Le Centre hospitalier vétérinaire : un modèle de réussite libérale

Entretien avec le docteur vétérinaire Didier Schmidt-Morand, exerçant exclusivement en ophtalmologie, à Nantes au Centre Hospitalier Vétérinaire Atlantia, dont il est l’un des fondateurs.

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Le Centre hospitalier vétérinaire : un modèle de réussite libérale

Publié le 23 avril 2018
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Par la rédaction de Contrepoints.

Contrepoints : « Qu’est-ce qu’un Centre hospitalier vétérinaire ? Nos lecteurs vont peut-être chez leur vétérinaire en ignorant toutefois qu’il existe différentes pratiques de cette profession.

Docteur Didier Schmidt-Morand : Il existe différents types d’exercice pour les vétérinaires : le vétérinaire à domicile, qui va chez les clients. C’est surtout dans les très grandes villes qu’il y a cette pratique.

Le cabinet vétérinaire, dans la France rurale et urbaine : c’est une petite structure.

La clinique vétérinaire, structure encore un peu plus importante.

Le CHV, Centre Hospitalier Vétérinaire, qui doit répondre à un certain nombre de critères : plus de matériel, plus de personnel : docteurs vétérinaires avec des spécialistes, et assistantes vétérinaires1. Les CHV doivent être ouverts 7 jours sur 7, 24h sur 24 pendant 365 jours.

CHV Atlantia-Tous droits réservés.

Il y a 7 Centres hospitaliers vétérinaires en France. Dans le CHV où je travaille nous sommes 70 personnes dont 35 vétérinaires. C’est le 2ème plus grand centre hospitalier en France.

Mais aux États-Unis, en Angleterre et ailleurs, il y a des Centres hospitaliers encore plus grands : où il peut y avoir parfois plus de 100 vétérinaires.

Le Centre hospitalier ne s’occupe que des animaux de compagnie : chiens, chats et NACS (nouveaux animaux de compagnie autres que chiens et chats). On ne s’occupe pas des animaux de rente (NdlR : les animaux de ferme, pour la production alimentaire ou de laine, peau, …).

Chez nous à Atlantia, nous avons une structure particulière associée au CHV, qui s’appelle FauneVet, composée de 6 vétérinaires, qui s’occupent des NACS et des animaux exotiques dans les zoos, parcs zoologiques, etc… Par exemple ceux du Puy-du-Fou qui a la plus grosse fauconnerie d’Europe avec plus de 450 rapaces sont soignés par FauneVet. Il arrive donc que je soigne l’œil d’un aigle, par exemple, ou la cataracte d’un lion ou d’une panthère ou d’un phoque.

Comment est financé un CHV ?

C’est un financement totalement privé. Il n’y a aucune participation publique, ni de sponsoring. Nous nous avons fusionné deux cliniques existantes, ce qui nous a permis de mettre en commun nos moyens et notre personnel.

Les fonds sont entièrement privés. Au départ nous étions 8 associés et propriétaires. Nous sommes actuellement sous forme de SCP (comptabilité / bénéfices industriels et commerciaux, soumis à l’impôt sur les sociétés).

Comment se répartit votre activité ?

Il y a les services, c’est la très grande majorité du chiffre d’affaires. Ensuite il y a la vente de médicament, qui est marginale puisque cela représente même pas 10% du chiffre d’affaires. Enfin la vente des aliments thérapeutiques.

Comment recrutez-vous dans un CHV ? Existe-t-il une exigence de compétence ? Comment la déterminez-vous ?

Le recrutement se fait à travers un réseau interne, dans le milieu vétérinaire, et pour être franc, il y a beaucoup de bouche-à-oreille. Le monde des spécialistes est un microcosme car ils sont peu nombreux et se connaissent très bien.

Ensuite, comme pour tout emploi, il y a une période d’essai car nous devons être sûrs que l’aspect humain fonctionnera : il s’agit quand même de gérer des équipes nombreuses, ainsi que le relationnel avec les clients.

Au niveau des assistantes vétérinaires (ASV), c’est un peu différent car dans un CHV nous avons besoin d’assistantes spécialisées2. Les assistantes sont habituellement très polyvalentes puisqu’elles assurent plusieurs fonctions auprès du vétérinaire. Mais en CHV, les ASV sont spécialisées : soit auprès des animaux hospitalisés, soit en accueil, soit au bloc chirurgical. Elles exercent dans leur spécialité.

Ce sont donc des assistantes qui doivent être excellentes, avec une formation dans des écoles spécialisées. Nous ne formons plus des ASV sur place, comme autrefois.

Les jeunes vétérinaires se dirigent beaucoup plus vers le salariat que vers la collaboration libérale. Comment l’expliquez-vous ?

Il y a une espèce de crainte, surtout quand on est débutant. C’est beaucoup plus confortable d’être chez un patron qui vous paie tant tous les mois, que d’avoir à payer toutes les cotisations, la Sécurité sociale, la retraite, toutes ces activités qu’on doit gérer soi-même. Après, cela devient évidemment une habitude, mais au début on est un peu effrayé.

D’où vient l’idée de créer des Centres hospitaliers vétérinaires ?

L’idée vient à mon avis de la demande. L’animal de compagnie est devenu tellement important dans la famille (la famille pouvant être une cellule de deux individus : la personne et son chien par exemple), que la demande devient la même que pour un membre de la famille. L’animal devient presque aussi important affectivement qu’un membre de la famille. Du coup, « je me soigne de manière sophistiquée en France, je veux qu’on mon animal bénéficie de la même sophistication de soins ».

