Facebook m’a tuer

Nos existences à l’ère de Facebook, c’est en fait du théâtre non-stop, à faire pâlir de jalousie Claudel et les onze heures de représentation d’un « Soulier de satin ».

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Facebook m’a tuer

Publié le 30 mars 2018
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre

« Couple, amis, famille, travail, Facebook, Google ou Twitter bouleversent notre existence » (…) « Big brother is watching you ? Pas vraiment. Aujourd’hui, nous enfilons nous-mêmes nos bracelets électroniques pour nous épier mutuellement. Orwell, c’est du passé. Pas de big brother à l’ère de l’Iphone et de Facebook : nous sommes tous devenus des little brothers ». 

Rencontrés sur les bancs de Sciences Po, Alexandre des Isnards et Thomas Zuber, consultants en ressources humaines et en communication, ne nous plongent pas dans le monde impitoyable des réseaux sociaux puisque nous y sommes tous déjà. Ils nous tendent un miroir, à travers l’observation de dizaines de profils Facebook, analysés, décortiqués, des statuts aux mails en passant par les amis, les familles… à commencer par les leurs.

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Mark Zuckerberg, fondateur du réseau social le concède « la norme sociale est en train de changer ». Depuis Facebook, Twitter, Google, nous ne gérons plus nos relations sociales et personnelles de la même façon. « Chacun, aujourd’hui, se transforme en petit centre de profit : cet ami qui m’a déçu ? Pas grave, j’en ai deux cent cinquante autres sur mon profil Facebook. Ce mec ou cette fille ne me plaît plus ? Pas grave, j’ai vingt candidats en attente sur mon compte Meetic. J’ai promis à un ami de venir à sa soirée, mais en fait j’ai un autre plan ? Pas grave, je lui envoie un SMS d’annulation pour « contrainte de dernière minute ». 

Mais au-delà des dérives de Facebook qui font la une, du harcèlement au suicide, en passant par le challenge le plus absurde, nos comportements ont changé, que nous en soyons conscients ou pas. De la naissance au décès, toutes les pierres angulaires de notre sphère privée sont aujourd’hui jetées en pâture, sacrifiées sur l’autel de la transparence.

Nous sommes tous la « Generation Y », des narcisses 2.0

Nous sommes tous des whyers, connectés 24 heures sur 24, à l’aise avec tout, nous amusant de tout, connectés avec tout le monde, nos amis, notre famille, notre mamie, notre… boss. Tout est sous contrôle ? Pas sûr. Mais n’est-il pas déjà trop tard pour s’extraire du flux ? Car ces nouveaux outils de communication sont addictifs et personnes ne nous oblige à rien, ni à consommer, ni à échanger.

On nous y incite, certes, mais la pression est bien réelle : c’est la pression d’une peur, celle d’une exclusion, pire, d’une mort virtuelle : « aujourd’hui, celui qui coupe son téléphone, son ordinateur ou sa tablette disparaît. Nous sommes tous la génération Y ». Et si l’eau claire des « narcisses 2.0 » que nous sommes, c’était les autres ? « Qui m’aime me suive ! Notre quotidien, nos images, nos humeurs doivent être validés par nos amis ».

Des armes de distraction massive

Parmi la multitude de profils observés, on retrouve Guillaume et Loïc, deux amis d’enfance qui ne s’étaient jamais perdus de vue. Avant les smartphones, les deux amis se donnaient des rendez-vous ponctuels, par répondeurs interposés. Curieusement, ils se voyaient plus souvent qu’à l’époque des portables. « Maintenant, ils ont du mal à accorder leurs agendas. Et quand ils y parviennent, ils ne résistent pas à la tentation du SMS d’annulation de dernière minute ». 

Des armes qui peuvent aussi se retourner contre celui qui les utilise. Les réseaux sociaux, c’est un peu la version « officielle » de notre vie, celle que l’on publie pour s’assurer une visibilité. Les voyages, les déplacements, les changements de statuts sont mis en scène, pour valoriser l’internaute.

