Guerre commerciale : le protectionnisme ou le déclin de la démocratie

Trump déclare la guerre commerciale à la Chine. En France, après des années de discours de « protection », de Sarkozy à Macron, comment s’étonner que le « protectionnisme » revienne en force ?

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Emmanuel Macron et Donald Trump, 14 juillet 2017 by Chairman of the Joint Chiefs of Staff(CC BY 2.0)

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Guerre commerciale : le protectionnisme ou le déclin de la démocratie

Publié le 28 mars 2018
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Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

En sanctionnant les importations chinoises pour près de 60 milliards de dollars et en réduisant l’afflux d’acier et d’aluminium, Donald Trump a choisi d’ouvrir une « guerre commerciale » avec Pékin. Ce tournant économique est d’autant plus inquiétant qu’il ne fait qu’illustrer une pente protectionniste suivie par de nombreuses politiques à travers le monde. Il ne présage rien de bon.

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Les économistes expliquent régulièrement que, s’il y a de nombreux désaccords entre eux, la question du commerce international fait généralement consensus : l’échange économique est facteur d’enrichissement mutuel. Convaincu de cet argument, le principal conseiller du Président Trump, Gary Cohn, a démissionné, pour protester contre les annonces de son chef, lesquelles sont poussées par l’iconoclaste Peter Navarro, qui ne cesse de plaider pour un contrôle plus fort des flux commerciaux.

Le délitement du multilatéralisme commercial

Le discours de Donald Trump est marqué par une rhétorique qui lui est propre, mais le fond de son message est loin d’être exceptionnel ni, surtout, anecdotique. Il est révélateur d’un délitement du multilatéralisme commercial, à l’œuvre depuis des années. L’Organisation mondiale du commerce est bloquée : les négociations sont moribondes depuis le cycle de Doha, ouvert en 2001 et échoué à Cancun en 2003. Les pactes régionaux se sont multipliés, fragmentant le champ des discussions commerciales. Ceux qui manifestaient en 1999 à Seattle contre l’OMC tentaient de faire reculer l’institution ; ils ont ce qu’ils voulaient mais, comme il fallait s’y attendre, c’est une solution non coopérative qui l’a remplacée.

La politique du président Trump est aussi le marqueur d’une tendance de fermeture des flux commerciaux, commune à l’ensemble du monde occidental. Bruno Le Maire est en plein dans cette doctrine quand il plaide pour étendre le « décret Montebourg » qui permet de contrôler les investissements étrangers en France. Les échanges économiques ne sont pas seuls concernés : partout à travers le monde, les murs s’érigent pour bloquer les migrations humaines.

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Solutions autoritaires

La mondialisation a été un formidable facteur de progrès comme le rappelle Johan Norberg, mais elle a déstabilisé les situations économiques et sociales, générant une inquiétude légitime, une demande d’État et un besoin de cohésions sociale et culturelle. Ce n’est pas neuf : en 2005, Pierre Manent discutait de La raison des Nations (Gallimard) et en 2013 Michel Guénaire du Retour des États (Grasset).

Partout, les responsables politiques se sont précipités pour renforcer les contrôles, les barrières, les obstacles aux échanges. Après des années de discours de protection, de Sarkozy à Macron, comment s’étonner que le protectionnisme revienne en force ?

À la fin du XIXe siècle, les transformations économiques ont bouleversé les sociétés. Elles ont nourri des réactions politiques faites de régulation de l’économie (l’antitrust) et des relations sociales (l’émergence des droits sociaux). Elles ont aussi conduit au verrouillage du commerce international et des migrations. Harold James a montré comment cette rigidification du monde a conduit aux solutions autoritaires (Harvard, 2002). L’État puissant qui a émergé alors est devenu la première menace à la liberté, le principal vecteur de crimes administrés (comme Raul Hilberg le montre pour le nazisme). Ce n’est pas un hasard si l’Occident se tourne aujourd’hui vers le populisme ou les technocrates. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle.

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  • « L’État puissant qui a émergé alors est devenu la première menace à la liberté, le principal vecteur de crimes administrés (comme Raul Hilberg le montre pour le nazisme). Ce n’est pas un hasard si l’Occident se tourne aujourd’hui vers le populisme ou les technocrates.  »
    Rien ne discrédite plus un discours que ce genre d’amalgame. Donc zéro pointé.

