclusions.

Si en juin 2014 le pétrole valait 115 $ le baril,  il n’en valait plus que  47 six mois plus tard et 30 en janvier 2016. Affolement général, baisse des bourses. Pourquoi ? « Les pays producteurs auront moins d’argent et passeront moins de commandes ». Accessoirement (d’un point de vue financier), les écologistes se désolaient : « cela va encourager la consommation d’énergies fossiles et accroître la production de CO2. »

Or ce fut l’inverse !

Je publie alors dans L’Opinion un article menant aux conclusions inverses : le prix élevé du pétrole est un handicap pour tous, du pauvre paysan indien à l’Occidental prospère propriétaire d’une voiture. Donc la baisse améliorera les résultats des entreprises, que l’effet soit direct si elles en consomment, ou indirect via l’augmentation de la demande des autres biens, dopée par les moindres dépenses énergétiques.

Certes les ressources des pays producteurs ont baissé, mais elles n’étaient pas totalement dépensées. Le reste alimentait les gigantesques placements financiers des pays pétroliers, pas toujours appréciés. Ces placements ont diminué mais ont été largement compensés par l’amélioration des marges des entreprises, et de toute façon la politique de création monétaire des banques centrales a fourni tout ce qu’il fallait, et au delà. Donc globalement, tout ira mieux ai-je écrit à l’époque.

Rappelons aux non-financiers que tous ces raisonnements ne sont valables qu’à moyen terme c’est-à-dire de quelques mois à deux ans.

La suite m’a donné raison : après  la chute des prix du pétrole, les bourses ont remonté au vu des bons résultats des entreprises.

Par ailleurs j’espérais que la baisse des prix chamboulerait les pays producteurs et les obligerait à des réformes, et, s’agissant de l’Arabie, réduirait le financement des groupes islamistes.

Là aussi, c’est effectivement ce qui est arrivé en Arabie avec les réformes du prince héritier et le désengagement de certains mouvements islamistes syriens. Remarquons par contre que l’Algérie est restée paralysée, avec son président de plus en plus absent, et qu’aucune réforme n’y a eu lieu. Ce pays a puisé dans ses réserves et la population s’est appauvrie du fait de l’inflation, le pouvoir ayant tenté de masquer ses problèmes par la création monétaire. Il n’y a pas eu non plus eu de réformes en Russie.

Mais cette période de bas prix du pétrole est terminée

Le 24 avril 2018, le pétrole est remonté à 75 $ le baril. Ce n’est plus un prix bas. À ce niveau l’Arabie et la Russie retrouvent de l’oxygène. Mais ce n’est pas suffisant pour l’Algérie.

En politique intérieure française, le résultat s’est déjà fait sentir : la hausse du prix de l’énergie a noyé l’augmentation de la feuille de paye des salariés financée par la CSG sur les retraités. Les premiers n’ont pas vu l’augmentation de leur niveau de vie, et les seconds sont furieux.

En matière d’environnement, les concurrents du pétrole, énergies renouvelables, nucléaire, charbon vont de nouveau être favorisés. Si les énergies renouvelables sont encore marginales et si les délais de décision puis de construction des centrales nucléaires sont extrêmement longs, par contre la construction de centrales à charbon, les plus polluantes, va encore s’accélérer. La hausse des prix du pétrole n’est donc pas forcément aussi favorable à l’environnement qu’on le proclame.

D’autant qu’à ce prix, le pétrole de schiste américain devient extrêmement rentable, alors que son impact sur l’environnement est controversé (j’avoue que personnellement, et bien que scientifique, j’ai du mal à voir clair dans les propagandes opposées sur ce sujet). Et il n’y a pas qu’en Amérique que la géologie y est favorable. La Chine en aurait de vastes réserves. Elles seraient également importantes en France mais il est interdit d’en envisager l’exploitation et même le recensement.

Pourquoi cette remontée du prix du pétrole ?

L’explication la plus couramment présentée est celle de l’action de l’Arabie, à la baisse d’abord, puis à la hausse avec l’aide de la Russie.

L’Arabie a d’abord inondé le marché pour faire baisser les prix et casser ainsi la production américaine de pétrole de schiste, dans laquelle elle voyait à juste titre un concurrent. Mais les Américains ont rapidement augmenté leur productivité, et leur seuil de rentabilité est tombé à 40 $ et même moins. Et l’Irak et l’Iran sont revenus sur le marché, augmentant eux aussi l’offre.

La stratégie de l’Arabie s’est alors inversée. Voyant fondre ses réserves financières, elle a convaincu d’autres pays, dont la Russie, qui souffrait beaucoup, de restreindre leur production pour faire remonter les prix. Cela a marché, avec l’aide de l’amélioration de la conjoncture mondiale qui a augmenté la demande de pétrole

Que va-t-il se passer ?

