Tous en Cène avec Benoît XVI !

Aujourd’hui, c’est Pâques, la Résurrection : arrêtons-nous un instant avec Benoît XVI sur la plus mystérieuse de toutes, l’Eucharistie, ce mot voulant dire action de grâce, remerciement.

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Philippe de Champaigne La Cène-Avec l'aimable autorisation du Musée des Beaux-Arts de Lyon-CC BY-SA 4.0

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Tous en Cène avec Benoît XVI !

Publié le 1 avril 2018
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Par Nathalie MP.

La période pascale coïncide toujours peu ou prou avec l’anniversaire du pape émérite Benoît XVI qui fêtera ses 91 ans le 16 avril prochain. Il y a deux ans, son secrétaire indiquait qu’il était en train de  « s’éteindre lentement ». Alors qu’il a renoncé à son pontificat depuis plus de cinq ans maintenant, alors qu’il n’a jamais été populaire, ni à la façon de Jean-Paul II ni à la façon de François aujourd’hui, il reste cher au cœur des chrétiens pour sa grande bonté, sa simplicité et ses qualités intellectuelles supérieures.

Ayant été informé par le quotidien italien Corriere della Sera que de nombreux lecteurs écrivaient au journal pour avoir de ses nouvelles, il leur a répondu récemment par un petit mot posté dans le courrier des lecteurs :

 

« … Je suis très touché de savoir que tant de lecteurs de votre journal souhaitent savoir comment je passe cette dernière période de ma vie : je peux seulement vous dire à ce propos que, dans le lent déclin de mes forces physiques, je suis intérieurement en pèlerinage vers la maison… » Extrait.

En pèlerinage vers la maison… de Dieu, bien sûr. Nul plus que Benoît XVI n’aura cherché à se préparer à l’ultime rencontre avec le Dieu dont la révélation a éclairé toute sa vie terrestre. Dans son ouvrage en trois volumes Jésus de Nazareth, plus qu’une simple histoire chronologique du Christ, c’est bien « la figure et le message de Jésus »qu’il s’attache à découvrir, afin de « développer un regard sur le Jésus des Evangiles et une écoute de ce qu’il nous dit susceptibles de devenir rencontre ».

Parmi toutes les rencontres avec le Christ qu’on pourrait imaginer – et pour un chrétien, ça peut aller d’un simple moment heureux vécu en famille ou entre amis à cet instant rare et douloureux mais sublime où le Lieutenant Colonel Beltrame a pris le risque de mourir pour sauver son prochain, en passant par la contemplation pleine de points d’interrogation d’un ciel d’été étoilé – je vous propose aujourd’hui, veille de Pâques, veille de Résurrection, de nous arrêter un instant avec Benoît XVI sur la plus mystérieuse de toutes, l’Eucharistie, ce mot voulant dire action de grâce, remerciement.

L’Eucharistie, ce moment de la messe aussi appelé Communion, où les chrétiens partagent le pain et le vin comme étant véritablement le corps et le sang du Christ versés pour nous tous en rémission des péchés, a été instituée par Jésus lui-même lors de la Cène. Ce dernier mot vient du latin cena qui signifie repas, dîner. La langue espagnole a gardé cena pour désigner tous les repas mais en français, Cène ne s’applique qu’au dernier repas que le Christ a pris avec ses apôtres. C’est un point que je n’hésite pas à répéter à mes 6ème du catéchisme, histoire de les familiariser avec l’orthographe et le sens de ce mot peu usité.

Il existe des questionnements pour savoir si la Cène était bien le repas de la Pâque juive. Si l’on s’en tient aux Évangiles synoptiques, c’est-à-dire à ceux de Marc, Luc et Matthieu, la réponse est oui. Le premier jour des pains sans levain, le jeudi veille de la fête de la Pâque qui tombe un vendredi cette année-là, des disciples sont envoyés par Jésus pour faire les préparatifs.

Le soir même, Jésus les rejoint pour le repas :

« Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » […] Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque. Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze. »  (Mc 14,12-17)

Jésus étant jugé et crucifié le lendemain vendredi, cela suppose qu’il est jugé et crucifié le jour même de la fête de la Pâque. Compte tenu de l’importance de cette fête pour les juifs, on conçoit mal une exécution ce jour-là. Cette chronologie semble donc compromise, d’autant que Jean en propose une autre dans son Évangile :

Jésus a bien pris son dernier repas le jeudi soir mais ce n’était pas le repas de la Pâque. Il a bien été jugé et exécuté le vendredi ; pas pendant la fête mais la veille c’est-à-dire le « premier jour des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal ». La fête de la Pâque a eu lieu le samedi alors que Jésus reposait dans son tombeau ; et la Résurrection a bien eu lieu le dimanche.

La chronologie de Jean semble plus probable historiquement mais elle a pourtant été écartée presque d’emblée. D’une part, la coïncidence temporelle qu’il établit entre l’immolation des agneaux pascals et la mort du Christ (le vendredi) est apparue comme un arrangement volontaire de sa part pour donner une résonance théologique à la mort de Jésus ce jour-là précisément. Or les Evangiles n’en font nulle mention explicite. D’autre part, toutes les caractéristiques de la Cène en font un événement intimement lié à la tradition de la Pâque juive. Nier son caractère pascal semblait problématique.