    • @ buckyhorsy

      Oui et pointé bien profond!
      Lire: « La mondialisation a été un formidable facteur de progrès comme le rappelle Johan Norberg, mais elle a déstabilisé les situations économiques et sociales, générant une inquiétude légitime, une demande d’État et un besoin de cohésions sociale et culturelle » sur Contrepoints, je ne m’y attendais quand même pas du tout!

  • Le droit de douane est une taxe infligée à l’acheteur d’un produit venant de l’étranger. Dans le cas présent, Trump pénalise les consommateurs américains qui consomment de l’acier ou de l’aluminium, car ce n’est pas seulement l’acier chinois qui sera plus cher, mais aussi l’acier américain qui, étant soumis à une moindre concurrence, verra ses prix monter également. En prétendant punir les Chinois il punit les Américains.

    • @ Jacques Peter

      Ben non! L’acier et l’aluminium américains seront 25% moins cher: en théorie: rien n’est encore en fonction, que je sache et l’effet ne sera que limité! Mais d. Trump ‘en fout! Ce qu’il veut, c’est un recentrage « égoïste » limité « pour se refaire » (ou se reconcentrer sur les siens : « America’s first »! Et c’est vrai que quand les USA éternuent, le monde craint la grippe!
      (La France tombe de Carybde en Scylla, le monde compatit mais laisse aller! Pour les USA c’est différent! Différence que les Français font parfois semblant d’ignorer!)

      Un repli sur eux-mêmes des USA n’est pas toxique pour eux si il n’est pas trop long (Jusqu’à présent, c’est eux qui décident pour « le monde »!).
      Ils reviendront bien sûr sur le marché international, mais plus recentrés sur leurs intérêts et plus « agressifs »: si ce n’est qu’une cure, c’est très sain! Pour eux!

  • Bonjour,
    Juste une réƒlexion amusée sur le rôle dune simple virgule. On dit souvent « …Sans y changer une virgule ». Ici, en effet, ça peut ƒaire toute la différence!!
    Pensez à « £a £iberté ou la mort!!! »
    Mais vous avez, bien sûr, voulu dire « £e protectionisme, ou le déclin de la démocratie », ce qui signiƒie « £e protectionisme, autrement dit le déclin de la démocratie ».
    Il y a parƒois des « détails » ((pour les uns, mais pas pour les autres)) qui déglinguent la communication et déclenchent des brouilles inimaginables. On citera seulement le premier Ambassadeur de la Chine communiste aux Nations Unies : Dans son discours inaugural, il traite les U.s.a. de « Têtes de chiens » et s’attire la haine hystérique de tout un pays. Un diplomate aurait dû expliquer, mieux que personne, que, dans l’Opera chinois, « Tête de Chien » est l’appellation traditionnelle de l’adversaire qui ƒait la guerre sans l’avoir déclarée ((ce qui, alors, était précisément en cours au Viêt Nam)). Ce n’est pas entièrement une injure.
    Maintenant, avec le raffinement délicat et bien connu d’un certain président protectionniste, tout le monde a intérêt à conserver sa Poker ƒace avant de réagir………………

    • Pardon, mais vos connaissances historiques sur la guerre du Vietnam sont nulles. Les américains aidaient le gouvernement du sud Vietnam agressé par les troupes du nord Vietnam et les insurgés communistes que téléguidait ce dernier. Ce n’était en rien une guerre non déclarée, ils agissaient à la demande du gouvernement du sud.

  • Si la Chine respectait les règles du libre échange on n’en serait pas là. Mais elle pille les richesses de l’Occident en faisant du dumping et limitant les importations. Donc c’est elle qui fait une guerre commerciale!

    • Comment la Chine peut-elle piller les richesses de l’Occident en faisant du dumping? Le dumping profite à l’Occident puisqu’il permet aux consommateurs occidentaux d’avoir accès à des produits bon marchés, subventionnés (dumping) par les Chinois.

  • Ne serait ce que le titre, c’est déjà insupportable d’idéologie, de mépris et de suffisance. Trump a totalement raison de contrer la Chine et comme ils disent « These negociations are over due ».

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