Scanner, IRM… Il y a même sûrement des gens qui seront choqués de savoir qu’on fait un scanner à un lapin de compagnie alors qu’un humain est obligé d’attendre 10 jours pour passer, lui, un scanner. Cela peut paraître futile mais cela n’est pas le cas.

Les propriétaires attendent un niveau de service et le CHV répond à leur demande.

Les clients des CHV sont réputés avoir une assurance pour leur animal, les soins proposés étant souvent onéreux. Est-ce que le financement des soins par des assurances privées permet réciproquement aussi d’offrir des soins de pointe, plus sophistiqués, plus d’avant-garde ? Et même, pourquoi pas, de favoriser l’émergence des technologies de pointe ?

Oui, c’est quasiment sûr et certain. L’assurance des animaux de compagnie en France est encore embryonnaire (moins de 10% des animaux sont assurés). Le Français n’a pas le réflexe d’assurer son animal de compagnie, à  la différence des Anglais par exemple.

L’assurance est incontestablement la source du développement de soins sophistiqués, elle ouvre des possibilités.

Le problème en France c’est que le client est complètement incompétent pour juger le coût de la santé puisque nous avons la Sécurité sociale : la différence est colossale entre ce que coûte réellement une opération chirurgicale, par exemple, et ce que vous devez payer.

Pour reprendre mon exemple du scanner fait à un lapin : les gens ne se rendent pas du tout compte que nous sommes une profession de service et non une profession de santé : nous dépendons du ministère de l’Agriculture et étant une société de service nous avons une TVA à 20%. Le service de santé des humains, lui, n’a pas de TVA. Donc même en essayant de faire les prix les plus justes, c’est toujours « trop cher ».

L’assurance dédouane le propriétaire du problème financier, même s’il y a une franchise. Le problème c’est que souvent en France, on veut bien des soins de pointe, mais pour payer c’est une autre histoire…

Est-ce que le recours aux assurances ne pourrait pas, à terme, obliger les vétérinaires à « obéir » aux exigences des assureurs, notamment en termes financiers ? Cela ne met-il pas en péril la liberté des vétérinaires, à laquelle ils sont attachés ? Les réseaux de soins commencent à exister pour les humains et les médecins y sont la plupart du temps vigoureusement opposés.

J’ai été au Conseil de l’Ordre pendant une quinzaine d’année, à l’époque où les assurances ça faisait peur. Ce sont des discussions qui ont eu lieu, tout le monde était très craintif en regard de ce qui se passe pour les carrossiers par exemple, qui sont quasiment obligés de travailler au prix fixé par l’assurance.

Certaines professions de service se retrouvent emprisonnées par des tarifications.

Cette crainte est en train d’être oubliée car le niveau du travail fourni est monté en gamme, et nous sommes plutôt dans une notion de rentabilité où l’assurance est indispensable pour des structures comme les nôtres. On n’est pas « plus chers  comparativement aux confrères », mais nous proposons des services beaucoup plus compliqués, donc plus chers.

Une assurance privée ne pourrait-elle pas devenir une Sécu des animaux et imposer un plafonnement des prix, un peu comme elle le fait avec les dentistes pour ne prendre que cet exemple ?

Qu’un jour les assurances nous dictent combien doit coûter une prothèse de hanche ou une chirurgie de la cataracte avec implant, cela ne me paraît pas inquiétant.

Les assurances pour animaux sont en ce moment tellement nombreuses que le jour où elles arriveront à faire bloc n’est pas arrivé.

Il y a donc une saine concurrence des assurances ?

Ce n’est même pas de la concurrence puisque actuellement dans le monde des assurances pour animaux de compagnie il y a un peu tout et n’importe quoi. Il y a des offres sérieuses, et des trucs plus fantaisistes ou très flous.

Qu’est-ce qui permet aux vétérinaires de garder leur liberté ? Après tout, c’est l’une des dernière professions authentiquement libérales en France.

Vous touchez du doigt deux grands monde : le vétérinaire du monde rural et le vétérinaire du monde urbain.

Le vétérinaire rural n’est pas si libéral que ça : il a une activité d’État, il a le mandat sanitaire, il a une fonction de prophylaxie dans les campagnes sanitaires, c’est lui qui surveille le cheptel, qui fait la visite obligatoire d’élevage (quand vous achetez une vache, un vétérinaire doit obligatoirement faire une consultation pour vérifier que l’introduction de cette vache ne met pas en danger le reste des animaux, etc…)

Quelque part le vétérinaire rural est un agent public, qui a des vacations pour travailler pour l’État. On lui impose le rythme des visites (fluctuant suivant les décisions gouvernementales). Il travaille pour le bien collectif, certes, mais son activité est forcément contrainte. C’est là où il n’est plus libéral.

Les vétérinaires urbains sont en nombre beaucoup moins important et n’ont pas d’obligation publique, à part la surveillance de la rage. Mais c’est nous qui définissons nos tarifs.

Le métier de vétérinaire de ville est encore fortement libéral. Nous sommes dépendants de notre propre personne. Certes on ne fait pas « ce qu’on veut » parce qu’il y a des règlements, le Code de déontologie… mais nous sommes encore très libres de travailler comme on l’entend.

Comment expliquez-vous que cette profession reste à l’abri de l’intrusion de l’État ?

L’État n’a tout simplement pas envie de venir s’occuper du marché du chien, du chat, ni de la manière dont la santé des animaux de compagnie est gérée. Les soins des chiens et des chats, c’est du superflu, de l’affectif, du luxe, par rapport aux missions de service sanitaire. »

Propos recueillis par Séverine B.

  1. L’équivalent pour les humains d’une infirmière, réceptionniste, secrétaire, aide-soignante, femme de ménage…
  2. Et il n’y a pas de parité puisque la très grande majorité sont des femmes.

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