Mais voilà, il existe parfois certaines archives numériques que l’on préfère oublier, à l’image d’Agathe dont certains épisodes de la vie resurgissent malgré elle. « Comme sa participation, il y a sept ans, au comité de rédaction de Riposte, à l’époque où elle militait à la LCR. Au boulot, on la charrie souvent sur ses saillies anticapitalistes de jeunesse ».

Et si nous nous étions tous mutés en une nouvelle espèce : des marcheurs du net, des agents des RG, prêts à fouiller les données des autres. « C’est facile : tout ce que nous faisons sur le Web est conservé. Profitez-en ! Suffit de se servir sur les serveurs. Vous voulez effacer vos traces ? Facebook et Google conservent tout, même après votre mort. Facebook, par idéologie : « la norme sociale a évolué », fredonne en boucle Zuckerberg. Google, pour une raison plus surprenante : notre santé ». Car oui, Google affirme pouvoir anticiper, grâce à nos données, les foyers et la propagation des épidémies du futur.

Mais voilà, d’ici la prochaine épidémie de peste, nous sommes contraints à la cohabitation. Avec qui ? Nous autres, nous-mêmes : le moi que je me suis construit socialement, celui de ma jeunesse et de mon activisme, ou celui de passions plus ou moins avouables, qui nous suivront à la trace, fragments de nos identités éclatées, « déchets numériques non recyclés, qui nous mettent à nu, et pas forcément sous notre meilleur profil ».

Always connected

« Aujourd’hui, les histoires d’amour se construisent à quatre. Elle, lui, leurs téléphones. SMS. MMS. Appels. Répondeurs. Être en couple, c’est être ensemble même quand on est loin. Se voir n’est plus suffisant, il faut rester connecté ». Lucile et Romain sont en couple depuis un an. Le petit SMS du matin fait partie de la routine.

Un petit message d’attention, qui donne l’impression que la personne est avec vous, qu’elle pense à vous. Il suffit d’un retard dans la réponse, d’un décalage, un petit contretemps dans la chorégraphie des pouces et des claviers de smartphones, pour que le pire soit envisagé.

Le vide est suspect, il angoisse. De bonnes vacances, ce ne sont plus des vacances où l’on prend le temps de déconnecter, de se retrouver soi-même, ou tout simplement de se mettre au vert. Non, de bonnes vacances, ce sera une belle brochure de voyage, tour-opérateurs de nous-mêmes. Alexandre des Isnards et Thomas Zuber zooment enfin sur Elodie et Patrick. Dans l’open space qu’ils partagent, Elodie invite son collègue à s’extasier devant le diaporama de ses vacances. « Et toi au fait, tes vacances en Andalousie ? T’as les photos ? – Non. J’en ai pas fait. – Ah… Et ça s’est bien passé quand même ? ».

Le temps des géolocalisations

Nos existences à l’ère de Facebook, c’est en fait du théâtre non-stop, à faire pâlir de jalousie Claudel et les onze heures de représentation d’un « Soulier de satin ». « Pour vivre heureux, vivons cachés. Mais peut-on encore vivre caché aujourd’hui ? Avec Google Street View, n’importe qui peut zoomer sur votre maison ». Et c’est sans compter sur nos mouchards préférés, notre carte bancaire, notre pass navigo. Mais voilà, c’est notre monde et nous l’avons choisi, « car tout le monde, et surtout vos amis, veulent savoir ce que vous faites et où vous êtes ».

Pour aller plus loin :

–       « Facebook : le harcèlement des jeunes se poursuit à la maison »letemps.ch

–       « La génération Y révolutionne le travail »lemonde.fr

–       « La technologie ne doit pas nous asservir »nextinpact.com

–       « Faut-il se retirer des réseaux sociaux ? », psychologies.com

–       « Internet : arme de distraction massive »prezi.com

–       « Facebook et la mise en scène de soi : contrôler son image est euphorisant », nouvelobs.com

–       « Sdandale Cambridge Analytica – Facebook « nous avons fait des erreurs », reconnaît Zuckerberg », nouvelobs.com

Sur le web

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  • Merci pour cette dénonciation de l’incapacité des gens à exister par et pour eux-mêmes, en dehors de leur Etat et Gafa nounous.

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