Ce qu’on peut dire cependant du dernier repas du Christ, c’est que Jésus, qu’il ait effectivement célébré la Pâque juive ou non, nous propose une nouvelle Pâque, sa Pâque à lui, où il se donne lui-même comme agneau pascal avec la vie éternelle dans le royaume de Dieu comme horizon. Alors que les juifs célèbrent la sortie d’Égypte où ils étaient retenus en esclavage par le Pharaon, alors donc qu’ils célèbrent en quelque sorte le passage de l’esclavage à la liberté, Jésus nous invite à une Pâque d’un sens nouveau, celui du passage de la mort à la vie.

Il n’en reste pas moins que les paroles prononcées par Jésus lors de la Cène (« mon corps et mon sang livrés pour vous et pour la multitude ») semblent difficilement acceptables pour nos mentalités modernes. Jésus annonce le royaume de Dieu, il annonce la bonne nouvelle de la vie éternelle mais il annonce aussi le sang versé par sa mort sur la croix. Comment Dieu peut-il en faire en même temps le porteur d’un message d’amour et une victime expiatoire ?

Comme le rappelle Benoît XVI, les paroles de la Cène ont beau être très sûres du point de vue historique, elles peuvent paraître choquantes et contradictoires. Mais pour lui, il n’y a pas de contradiction :

Les hommes sont libres de croire ou non et Dieu sait qu’ils lui auront souvent dit non ! Luc nous montre que dès le début de sa vie publique, Jésus essuie les refus de ses compatriotes de Nazareth où il a vécu pendant 30 ans. Après avoir lu un texte d’Isaïe, Jésus annonce que ce passage des écritures s’accomplit grâce à lui.

Inacceptable présomption, pour ceux qui l’écoutent dans la synagogue :

« À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. » (Luc 4, 28-30)

Dans l’expression « mon corps et mon sang livrés pour vous et pour la multitude », les mots peut-être les plus importants sont « pour vous et pour la multitude », c’est-à-dire pour tous les Hommes, qu’ils soient d’aujourd’hui, d’ici, d’ailleurs ou de demain. C’est par amour, afin que la vie éternelle s’ouvre à « la multitude » que Dieu se donne.

Ce qui fait dire à Benoît XVI qu’appréhendée à partir de la Cène et la Résurrection,

« La croix est justement l’extrême radicalisation de l’amour inconditionnel de Dieu – amour dans lequel, malgré toutes les négations de la part des hommes, il se donne lui-même, prend sur lui le Non des hommes, l’attirant ainsi dans son Oui. »

Reprenons l’ensemble des faits et gestes de Jésus lors de la Cène tels qu’ils sont rapportés dans l’Evangile de Luc :

« Puis, ayant pris du pain et rendu grâce, il le rompit et le leur donna, en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Et pour la coupe, après le repas, il fit de même, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous. » (Luc 22,19-20)

Tous les mots comptent. Jésus prend le pain et le vin. C’est normal, nous assistons à un repas. Puis il rend grâce. Ce faisant, il s’inscrit dans la tradition : pas de repas sans prière de remerciement à Dieu qui pourvoit à nos besoins. Mais de façon plus profonde Jésus remercie par avance son Père du fait qu’au-delà des souffrances de la croix, il ne l’enverra pas à la mort. Comme le dit B16, « il rend grâce pour le don de Résurrection ».

C’est précisément pour cela que l’ensemble des paroles et des gestes de Jésus ont été retenus dans la messe du dimanche sous le nom d’action de grâce ou Eucharistie, laquelle n’est pas autre chose qu’une rencontre permanente avec le Ressuscité.

Ensuite, il rompt le pain. C’est le geste du père pour ses enfants, c’est le geste du partage et de l’hospitalité, le geste qui montre qu’il y aura assez à manger (et assez d’amour) pour tous. Le fait de partager crée une communion, une communauté, et jusqu’à une Église. Et c’est aussi le geste qui fera que le dimanche suivant, après la Résurrection, les pèlerins d’Emmaüs qui ont rencontré Jésus ressuscité, sans le reconnaître d’abord, le reconnaitront, tandis qu’ils sont à table ensemble (Luc 24, 30-31).

Nous avons déjà parlé du corps et du sang versés. Nous arrivons donc au commandement « Faites cela en mémoire de moi ». Qu’est-ce au juste que Jésus nous demande de faire ? Un banquet commémoratif de la Pâque, fût-elle sa Pâque ? Probablement pas ; la Pâque est une vieille tradition juive très codifiée qui n’a pas besoin de Jésus pour exister.

La demande de Jésus ne relève pas de la tradition, elle relève d’un monde entièrement nouveau, d’un esprit nouveau : le partage du pain instaure l’Église, l’action de grâce est rencontre avec le Ressuscité, et les paroles de la transsubstantiation (ceci est mon corps, ceci est mon sang) témoignent de l’amour inconditionnel de Dieu.

Bien sûr les disciples ne saisiront pas tout cela d’un seul coup. C’est progressivement que ces éléments leur deviendront clairs. Mais très vite et très logiquement l’Eucharistie est devenue la cérémonie du matin du dimanche, jour de la Résurrection.

Et très vite, elle a été détachée du simple repas pour ne plus concerner que les aspects liturgiques. C’est frappant dans la Cène de Fra Angelico (ci-contre) : il y a bien une table et une nappe, mais plus aucun des objets usuels des repas. L’artiste nous place devant l’autel, pas à table.

Pour conclure, comment définir l’Eucharistie ? Je laisse la réponse à Benoît XVI :

« L’Eucharistie est le nouveau culte qui remplace les sacrifices du Temple : glorification de Dieu dans la parole, mais dans une parole qui s’est faite chair en Jésus, et qui désormais, à partir de ce corps de Jésus qui a traversé la mort, concerne l’Homme tout entier, toute l’humanité – et devient le commencement d’une nouvelle création. »

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