Pour commencer, l’inverse des effets de la baisse : un appauvrissement des pays consommateurs, moins marqué toutefois qu’en 2011-2014 et qu’avant la crise de 2008, car nous ne sommes qu’à 75 $ le baril et non dans la zone des 110. Néanmoins le passage de la zone des 40 à la zone des 75 reste rude et est probablement une cause du léger ralentissement actuel de l’économie de la zone euro.

Mais au-delà des effets conjoncturels, la question à long terme est de savoir si l’on aura trop ou pas assez de pétrole, et, corrélativement, quel niveau de prix.

Je remarque que les prophètes sont toujours trompés : quand les prix sont élevés, les raisonnements se multiplient pour montrer que la production de pétrole a passé son « pic », donc qu’il sera produit à l’avenir en quantité insuffisante, donc que les prix vont monter ou resteront élevés. Depuis la production croissante de pétrole de schiste américain, on entend beaucoup moins parler de ce « pic » qui semblait pourtant être une vérité absolue.

Va-t-on alors vers l’abondance ? En Amérique, on ne sait pas, car les puits ne restent productifs que quelques années et il faut multiplier les nouveaux. En cas de plafonnement, voire de baisse, d’autres pays, la Chine par exemple, prendront-ils le relais ?

Mon métier n’est pas la prophétie, mais l’analyse. Si j’étais chef d’État, je serais prudent et veillerais à une diversification des ressources. Notamment je ne sacrifierai pas mon nucléaire qui a l’avantage d’exister, d’utiliser un combustible peu volumineux que l’on peut stocker pour en avoir des réserves de plusieurs années, et enfin de ne pas être polluant. Mais quid des déchets direz-vous ? On en parle beaucoup mais ils ne prennent qu’un tout petit volume même si leur radioactivité doit durer très longtemps. On peut donc imaginer des solutions provisoires en attendant que les progrès de la technique (la fusion ?) permettent de les détruire.

Et puis, la meilleure source d’énergie, c’est de l’économiser. C’est mon ancien métier. Des progrès considérables ont déjà été faits en Occident, mais à l’échelle planétaire ils ont été annulés par les besoins de la Chine, de l’Inde et des autres pays en développement. Les gouvernements de ces pays prennent conscience du problème. Reste à espérer qu’ils seront efficaces. Les entreprises françaises sont compétentes dans ces domaines et devraient en profiter.

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  • Bien entendu, et laissons la merde des déchets nucléaires à nos enfants ! tout comme le retraitement non prévu et le déficit de l’industrie du nucléaire qui n’a rien à envier à celui de la SNCF.
    Reste qu’avec le matraquage fiscal sur le pétrole, les Français vont souffrir, et comme les taux des crédits sont également à la hausse, les catastrophes sont à notre porte.

    • La dangerosité des déchets nucléaires est très largement fantasmée. Les autres filières énergétiques (sauf bien sur l’économie d’énergie bien conduite) produisent aussi des déchets. La pire des activités humaines en matière de production de déchets est l’activité minière. Il en faut hélas beaucoup (ex terres rares, plomb, lithium…) pour construire des capacités de production d’énergie. Les mines d’uranium ne sont rien à coté de cela et les surgénérateurs pourraient très fortement réduire leur besoin. Je rappelle que si les mines sont une nuisance, c’est simplement parce que leur exploitation remet en circulation dans la biosphère ce que la nature avait stabilisé et stocké en profondeur depuis des temps géologiques. Mettre des cochonneries en profondeur est plutôt sain. Tout remuer fait remonter de l’arsenic et d’autres joyeusetés qui ont sans doute fait beaucoup de mal aux dinosaures quand un impact de météorite en à envoyé pas mal dans l’atmosphère.

      • Laurent46 préfère sans doute les tonnes d’uranium et de thorium des centrales à charbon non traitées et passées sous le tapis des déchets industriels.
        Quand les déchets nucléaires toxiques représentent un cube de 5m de côté, celui des déchets industriels toxiques fait plus de 200m de long.
        Quand tous les déchets nucléaires représentent un cube de 40m de côté, celui de tous les déchets industriels fait lui plus de 1km de long.

    • Vous raisonnez à l’envers, si on continue à utiliser le nucléaire et qu’on l’ameilliore (fusion, ou même fusion aneutronique), ces déchets pourront à leur tour devenir des carburants.

      • @ Chk
        J’entends parler de la fusion nucléaire depuis 40 ans et aucune centrale n’existe dans le monde, à ma connaissance! (Comme personne ne dit comment stocker à bon prix l’électricité du renouvelable: que le meilleur et le plus rapide gagne!

        En attendant, la France pourrait commencer sérieusement à déconstruire ses réacteurs nucléaires déclassés (et plus utilisés), histoire de connaitre le coût du post-nucléaire!

    • On avait une solution avec la filière des surgénérateur mais nos écolos n’aiment pas quand la réalité leur donne tort et c’est pour cette raison qu’ils font tout pour empêcher les progrès dans ce domaine.

    • Quand à Areva, il y a eu une très mauvaise gestion par Atomic Anne, grande amie des socialistes, doublée d’un détournement sur une échelle de plusieurs milliards avec Uramin.

  • Quand Renault va-t-il nous sortir une Clio nucléaire ?

  • Avant la fusion (qui pose hélas encore pas mal de problème), il y a la filière des surgénérateur qui peut être l’avenir du nucléaire en réduisant considérablement les déchets et en augmentation tout autant nos réserves de combustible nucléaire.
    Je comprends par contre que les écolos aient visé spécialement cette filière car ses progrès pouvaient potentiellement remettre en cause tout leur discours et arguments sur le nucléaire. Il était donc urgent pour eux de la tuer dans l’œuf !

  • Tres bonne analyse. Ca change de l’ordinaire que nous propose Contrepoints sur l’energie.
    Ps : Quelque chose me dit que le titre de l’article n’est pas de l’auteur… Je me trompe ?

  • Cher Yves, sans jouer les Cassandre, nous frôlons chaque année des incidents nucléaires, qui ne sont évidemment pas rendus public, en période de pic de chaleur ou quand le niveau des fleuves est très bas. Accepterez vous de vivre à moins de 200 km d’une centrale défaillante ? A t-on prévu une distribution de pastilles d’iode pour les 60 millions d’habitants ? Soyez réalistes, la solution n’est pas dans le nucléaire civil (merci à De Gaulle qui voulait la bombe pour sortir de l’Otan, une de ses marottes), elle est dans des économies drastiques de consommation électrique, quitte à faire tourner des centrales au fioul ou au charbon pendant quelques années encore, car foutus pour foutus qu’au moins on ne crève pas irradiés. Vous vous souviendrez de mon billet cet été ? Bien à vous. Christophe.

    •  » elle est dans des économies drastiques de consommation électrique, quitte à faire tourner des centrales au fioul ou au charbon pendant quelques années encore,  »

      C’est contradictoire de vouloir faire des économies drastiques en demandent de faire tourner des centrales fioul ou au charbon alors qu’il suffirait d’arrêter les 3/4 des centrales encore actives. Il n’y a jamais eu d’incident nucléaire en France qui aurait irradié l’environnement alors que la combustion de charbon libère de l’uranium dans l’atmosphère que vous respirez.

      Et puis autre contradiction. Si c’est  » car foutu pour foutu  » pourquoi vouloir changer. Mourir irradié à petit feu ou mourir à petit feu d’un cancer due au émanation de fioul est-ce vraiment différent au final?

  • Mon petit slogan perso: sortir du nucléaire c’est entrer dans la misère

  • Cet article est une plaisanterie !

    Je commencerai par les « conseils » de l’auteur :
    1/ garder les centrales nucléaires.
    Sauf que hormis la France, les autres pays utilisent essentiellement le charbon ou le gaz pour produire de l’électricité. Pour le cas français, le nucléaire représente 20% de la production d’énergie le pétrole 70%, et dans des usages absolument différents ! Donc, le conseil de garder le nucléaire pour se préserver des augmentations du prix du pétrole n’ont guère de pertinence, surtout dans un délai à moyen terme tel que le déclame l’auteur !

    2/ faire des économies.
    Encore une fois, l’objectif est trompeur ! Les entreprises font naturellement des économies pour la bonne raison de diminuer les coûts de production. Quant aux particuliers, les taxes sont telles qu’elles représentent le signe avant coureur de faire des économies avant même les difficultés d’approvisionnement ! Donc, des conseils déjà évidents. Merci !

    Quant aux conséquences espérées par l’auteur pour la baisse du prix du pétrole sur les « régimes » des pays producteurs, je ne vois pas en quoi elles diffèrent du discours de la pensée unique (mais on a échappé à la « maladie hollandaise » ! ). D’ailleurs, on peut avoir des doutes sur le lien avec le pétrole :
    – l’Arabie S arrivait à la fin d’une génération de vieux dirigeants. Le changement était donc prévisible…
    – l’Algérie est verrouillée
    – quant à la Russie, la baisse du pétrole n’a amenée ni changement de régime, ni crise gouvernementale, ni crise de la branche pétrolière, ni son statut de puissance mondiale. C’est la preuve par défaut que les mauvaises augures qui parient comme l’auteur sur le pétrole pour « corriger » la Russie sont d’impayables experts ! Certes, c’est une baisse des ressources de l’état, qui va provoquer une tension sur l’économie et la vie des habitants. Mais la Russie a bien d’autres ressources et bien d’autres moyens pour compenser les revenus du pétrole.

    • Je suis très sceptique quant à votre discours concernant la Russie. Il en va du pétrole comme de ses autres ressources : si l’économie reste dans la main des favoris du pouvoir, donc relativement fossilisée, je ne vois pas ce qui la sauvera.
      Les difficultés peuvent aussi bien déclencher des réformes (voir Gorbatchev ou Deng en Chine) que faire redoubler la répression pour réprimer le mécontentement (Staline pour l’Ukraine et bien d’autres, le Venezuela…)

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